Attendu que la coopérative agricole du Poher (la coopérative) a assigné son associé coopérateur, M. Honoré X..., en paiement du solde débiteur de ses divers comptes ouverts auprès d'elle, qui s'élevait à 1 650 275,91 francs en juillet 1983 ; que M. X... a contesté le montant de la somme qui lui était réclamée, lequel englobait des intérêts de retard non convenus entre les parties, ni dans leur principe, ni dans leur taux, et a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour rupture aux torts de la coopérative du contrat de " production d'oeufs de consommation " qu'il avait conclu avec elle ; que la cour d'appel a débouté la coopérative de sa demande principale en ce qu'elle englobait des intérêts de retard, a dit qu'elle avait rompu abusivement le contrat conclu en 1972 avec M. X... et a ordonné une expertise pour évaluer le préjudice causé à ce dernier du fait de cette rupture et faire les comptes entre les parties ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article R. 522-3-1° du Code rural ;
Attendu que, pour débouter la coopérative de sa demande principale en ce qu'elle portait sur le paiement d'intérêts de retard, la cour d'appel énonce que, le principe de ces intérêts ayant été arrêté par délibération du conseil d'administration de cette coopérative en date du 1er juillet 1977 dans le but d'inciter les adhérents à payer leurs approvisionnements dans les délais consentis et de permettre à la coopérative d'honorer ses échéances, il s'agissait par conséquent d'une sanction destinée à contraindre les associés coopérateurs à respecter leurs engagements contractuels, et que, dès lors, en application de l'article R. 522-3 du Code rural, le principe et le taux de ces intérêts de retard ne pouvaient être fixés par une délibération du conseil d'administration mais uniquement par les statuts ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'article R. 522-3-1° du Code rural vise uniquement les sanctions applicables en cas d'inexécution de l'engagement des coopérateurs d'utiliser les services de la coopérative et ne concerne pas les intérêts dus sur un compte débiteur, lesquels ont pu être valablement fixés dans leur principe et leur taux initial par la délibération du conseil d'administration du 1er juillet 1977, puis modifiés dans leur taux par les délibérations du conseil d'administration du 5 juillet 1980 et du 24 juillet 1981, délibérations dont M. X... a eu nécessairement connaissance en sa qualité de président du conseil d'administration lors de la première délibération et en sa qualité d'administrateur lors des deux autres, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la seconde branche du moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a débouté la Coopérative agricole du Poher (CAP) de sa demande en paiement d'intérêts de retard et de TVA sur intérêts, l'arrêt rendu le 19 mai 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.