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23/10/1990 | FRANCE | N°88-82005

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 1990, 88-82005


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'union départementale des syndicats CFDT des Hautes-Alpes, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 26 février 1988, qui, ayant relaxé Michel Y... de la prévention d'infraction à l'article L. 123-1 b du Code du travail, a débouté ladite partie civile de ses demandes de réparations.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement que l'union

départementale des syndicats CFDT des Hautes-Alpes a fait citer devant la juridic...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'union départementale des syndicats CFDT des Hautes-Alpes, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 26 février 1988, qui, ayant relaxé Michel Y... de la prévention d'infraction à l'article L. 123-1 b du Code du travail, a débouté ladite partie civile de ses demandes de réparations.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement que l'union départementale des syndicats CFDT des Hautes-Alpes a fait citer devant la juridiction répressive Michel Y..., directeur de la caisse de mutualité sociale agricole des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes à Gap, en lui reprochant d'avoir, en violation de l'article L. 123-1 b du Code du travail, refusé d'embaucher la salariée Claire X... en raison de sa situation de famille ; que celle-ci est intervenue en qualité de partie civile tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d'appel ;
Attendu qu'en cet état, il ne saurait être soutenu à l'occasion du pourvoi que cette voie de recours aurait été exercée par le syndicat demandeur en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 123-6 du Code du travail exigeant, pour toute organisation syndicale représentative dans l'entreprise qui exerce en faveur du salarié les actions découlant notamment de l'article L. 123-1 dudit Code, que le salarié concerné ait été averti par écrit et n'ait pas manifesté d'opposition dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention ; que, dans le cas de l'espèce en effet, l'information requise n'a fait l'objet d'aucune contestation devant les juges du fond dans les conditions prévues par l'article 385 du Code de procédure pénale ; que, par ailleurs, cette information n'avait pas à être renouvelée par le syndicat lors du pourvoi ;
Au fond :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 123-1 et L. 152-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite fondée sur une discrimination à l'embauche à raison de la situation de famille de la demanderesse ;
" aux motifs que le contentieux entre la CFDT et Y... est né d'une question posée par les délégués du personnel sur le registre ad hoc ; qu'il y était demandé la position de la CMSA de Gap en matière de mutation de personnel entre caisses de mutualité agricole et plus particulièrement à propos d'une demande de mutation qui aurait été présentée le 24 janvier 1984 par Claire X..., employée à la CMSA de Marseille ; que Y... a répondu sur ce registre que les conditions et effets des mutations entre caisses relevaient d'une application des dispositions de l'article 27 de la convention collective de travail du personnel des caisses ; que cet article stipule que les mutations à la demande des intéressés peuvent avoir lieu d'une caisse à une autre, avec l'accord préalable des deux caisses ; qu'il résulte de ces éléments que la mutation n'est pas de droit, que le texte ne prend pas en considération " l'état " essentiel de femme mariée d'une demanderesse, qu'en tout état de cause, le registre des délégués est une pièce interne à l'entreprise concernée et la publicité visée comme fondement de l'action n'est pas constituée, qu'il n'est pas possible de donner à la réponse de Y... une portée discriminatoire au plan professionnel qui serait seule susceptible de constituer un délit ;
" alors que, faute d'avoir énoncé les circonstances de la cause et, notamment, d'avoir précisé en quoi consistait la discrimination au plan professionnel reproché, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision ;
" alors, surtout, qu'il n'a pas été répondu au chef de poursuite fondé sur l'explication donnée par le prévenu au défaut de réponse opposé à la demande de mutation de la demanderesse, explication reposant sur un principe personnel et " expérimental " de ne recruter aucun proche parent ou allié du personnel, explication seule visée par la prévention et non la référence faite par le prévenu à l'article de la convention collective applicable ;
" alors, au demeurant, que la cour d'appel a ajouté au texte visé par la poursuite, l'article L. 123-1 b du Code du travail, une condition de publicité qu'il ne comporte pas et a, partant, violé ledit article " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 123-1 b du Code du travail que nul ne peut refuser d'embaucher une personne en raison de sa situation de famille ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué, du jugement et des pièces de procédure que Michel Y..., étant chargé du recrutement du personnel, y compris à l'occasion des mutations sollicitées entre caisses de mutualité sociale agricole, n'a donné aucune suite à la demande présentée par Claire X..., salariée de la CMSA de Marseille, aux fins de mutation à la caisse de Gap, où son conjoint travaillait ; que Michel Y... ayant ensuite été spécialement interrogé par les délégués du personnel sur le sort réservé à cette demande, a formulé la réponse suivante sur le registre prévu par l'article L. 424-5 du Code du travail :
" l'expérience me dicte le principe de ne recruter aucun proche parent ou allié des membres du conseil d'administration ou du personnel. J'ai déjà eu le regret de le dire à plusieurs collaborateurs ayant des enfants au chômage " ;
Attendu qu'étant saisie des poursuites exercées à raison de ces faits à l'encontre de Michel Y... par l'union départementale des syndicats CFDT des Hautes-Alpes qui estimait que la réponse apportée constituait un refus d'embauche discriminatoire au sens de l'article L. 123-1 b du Code du travail, dès lors qu'elle avait été prise en considération de la situation familiale de la requérante, la cour d'appel, pour dire la prévention non établie ainsi que l'avaient fait les premiers juges, énonce que la mutation demandée n'était pas de droit, et qu'en tout état de cause, le registre des délégués du personnel étant une pièce interne à l'entreprise concernée " la publicité visée comme fondement de l'action n'est pas constituée " ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les poursuites étaient fondées sur les dispositions de l'article L. 123-1 b du Code du travail qui ne comporte aucune condition spéciale de publicité, les juges du second degré n'ont pas justifié leur décision ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 26 février 1988, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-82005
Date de la décision : 23/10/1990
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SYNDICAT - Action en justice - Action prévue par l'article L - du Code du travail - Avertissement donné au salarié - Contestation - Conditions.

1° SYNDICAT - Action en justice - Action prévue par l'article L - du Code du travail - Avertissement donné au salarié - Renouvellement lors du pourvoi en cassation (non).

1° Les dispositions de l'article L. 123-6 du Code du travail exigent, dans le cas où une organisation syndicale représentative dans l'entreprise exerce en faveur d'un salarié une action découlant notamment de l'article L. 123-1 du même Code, que le salarié ait été averti par écrit et n'ait pas manifesté d'opposition dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention. L'accomplissement de ces formalités ne peut être contesté devant les juges du fond que dans les conditions précisées par l'article 385 du Code de procédure pénale, et l'avertissement requis n'a pas à être renouvelé par le syndicat à l'occasion du pourvoi (1).

2° TRAVAIL - Discrimination à l'embauche (article L - du Code du travail) - Eléments constitutifs - Elément matériel - Publicité (non).

2° L'article L. 123-1 b du Code du travail, qui prévoit que nul ne peut refuser d'embaucher une personne en raison de sa situation de famille, ne comporte aucune condition spéciale de publicité


Références :

Code du travail L123-1 b
Code du travail L123-1, L123-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle), 26 février 1988

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre sociale, 1970-02-25 , Bulletin 1970, V, n° 148, p. 114 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 oct. 1990, pourvoi n°88-82005, Bull. crim. criminel 1990 N° 353 p. 891
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 353 p. 891

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, M. Vincent

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.82005
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