REJET du pourvoi formé par :
- X... Martine, épouse Y...,
- Z... Marie-Françoise, épouse A...,
- B... Michel, pris en sa qualité de secrétaire général de l'union départementale des syndicats CFDT des Côtes-du-Nord,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 15 juin 1988, qui les a déboutés de leurs demandes après avoir relaxé Jean C... des chefs d'entrave à l'exercice régulier des fonctions de délégués du personnel et d'entrave à l'exercice du droit syndical.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 412-20, L. 421-1, L. 481-2 et L. 482-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite du chef de l'entrave à l'exercice de mandats de délégué du personnel et délégués syndicaux constituée par la procédure prud'homale abusive introduite par celui-ci en contestation systématique des heures de délégation utilisées par les demanderesses sur une longue période, tout en étant incapable d'étayer de simples soupçons ;
" aux motifs qu'il est fait grief à C..., en sa qualité de président-directeur général de la société C..., d'avoir commis ce délit d'entrave en saisissant le conseil des prud'hommes à l'effet d'obtenir remboursement des heures de délégation utilisées par les demanderesses en leurs qualités respectives en 1984, 1985 et 1986 ; qu'aux termes des articles L. 412-20 et L. 424-1 du Code du travail, les délégués syndicaux et les délégués du personnel disposent pour l'exercice de leurs fonctions d'un certain nombre d'heures qui sont de plein droit considérées comme temps de travail et rémunérées comme telles ; qu'en cas de contestation par l'employeur de l'usage fait des temps ainsi alloués, il lui appartient de saisir la juridiction compétente ; qu'en saisissant le juge prud'homal de contestations relatives à l'usage fait par les demanderesses des heures de délégation qui leur étaient attribuées, le prévenu n'avait fait qu'user de son droit d'agir en justice ; que le seul fait de saisir ainsi la juridiction compétente, même en étant à l'origine incapable d'étayer de simples soupçons, n'est pas constitutif, à la charge de l'employeur, du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical mais peut, le cas échéant, constituer un abus du droit d'ester en justice ;
" alors que le législateur a posé une présomption de bon usage des heures de délégation accomplies par les représentants des syndicats et du personnel afin que cet usage échappe au contrôle de l'employeur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le prévenu avait saisi le conseil des prud'hommes d'une contestation globale des heures de délégation utilisées par les demanderesses pendant 3 années, tout en étant incapable d'étayer de simples soupçons quant à cet emploi ; que les juges du fond ont ainsi caractérisé non seulement un abus du droit d'ester en justice, mais encore l'entrave poursuivie aux fonctions représentatives des demanderesses ; que faute d'avoir tiré cette conséquence légale de leurs propres constatations, ils n'ont pas légalement justifié leur décision ;
" et alors, en outre, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions des demanderesses selon lesquelles une demande en justice de justification systématique des heures de délégation, non contestées au coup par coup sur une longue période, porte atteinte à la sécurité du délégué nécessaire à l'exercice de son mandat, en lui occasionnant un trouble de nature à l'empêcher d'exercer sereinement ses attributions représentatives " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean C..., président du conseil d'administration de la société Etablissements C..., ayant contesté devant la juridiction prud'homale l'usage fait des temps de délégation qu'il avait payés à leur échéance normale à Martine Y..., déléguée du personnel, et à Marie-Françoise A..., déléguée du personnel et déléguée syndicale, ces dernières ainsi que l'union départementale des syndicats CFDT des Côtes-du-Nord l'ont cité directement pour entrave à l'exercice régulier des fonctions de délégués du personnel et entrave à l'exercice du droit syndical devant le tribunal correctionnel qui l'a relaxé ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, la juridiction du second degré énonce que, si les articles L. 412-20 et L. 424-1 du Code du travail prescrivent que les délégués syndicaux et les délégués du personnel disposent, pour l'exercice de leurs fonctions d'heures de délégation, considérées comme temps de travail et devant être payées comme telles à leur échéance, ils prévoient aussi qu'il appartient à l'employeur, en cas de contestation, de saisir la juridiction compétente ; qu'elle observe notamment qu'en saisissant le juge prud'homal de contestations relatives à l'usage fait par les deux salariés de leurs heures de délégation, le prévenu n'a fait qu'user de son droit d'agir en justice et que, même s'il était " incapable d'étayer de simples soupçons ", il n'a pas de ce fait commis les délits qui lui sont reprochés ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel qui, d'une part, a répondu aux conclusions des parties civiles sans être tenue de les suivre dans le détail de leur argumentation, et qui, d'autre part, n'a pas constaté que l'employeur aurait, en l'espèce, abusé de son droit d'agir en justice, a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; que les textes susvisés permettent en effet à l'employeur de contester l'usage qui a pu être fait des temps de délégation par les salariés qui en bénéficient et qui ne sont pas dispensés de préciser les activités exercées par eux pendant cette période ; qu'une telle contestation n'est pas, en elle-même, susceptible d'une incrimination pénale ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.