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04/12/1990 | FRANCE | N°88-41494

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 décembre 1990, 88-41494


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Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... et six autres salariés, au service de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (ci-après SEITA), ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'un rappel au titre de la prime annuelle versée en 1986, en soutenant, d'une part, qu'elle aurait dû être au moins égale à celle versée en 1985, d'autre part, que leur employeur avait procédé à des abattements discriminatoires ;

Sur les trois moyens réunis, en ce qu'ils ont pour objet un abattement opéré sur la prime au titr

e de la grève :

Attendu que la SEITA fait grief au jugement de l'avoir cond...

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Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... et six autres salariés, au service de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (ci-après SEITA), ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'un rappel au titre de la prime annuelle versée en 1986, en soutenant, d'une part, qu'elle aurait dû être au moins égale à celle versée en 1985, d'autre part, que leur employeur avait procédé à des abattements discriminatoires ;

Sur les trois moyens réunis, en ce qu'ils ont pour objet un abattement opéré sur la prime au titre de la grève :

Attendu que la SEITA fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer un rappel à ce titre, alors, selon le moyen, en premier lieu, que l'article 29 du décret en date du 8 août 1985 fixant le statut du personnel de la SEITA, prévoit que : " le mode de calcul et les conditions de fixation de cette prime sont fixés par décision du président-directeur général ", que celui-ci se trouve par conséquent investi, par le décret du 8 août 1985, d'un pouvoir réglementaire concernant la détermination des modalités de calcul de ladite prime, que sa décision présentant dès lors le caractère d'un acte administratif, seules les juridictions administratives sont compétentes pour en apprécier la légalité, qu'en se déclarant néanmoins compétent pour se prononcer sur la légalité d'une telle décision, le conseil de prud'hommes a violé ensemble les dispositions de l'article 29 du décret précité et la loi des 16-24 août 1790 ; alors, en second lieu, d'une part, que la prime de productivité existant jusqu'en 1985 résultait de l'article 49 du décret du 6 juillet 1962 fixant le statut du personnel, que ce statut a été modifié par le décret en date du 8 août 1985 qui a substitué à ladite prime une nouvelle prime annuelle distincte de la précédente, que, dès lors, le personnel de la SEITA, qui ne peut se prévaloir d'un quelconque droit acquis en matière réglementaire, ne pouvait exiger le maintien de la prime prévue par les dispositions réglementaires antérieures ; qu'en décidant le contraire, le jugement attaqué a violé l'article 29 du décret du 8 août 1985, d'autre part, et en toute hypothèse, que le seul fait que la prime de productivité prévue par le décret du 6 juillet 1962 ait été calculée en fonction de critères prédéterminés, ne justifie nullement la prétendue fixité de son montant ; qu'en décidant néanmoins que la SEITA devait verser en 1986 une prime d'un montant au moins égal à celle versée en 1985, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, et en troisième lieu, d'une part, qu'en prévoyant un abattement de la prime pour toute absence non rémunérée quelle qu'en soit la cause, à la différence des diverses absences rémunérées en vertu des textes légaux et conventionnels applicables, la SEITA n'a procédé à aucune discrimination ; en décidant le contraire, le jugement attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 521-1 du Code du travail, d'autre part, qu'à supposer que l'abattement ainsi prévu en cas d'absence du fait de grève soit discriminatoire, il ne l'est pas pour les absences non autorisées et la mise à pied ; qu'en décidant le contraire, le

jugement attaqué n'a derechef pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil, enfin, qu'en ne précisant pas les modalités de fixation des sommes allouées à chacun des demandeurs, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision et ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que toutes les absences, autorisées ou non, n'entraînaient pas les mêmes conséquences, le conseil de prud'hommes a pu en déduire qu'en ce qu'elles avaient été pratiquées à la suite d'une grève, les retenues sur la prime constituaient des mesures discriminatoires au sens de l'article L. 521-1 du Code du travail et a, en application de ce texte, accordé la restitution aux salariés des sommes ainsi retenues sans se prononcer sur la légalité du statut du personnel de la SEITA et de la décision du président-directeur général ;

Qu'en statuant ainsi, les juges, auxquels ils incombaient de déterminer la règle de droit applicable au litige dont ils étaient compétemment saisis, ont, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, ni encourir les autres griefs du moyen, légalement justifié leur décision ;

Mais sur le premier moyen, en ce qu'il a pour objet les autres demandes : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens quant aux demandes n'ayant pas pour objet les absences consécutives à une grève :

CASSE ET ANNULE, à l'exclusion de ses disposition, relatives à l'abattement pour absence consécutive à une grève, le jugement rendu le 10 décembre 1987, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Nanterre


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 88-41494
Date de la décision : 04/12/1990
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Droit de grève - Atteinte au droit de grève - Suppression ou réduction d'une prime

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Définition - Tabac - Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes - Statut du personnel - Note de service prise pour son exécution

SEPARATION DES POUVOIRS - Service public - Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes - Statut du personnel - Note de service prise pour son exécution - Contestation - Compétence administrative

TABAC - Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes - Personnel - Statut - Note de service prise pour son exécution - Contestation - Compétence administrative

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Salaire - Primes - Suppression ou réduction du fait de la grève - Prime annuelle

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Primes - Suppression ou réduction en cas d'absence - Grève

Une note de service du président-directeur général de la SEITA, prise en exécution d'un décret en Conseil d'Etat régissant le personnel de cette personne morale de droit privé, concernant le calcul d'une prime allouée au personnel, est relative à l'organisation du service public dont la société la charge et constitue un acte administratif réglementaire. Dès lors, en l'absence de dispositions d'ordre public dont il doit faire application, le conseil de prud'hommes, saisi par des salariés d'un litige relatif à cette note, doit l'appliquer ou surseoir à statuer jusqu'à la décision des juridictions administratives. Cependant, lorsque le conseil de prud'hommes constate que toutes les absences du personnel, autorisées ou non, n'entraînent pas les mêmes conséquences, il peut en déduire que les retenues sur la prime pratiquées à la suite d'une grève constituent une mesure discriminatoire et en ordonner la restitution aux salariés, sans pour autant méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs.


Références :

Code du travail L521-1

Décision attaquée : Conseil de prud'Hommes de Paris, 10 décembre 1987

DANS LE MEME SENS : Chambre sociale, 1990-06-19 , Bulletin 1990, V, n° 290, p. 174 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 déc. 1990, pourvoi n°88-41494, Bull. civ. 1990 V N° 602 p. 363
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 V N° 602 p. 363

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Cochard
Avocat général : Avocat général :M. Franck
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Saintoyant
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.41494
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