CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Nicole, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, chambre correctionnelle, en date du 24 août 1989, qui, dans la procédure suivie contre Dominique Y... du chef de blessures involontaires, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, 1382 et 1383 du Code civil, défaut et insuffisance de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté Mlle X... de sa demande tendant à ce que Mlle Y... et son assureur, la compagnie La Créole, soient solidairement condamnés à lui payer 1 000 000 francs au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice sexuel par elle subi du fait de l'accident de la circulation dont Mlle Y... a été déclarée entièrement responsable ;
" aux motifs que " la victime déclare qu'elle ne peut plus éprouver l'orgasme par suite de l'ablation du clitoris ; cette allégation n'est pas médicalement vérifiable et ne peut être établie que par les seules déclarations de l'intéressée ; or celles-ci apparaissent tardives puisqu'elle n'a pas fait état de ce trouble lors de l'expertise médicale ; l'audition de l'expert, qui a confirmé ce dernier point, n'a, par ailleurs, pas permis à la Cour de se convaincre de la réalité du préjudice invoqué ; la commission d'un nouvel expert n'apparaît pas pouvoir remédier à cet état de choses, comme le démontre ce qui vient d'être exposé à propos de la preuve de ce préjudice ; il échet donc de rejeter la demande d'une nouvelle expertise médicale et de dire que la réalité du préjudice sexuel invoqué n'est pas établie par la demanderesse " ;
" alors, d'une part, qu'en édictant un principe général selon lequel le préjudice résultant d'une privation de jouissance sexuelle n'est pas médicalement vérifiable, la cour d'appel a dénié à Mlle X...tout droit à réparation de ce chef, violant ainsi le principe de la réparation intégrale et les articles 2, 3 du Code de procédure pénale et 1382, 1383 du Code civil ;
" alors, d'autre part, qu'en ne précisant pas sur quels éléments de preuve elle se fondait pour affirmer que le préjudice sexuel invoqué par la demanderesse n'était pas médicalement vérifiable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2, 3 du Code de procédure pénale et 1382, 1383 du Code civil ;
" alors, encore, qu'en reprochant à la demanderesse de n'avoir pas fait de déclarations à l'expert sur son préjudice sexuel, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, alors qu'elle devait seulement rechercher si le préjudice sexuel était établi ; qu'elle a ainsi, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles 2, 3 du Code de procédure pénale et 1382 et 1383 du Code civil ;
" et alors, enfin, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de Mlle X... soutenant que c'était un sentiment de pudeur qui l'avait empêchée de faire des déclarations à l'expert alors que, s'agissant d'un préjudice d'ordre sexuel, ces conclusions avaient un caractère péremptoire ; que la Cour a, dès lors, violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice découlant d'une infraction, il en est autrement lorsque cette appréciation est déduite de motifs erronés, contradictoires ou ne répondant pas aux conclusions des parties ;
Attendu que, se prononçant sur les conséquences dommageables de l'accident dont Dominique Y..., reconnue coupable de blessures involontaires sur la personne de Nicole X..., avait été déclarée responsable, les juges d'appel étaient saisis de conclusions de la partie civile demandant que l'indemnité qui lui avait été allouée en réparation de son préjudice sexuel fût augmentée et subsidiairement qu'un complément d'expertise fût ordonné afin de permettre d'apprécier l'importance de ce préjudice dont la prévenue et son assureur contestaient la réalité ;
Attendu que, pour infirmer le jugement qui avait alloué à la victime une indemnité de ce chef et débouter la partie civile de sa demande, la juridiction du second degré retient que les allégations de l'intéressée ne sont pas médicalement vérifiables ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Nicole X..., blessée notamment à la vulve, avait subi l'ablation du clitoris, la cour d'appel, dont la décision est entachée de contradiction, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, en date du 24 août 1989, mais seulement en ce qui concerne la réparation du préjudice sexuel de la victime, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, autrement composée.