Sur le moyen, pris en sa troisième branche, et le moyen relevé d'office après l'avertissement prévu à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le principe de la liberté des droits de la défense ;
Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l'immunité accordée par ce dernier texte aux discours prononcés et aux écrits produits devant les tribunaux et qui est destinée à garantir le libre exercice des droits de la défense ainsi que la règle, selon laquelle toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, interdit, sauf le cas d'abus, de retenir à faute contre leur auteur le contenu de ces discours ou écrits ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., au service de l'Association pour la formation professionnelle et le développement de la formation permanente (ASFODEP) a fait l'objet d'un avertissement en date du 15 janvier 1986, pour avoir, le 6 décembre 1985, écrit une lettre injurieuse à son employeur, que contestant cette sanction devant le conseil de prud'hommes et agissant en personne, il a déposé et communiqué à son employeur des conclusions en date du 3 avril 1986 dont les termes sont les suivants : "l'ASFODEP est un organisme de formation et son directeur-adjoint, davantage encore que dans n'importe quelle entreprise, doit offrir un minimum de garanties sur le plan intellectuel, que c'est loin d'être le cas "; " Le directeur adjoint n'a pas hésité à falsifier la vérité en niant que M. X... allait dépasser le quota et en inventant purement et simplement un cadre de 180 heures pour la réalisation du rapport sur l'illettrisme "; " Le vice-président de l'ASFODEP de son côté révèle par son étonnante versatilité qu'il est surtout animé par des sentiments hostiles plutôt que par le sens de l'objectivité "; " il est disposé à invoquer des prétextes calomnieux, voire à réveiller les démons de la politique pour justifier les décisions les plus arbitraires " ; que M. X... s'est, le 30 juin 1986, désisté de cette action en annulation de l'avertissement ; qu'il a été licencié le 19 septembre 1986 ;
Attendu que pour décider que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé le caractère injurieux des conclusions ci-dessus reproduites ;
Attendu cependant que les termes employés n'excédaient pas les limites d'une défense légitime, qu'en les retenant pour faute à la charge du salarié, alors que l'écrit qui les contenait, produit dans le cours d'un procès, relevait de l'exercice d'une liberté fondamentale, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges