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09/10/1990 | FRANCE | N°88-42395

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 1990, 88-42395


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Vu la connexité, joint les pourvois n°s 88-42.395 à 88-42.451 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 9 février 1988), que la société Construction navale et industrielle de la Méditerranée (CNIM), propriétaire du chantier de La Seyne, a conclu, le 9 avril 1982, un contrat de solidarité, dont les effets étaient limités au 1er avril 1983 ; que, le 21 décembre 1982, elle a soumis au comité d'entreprise un avenant ayant pour objet de reporter la date limite de départ des salariés au 31 décembre 1983 et le même jour elle l'a transmis à la directio

n départementale du travail ; que le traité d'apport partiel d'actif que la CNIM...

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Vu la connexité, joint les pourvois n°s 88-42.395 à 88-42.451 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 9 février 1988), que la société Construction navale et industrielle de la Méditerranée (CNIM), propriétaire du chantier de La Seyne, a conclu, le 9 avril 1982, un contrat de solidarité, dont les effets étaient limités au 1er avril 1983 ; que, le 21 décembre 1982, elle a soumis au comité d'entreprise un avenant ayant pour objet de reporter la date limite de départ des salariés au 31 décembre 1983 et le même jour elle l'a transmis à la direction départementale du travail ; que le traité d'apport partiel d'actif que la CNIM avait conclu le 3 novembre 1982 avec la SPNC, devenue ensuite la société Les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (NORMED), a été approuvé par l'assemblée extraordinaire des actionnaires le 21 décembre 1982 ; que la NORMED, qui est ainsi devenue l'employeur des salariés du chantier de La Seyne, a renoncé au projet d'avenant et a convoqué le comité d'entreprise le 28 mars 1983 pour lui soumettre un projet de convention avec le Fonds national de l'emploi (FNE) ; que ladite convention ayant été conclue le 7 juillet 1983, les salariés concernés ont été licenciés pour motif économique et ont bénéficié de la préretraite du FNE au taux de 65 % ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de dommages-intérêts équivalant à la différence entre cette préretraite et le revenu de remplacement égal à 70 % du salaire versé en application du contrat de solidarité aux salariés ayant notifié leur démission avant le 1er avril 1983 ; que la NORMED ayant été déclarée en état de redressement judiciaire, M. Y..., représentant des créanciers, M. X..., administrateur au redressement judiciaire, et le Groupement régional des ASSEDIC de la région parisienne (GARP) sont intervenus en cours d'instance ;

Sur la première branche du moyen unique du pourvoi incident du GARP, qui est préalable :

Attendu que le GARP fait grief à l'arrêt de l'avoir maintenu en la cause, alors, selon le moyen, que la cour d'appel constate que la CNIM a établi un " projet " d'avenant afin de faire bénéficier les intéressés de la préretraite si le contrat était accepté par l'Etat, ce qui conférait à ce projet un caractère conditionnel ; que la cour d'appel, en estimant que la CNIM était tenue contractuellement vis-à-vis des salariés, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'après avoir soumis au comité d'entreprise un avenant au contrat de solidarité du 9 avril 1982, la CNIM l'avait adressé pour avis à la direction départementale du travail et avait demandé aux salariés concernés de remplir les bulletins d'adhésion au contrat de solidarité, la cour d'appel a pu en déduire que l'offre ainsi faite à ces salariés devait être maintenue jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente et qu'elle constituait l'engagement de conclure la convention en cas d'acceptation par l'Etat ; qu'il en résultait que sa responsabilité pouvait être engagée si le promettant empêchait l'accomplissement de cette condition ; que le moyen n'est donc pas fondé en sa première branche ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de MM. Y... et X..., ès qualités, et de la NORMED, pris en ses deux branches :

Attendu que MM. Y... et X..., ès qualités, et la NORMED font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société à payer des dommages-intérêts aux salariés, alors, selon le moyen, que, d'une part, en reprenant l'entreprise que lui cédait la CNIM, la NORMED n'était pas pour autant privée du droit, qu'elle tenait de sa qualité d'employeur investi du pouvoir de direction d'une entreprise dont elle était seul juge de l'intérêt, de modifier la teneur des engagements passés par son prédécesseur avec les membres du personnel ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a relevé à l'encontre de la NORMED, ni fraude, ni abus de droit, ni détournement de pouvoir, a violé les articles 1134 du Code civil et L. 122-12 du Code du travail ; alors que, d'autre part, la décision prise par l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction de l'entreprise, de modifier le régime de préretraite des membres de son personnel, n'ouvrait pas droit en elle-même à dommages-intérêts au profit des salariés concernés ; que, faute d'avoir constaté que la modification du régime de préretraite n'était pas justifiée par les nécessités de la situation de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-12 du Code du travail ;

Mais attendu que la modification dans la situation juridique de l'employeur laissant subsister, en application de l'article L. 122-12 du Code du travail, l'engagement à durée déterminée pris par la société cédante de conclure la convention en cas d'acceptation de l'Etat, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la NORMED avait commis une faute contractuelle en ne donnant pas suite à la procédure en cours à la date de la cession ;

Sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que le GARP reproche encore à l'arrêt de l'avoir maintenu en cause, alors, selon le moyen, que le contrat de solidarité présuppose, pour entrer en vigueur et bénéficier aux salariés, la cessation du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en estimant que le préjudice subi par les salariés résultant de la violation de l'engagement contractuel de la CNIM provenait de l'inexécution d'un contrat de travail, a violé l'article L. 143-11-1 du Code du travail ;

Mais attendu que l'article L. 143-11-1 du Code du travail, en sa rédaction alors en vigueur, tend à garantir les salariés contre le non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, le critère n'étant pas la nature salariale de la créance, mais son rattachement au contrat de travail ; qu'appréciant les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu que l'engagement pris par l'employeur d'étendre le bénéfice du contrat de solidarité à une nouvelle période était directement rattaché au contrat de travail ; qu'elle a pu en déduire que la protection de l'article L. 143-11-1 devait bénéficier aux intéressés pour la créance résultant de son inexécution ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal de MM. Y... et X..., ès qualités, et de la NORMED et le pourvoi incident du GARP


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 88-42395
Date de la décision : 09/10/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Régime - Régime de la préretraite - Contrat de solidarité - Offre de conclusion par l'employeur - Effet.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Régime - Régime de la préretraite - Contrat de solidarité - Modalités 1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Obligations - Contrat de solidarité - Offre de conclusion au salarié - Effet.

1° Lorsqu'un employeur soumet au comité d'entreprise un avenant à un contrat de solidarité, l'adresse pour avis à la direction départementale du travail et demande aux salariés concernés de remplir les bulletins d'adhésion au contrat, les juges du fond peuvent en déduire que l'offre ainsi faite à ces salariés devait être maintenue jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente et qu'elle constituait l'engagement de conclure la convention en cas d'acceptation par l'Etat.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Cession de l'entreprise - Effets - Retraite - Régime de la préretraite - Contrat de solidarité - Offre de conclusion faite par le cédant - Obligation du cessionnaire.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Régime - Régime de la préretraite - Contrat de solidarité - Effets - Effets à l'égard du cessionnaire de l'entreprise.

2° La modification dans la situation juridique de l'employeur laisse subsister, en application de l'article L. 122-12 du Code du travail, l'engagement à durée déterminée pris par la société cédante de conclure un contrat de solidarité en cas d'acceptation de l'Etat et le nouvel employeur commet une faute contractuelle en ne donnant pas suite à la procédure en cours à la date de la cession.

3° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Faillite - règlement judiciaire - liquidation des biens - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Créance rattachée au contrat de travail.

3° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Faillite - règlement judiciaire - liquidation des biens - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Créance de nature salariale - Nécessité (non) 3° REGLEMENT JUDICIAIRE - LIQUIDATION DES BIENS (loi du 13 juillet 1967) - Créanciers du débiteur - Salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Etendue - Créance rattachée au contrat de travail 3° REGLEMENT JUDICIAIRE - LIQUIDATION DES BIENS (loi du 13 juillet 1967) - Créanciers du débiteur - Salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Etendue - Créance de nature salariale - Nécessité (non).

3° L'article L. 143-11-1 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, tend à garantir les salariés contre le non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution de leur contrat de travail, le critère n'étant pas la nature salariale de la créance, mais son rattachement au contrat de travail ; dès lors, une cour d'appel qui retient que l'engagement pris par l'employeur d'étendre le bénéfice du contrat de solidarité à une nouvelle période est directement rattaché au contrat de travail, peut en déduire que la protection devait bénéficier aux intéressés pour la créance résultant de son inexécution.


Références :

Code du travail L122-12
Code du travail L143-11-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 février 1988

A RAPPROCHER : (3°). Chambre sociale, 1987-02-04 , Bulletin 1987, V, n° 56, p. 36 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 1990, pourvoi n°88-42395, Bull. civ. 1990 V N° 427 p. 257
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 V N° 427 p. 257

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Cochard
Avocat général : Avocat général :M. Ecoutin
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Saintoyant
Avocat(s) : Avocats :MM. Foussard, Boullez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.42395
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