La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/1990 | FRANCE | N°88-83543

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 1990, 88-83543


REJET du pourvoi formé par :
- X... Didier,
- l'union départementale CFDT des Côtes-du-Nord,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 1988, qui, après avoir relaxé Guy Y... de la prévention d'entraves au libre exercice des fonctions d'un délégué du personnel et à l'exercice du droit syndical, a débouté lesdites parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 412-20, L. 424-1

, L. 481-2 et L. 482-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pé...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Didier,
- l'union départementale CFDT des Côtes-du-Nord,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 1988, qui, après avoir relaxé Guy Y... de la prévention d'entraves au libre exercice des fonctions d'un délégué du personnel et à l'exercice du droit syndical, a débouté lesdites parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 412-20, L. 424-1, L. 481-2 et L. 482-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite fondée sur l'entrave apportée aux fonctions de délégué syndical et de délégué du personnel du demandeur et constituée par la saisine de son employeur du conseil de prud'hommes afin qu'il justifie, sans préalable, de ses heures de délégation sur une année et demie sans fournir l'indice de la moindre suspicion sur un usage abusif de ses heures de délégation ;
" aux motifs qu'il est reproché à Y... d'avoir attrait X... devant le conseil de prud'hommes afin que ce dernier justifie de l'emploi de ses heures de délégation et d'obtenir remboursement des heures non justifiées ; qu'en saisissant le juge prud'homal de la contestation relative à l'usage fait par X... d'heures présumées de délégation, Y... n'avait fait que recourir à la procédure qui lui est ouverte par les articles L. 412-20 et L. 424-1 du Code du travail et qui lui permettait, le cas échéant, de rapporter la preuve qui lui incombe que certaines heures n'auraient pas été effectivement utilisées par X... pour l'exercice de ses mandats ; que le seul fait de saisir ainsi la juridiction compétente, même en étant incapable à l'origine d'étayer de simples soupçons, n'est pas constitutif à la charge de l'employeur du délit d'entrave mais peut seulement constituer un abus du droit d'ester qui est classiquement sanctionné par l'octroi de dommages-intérêts, voire par le prononcé d'une lourde amende civile ; que le délit reproché à Y... n'est pas constitué ;
" alors que le législateur a posé une présomption de bon usage des heures de délégation accomplies par les représentants des syndicats et du personnel afin que cet usage échappe au contrôle de l'employeur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le prévenu avait saisi le conseil de prud'hommes afin que le demandeur, délégué du personnel et délégué syndical, justifie de l'emploi de ses heures de délégation, tout en étant incapable d'étayer de simples soupçons quant à cet emploi ; que les juges du fond ont ainsi caractérisé non seulement un abus du droit d'ester en justice mais encore l'entrave poursuivie aux fonctions représentatives du demandeur ; que faute d'avoir tiré cette conséquence légale de leurs propres constatations, ils n'ont pas légalement justifié leur décision ;
" alors, surtout, qu'une demande de justification de l'emploi d'heures de délégation ne saurait constituer la contestation relative à l'emploi des heures de délégation prévue auxdits articles L. 412-20 et L. 424-1, ainsi violés ;
" alors, enfin, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions des demandeurs selon lesquels une demande en justice de justification systématique des heures de délégation, non contestées au coup par coup sur une longue période, porte atteinte à la sécurité du délégué nécessaire à l'exercice de son mandat, en lui occasionnant un trouble de nature à l'empêcher d'exercer sereinement ses attributions représentatives " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'après avoir, le 19 décembre 1986, attrait devant la juridiction prud'homale son salarié Didier X..., délégué du personnel et délégué syndical depuis le mois de juin 1985, aux fins de contestation, à compter de cette date, de l'utilisation conforme à ses mandats des heures de délégation ayant été payées pendant une année et de remboursement des sommes qui s'avéreraient indûment versées, Guy Y..., dirigeant d'une librairie à Saint-Brieuc, a été cité à comparaître devant la juridiction répressive par ledit salarié et l'union départementale CFDT des Côtes-du-Nord pour entrave à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel et entrave à l'exercice du droit syndical ;
Attendu que, devant le tribunal correctionnel et la cour d'appel, les parties civiles ont fait valoir que la loi du 28 octobre 1982 ayant institué au profit des salariés une présomption de bonne utilisation des heures de délégation, qui devaient être considérées de plein droit comme temps de travail et payées à échéance normale, Guy Y... ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve lui incombant, exiger que le salarié justifie de la conformité de l'utilisation du temps de délégation à l'objet de ses mandats ; qu'elles ont aussi soutenu que le caractère systématique d'une demande portant sur une période d'une année, sans qu'il soit fait état devant les juges civils de la moindre suspicion d'une utilisation irrégulière des heures de délégation, révélait une attitude délibérément antisyndicale, portait atteinte à la liberté d'action du délégué concerné ainsi qu'à la sécurité nécessaire à l'exercice de ses mandats et s'analysait en un abus du droit constitutif des délits d'entrave prévus par les articles L. 481-2 et L. 482-1 du Code du travail ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation et confirmer le jugement entrepris qui avait dit la prévention non établie et débouté les parties civiles de leurs demandes, la cour d'appel énonce qu'en saisissant le juge prud'homal, Guy Y... n'a fait que recourir à la procédure instituée par les articles L. 412-20 et L. 424-1 du Code du travail ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite d'un motif surabondant relevé au moyen, la cour d'appel qui, d'une part, a répondu aux conclusions des parties civiles sans être tenue de les suivre dans le détail de leur argumentation, et qui, d'autre part, n'a pas constaté que l'employeur aurait, en l'espèce, abusé de son droit d'agir en justice, a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; que les textes susvisés permettent en effet à l'employeur de contester l'usage qui a pu être fait des temps de délégation par les salariés qui en bénéficient et qui ne sont pas dispensés de préciser les activités exercées par eux pendant cette période ; qu'une telle contestation n'est pas susceptible, en elle-même, d'une incrimination pénale ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-83543
Date de la décision : 16/10/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Prérogatives légales - Temps nécessaire à l'exercice des fonctions - Temps payé comme temps de travail - Action en contestation de l'usage fait du temps alloué - Délit d'entrave (non).

1° Dès lors qu'un employeur a payé à leur échéance normale les heures de délégation d'un délégué syndical, l'action par lui exercée devant le juge prud'homal en contestation de l'usage fait des heures ainsi allouées, et qui lui est ouverte par l'article L. 412-20 du Code du travail, ne constitue pas, en elle-même, et en l'absence d'abus par l'employeur de son droit d'agir en justice, une entrave à l'exercice du droit syndical (arrêts n°s 1 et 2) (1).

2° TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Prérogatives légales - Temps nécessaire à l'exercice des fonctions - Temps payé comme temps de travail - Action en contestation de l'usage fait du temps alloué - Délit d'entrave (non).

2° Dès lors qu'un employeur a payé à leur échéance normale les heures de délégation d'un délégué du personnel, l'action par lui exercée devant le juge prud'homal en contestation de l'usage fait des heures ainsi allouées, et qui lui est ouverte par l'article L. 424-1 du Code du travail, ne constitue pas, en elle-même, et en l'absence d'abus par l'employeur de son droit d'agir en justice, une atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel (arrêts n°s 1 et 2) (2).


Références :

Code du travail L412-20
Code du travail L424-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (chambre correctionnelle), 15 juin 1988

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1978-01-24 , Bulletin criminel 1978, n° 29, p. 70 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1979-11-27 , Bulletin criminel 1979, n° 338, p. 917 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1978-01-24 , Bulletin criminel 1978, n° 29, p. 70 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1979-11-27 , Bulletin criminel 1979, n° 338, p. 917 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 oct. 1990, pourvoi n°88-83543, Bull. crim. criminel 1990 N° 343 p. 867
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 343 p. 867

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Lecocq
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand (arrêt n° 1), M. Dumont (arrêt n° 2)
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin (arrêts n°s 1 et 2), M. Delvolvé (arrêt n° 1), la SCP Tiffreau et Thouin-Palat (arrêt n° 2)

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.83543
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award