REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Alain, partie civile,
- le Groupe des assurances nationales (GAN),
- la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise,
- la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France,
parties intervenantes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 6 janvier 1989, qui a condamné Michel Y... pour blessures involontaires sur la personne d'Alain X... et s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR, Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le GAN, pris de la violation des articles 309, 320 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, disqualifiant les faits de coups et blessures volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 8 jours, en coups et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire supérieure à 3 mois, a condamné Michel Y... de ce chef à la peine de 12 mois d'emprisonnement et a déclaré la décision opposable à la compagnie d'assurances GAN ;
" aux motifs que si le prévenu a accepté de prendre sa carabine et rejoint ses amis au domicile d'Alain X..., cette participation à une visite nocturne, certes blâmable, montre cependant qu'il n'avait pas d'intention belliqueuse à l'égard de la victime qu'il connaissait à peine et avec laquelle il n'avait personnellement aucun différend ; que la bousculade au cours de laquelle Alain X... a été blessé par le coup de feu est le résultat d'un malentendu, mais n'est nullement la conséquence d'une quelconque attitude agressive de Y... ; qu'il ne peut être ainsi exclu que celui-ci ait appuyé involontairement sur la queue de détente ou que dans cette agitation cette arme de pacotille, qu'il avait achetée 200 francs, ait heurté la porte et que le coup soit parti sans même qu'il y ait eu pression sur la détente ;
" alors, d'une part, que les juges du fond ne pouvaient sans se contredire constater que le prévenu avait participé à une expédition nocturne, muni d'une carabine qu'il avait préalablement chargée dans l'intention de s'en servir, qu'il avait ensuite déverrouillé le système de sécurité et pressé sur la détente, prétendant dans une première version devant la police et le juge d'instruction que le coup de feu était parti alors qu'il avait reculé et que la crosse de sa carabine avait heurté le mur derrière lui, ce qui après enquête s'était révélé faux, puis avait ultérieurement reconnu avoir introduit le canon de sa carabine dans l'entrebaîllement de la porte avant de tirer, et énoncer qu'il n'est donc pas établi qu'il ait volontairement appuyé sur la queue de détente ;
" alors, d'autre part, que le délit de coups et violences volontaires est constitué dès lors qu'il existe un acte de violence volontaire, quel que soit le mobile qui a inspiré son auteur, de sorte que même si le prévenu n'avait personnellement aucun différend avec la victime, le fait d'armer une carabine, de déverrouiller le système de sécurité et d'appuyer sur la détente en direction de la victime suffit à caractériser l'infraction prévue à l'article 309 du Code pénal " ;
Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que par les motifs reproduits au moyen la juridiction d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments le délit de blessures involontaires dont elle a déclaré le prévenu coupable ; que le moyen, qui remet en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour Alain X... et pris de la violation des articles 1319 du Code civil et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté que le Tribunal n'était saisi d'aucune demande de réparation du préjudice corporel de Alain X... et a déclaré irrecevable la demande présentée à ce titre pour la première fois en cause d'appel ;
" aux motifs que ni les pièces du dossier, ni les conclusions écrites de première instance de X..., ni les notes d'audience du Tribunal ne faisaient état d'une telle demande dont le Tribunal, malgré la mention contraire de son jugement, n'avait pas été saisi ;
" alors que le jugement de première instance qui faisait foi jusqu'à inscription de faux, mentionnait " que Alain X... s'est constitué partie civile et a sollicité en réparation de son préjudice corporel 500 000 francs au titre de l'incapacité permanente partielle " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et pour la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et pris de la violation des articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté les caisses demanderesses de leurs demandes de remboursement des prestations versées à M. X... ;
" au motif qu'en première instance M. X... n'avait pas demandé réparation de son préjudice corporel mais seulement de son préjudice personnel soustrait à recours ; que dès lors la demande de réparation du préjudice corporel présentée par lui en cause d'appel était nouvelle et par suite irrecevable ; qu'ainsi il ne pouvait lui être accordé aucune indemnité de ce chef ; que, par voie de conséquence, les caisses, qui exerçent leur recours dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable en réparation du préjudice corporel de la victime, ne pouvaient obtenir le remboursement de leurs prestations ;
" alors que les caisses de sécurité sociale qui ont versé des prestations à un assuré victime d'un accident imputable à un tiers, ont le droit d'en obtenir le remboursement dans la seule limite de l'indemnité susceptible d'être mise à la charge de ce tiers en réparation de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ; que l'inaction de la victime, qui n'a pas demandé réparation de son préjudice corporel, ne saurait faire obstacle au droit, pour les caisses, d'obtenir le remboursement des prestations qu'elles ont versées et de faire fixer l'indemnité représentant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime et servant d'assiette à leur recours ; qu'en l'espèce, il est constant que tant en première instance qu'en cause d'appel, les caisses demanderesses ont demandé le remboursement des prestations versées à M. X... ; que dès lors, à supposer même que ce dernier n'eût pas demandé réparation de son préjudice corporel, la cour d'appel aurait dû, comme l'avaient fait les premiers juges, évaluer le préjudice corporel de la victime et accorder aux caisses dans la limite ainsi déterminée, le remboursement de leurs prestations ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Lesdits moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que les jugements ont valeur d'actes authentiques faisant foi jusqu'à inscription de faux de tout ce qui y est mentionné comme ayant été personnellement constaté par les juges ;
Attendu, d'autre part, que l'omission, par une victime constituée partie civile, d'invoquer certains chefs de préjudice par elle soufferts ne peut mettre obstacle au droit des tiers payeurs d'obtenir que l'ensemble du dommage résultant de l'infraction, à la seule exclusion des chefs de préjudice de caractère personnel, soit pris en compte pour déterminer le montant de l'indemnité dans la limite de laquelle ils peuvent exercer leur recours ;
Attendu que, statuant sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident dont Alain X... avait été victime et sur les interventions des deux caisses d'assurance maladie qui lui avaient versé des prestations, les juges du second degré, pour qualifier de nouvelle et, partant, d'irrecevable en cause d'appel la demande d'indemnité présentée par l'intéressé au titre de la réparation de son incapacité permanente partielle de travail, retiennent qu'il ne résulte ni des conclusions déposées devant le Tribunal, ni de la feuille d'audience que la partie civile ait formulé cette prétention en première instance ; qu'ils en déduisent que les demandes des organismes de sécurité sociale ne peuvent elles-mêmes être accueillies ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le jugement déféré exposait, par une énonciation non arguée de faux, " qu'Alain X... s'est constitué partie civile et a sollicité, en réparation de son préjudice corporel, 500 000 francs au titre de l'incapacité permanente partielle ", et alors, en outre, qu'à supposer que la victime eût omis de demander réparation des chefs de son préjudice soumis à recours, cette omission n'aurait pas privé les caisses intervenantes du droit de faire fixer l'indemnité servant de limite à leurs demandes de remboursement, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Sur le pourvoi du GAN :
REJETTE ledit pourvoi
Sur les pourvois d'Alain X..., de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 janvier 1989, mais seulement en ce qu'il a prononcé sur le préjudice corporel soumis à recours, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.