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07/06/1990 | FRANCE | N°87-85479

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 juin 1990, 87-85479


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'association de la Haute-Vienne des amis du parti socialiste,
- X... Alain,
- Y... Robert,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges en date du 4 septembre 1987 qui, après relaxe de Jean-Michel Z... des fins de la poursuite du chef d'infraction au Code électoral et mise hors de cause de la SARL Lim Media prise en qualité de civilement responsable, les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassati

on, pris de la violation des articles L. 52-1 du Code électoral dans sa rédaction i...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'association de la Haute-Vienne des amis du parti socialiste,
- X... Alain,
- Y... Robert,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges en date du 4 septembre 1987 qui, après relaxe de Jean-Michel Z... des fins de la poursuite du chef d'infraction au Code électoral et mise hors de cause de la SARL Lim Media prise en qualité de civilement responsable, les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 52-1 du Code électoral dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 1985, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que n'était pas constituée l'infraction reprochée à Z..., président de l'association Radio Porcelaine, tirée de la violation de l'article L. 52-1 du Code électoral, a mis en conséquence hors de cause la société Lim Media, gestionnaire de ladite radio, citée en qualité de civilement responsable, et a débouté les parties civiles de leurs demandes de dommages-intérêts en laissant les dépens à leur charge ;
" aux motifs que seule est prohibée par l'article L. 52-1 du Code électoral dont les dispositions sont d'interprétation stricte, l'utilisation de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, c'est-à-dire toute diffusion d'un message publicitaire s'accompagnant pour l'annonceur d'une contrepartie financière ; qu'il importe peu que pendant la campagne officieuse, en janvier 1986, Radio Porcelaine ait proposé à diverses formations politiques de faire passer sur ses ondes des messages leur proposant pour ce faire un tarif, dès lors qu'il n'est pas établi que cette radio ait reçu, ni même réclamé, une quelconque contrepartie financière pour la diffusion des messages litigieux des 28 février et 3 mars 1986 ;
" alors que, d'une part, l'article L. 52-1 du Code électoral réprimant, sans distinction ni restriction aucune, l'utilisation pendant la durée de la campagne électorale d'un procédé quelconque, à des fins de propagande électorale, de publicité commerciale par tout moyen de communication audiovisuelle, cette disposition ne vise pas seulement le message diffusé par un annonceur moyennant contrepartie financière de la formation politique intéressée, mais encore et nécessairement le recours et le bénéfice par cette même formation d'un message diffusé par un annonceur pour le compte et dans l'intérêt exclusif de cette dernière, selon les seules prescriptions données par elle, selon le même support et dans des conditions de diffusion strictement identiques à celles des messages diffusés pour le compte de sociétés commerciales, l'existence d'une contrepartie financière, au demeurant nécessairement ignorée du public, n'étant pas un élément substantiel de la notion de publicité commerciale, laquelle peut être gratuite ou même encore appeler et recevoir une rémunération revêtant une toute autre forme que celle monétaire ; qu'en décidant dès lors que l'infraction n'était pas constituée à l'égard du prévenu pour avoir écarté la qualification de publicité commerciale pour la diffusion d'un message publicitaire ne s'accompagnant pas d'une contrepartie financière pour l'annonceur, la cour d'appel a violé par fausse interprétation le texte de l'article L. 52-1 précité ;
" alors que, d'autre part, l'esprit comme la lettre de l'article L. 52-1 du Code électoral exprimant la ferme volonté du législateur, dans le souci de protéger la sincérité du scrutin, d'interdire de manière absolue, pendant la durée officielle de la campagne électorale, le recours, par une formation politique, à des moyens de publicité sophistiqués, strictement analogues à ceux couramment utilisés par les sociétés commerciales pour la promotion de produits ou services, tous moyens autres que ceux plus classiques limitativement définis par la loi et rappelés dans une circulaire interprétative du 13 décembre 1985, la notion de publicité commerciale ne saurait être réduite à la diffusion de messages comportant une contrepartie financière pour l'annonceur, sans vider le texte de la loi de son sens et en permettre de facto le détournement par la possibilité ainsi offerte aux partis politiques de rémunérer l'annonceur globalement, hors campagne officielle, pour une série de messages de propagande électorale diffusés, selon le même support, avant comme pendant la campagne, au prix d'un pur artifice pouvant consister soit à prévoir une rémunération autre que monétaire, soit à ne facturer par l'effet d'une majoration de tarifs que les seuls messages diffusés hors campagne officielle, ceux diffusés pendant sa durée étant ainsi présentés comme de simples prises de position politique à caractère gratuit ; qu'en décidant dès lors que l'infraction de l'article L. 52-1 du Code électoral ne pouvait être constituée en l'absence de toute diffusion pendant la campagne officielle d'un message publicitaire de propagande électorale ayant comporté une contrepartie pour l'annonceur, la cour d'appel, qui s'est par ailleurs abstenue de répondre aux conclusions de la demanderesse visant à démontrer la fraude à la loi, a violé par fausse application le texte précité ;
" alors qu'enfin, il ressortait des pièces du dossier soumis à l'appréciation des juges du fond, et notamment des déclarations du prévenu entendu à l'audience du 2 juin 1986, que la diffusion des messages litigieux de propagande électorale sur les ondes de Radio Porcelaine, radio privée entièrement financée par des recettes de publicité commerciale et notoirement connue comme telle du public, faisait directement suite et s'est faite au demeurant selon les termes d'une proposition chiffrée adressée en ce sens avant l'ouverture de la campagne officielle par les responsables de ladite radio à l'ensemble des formations politiques intéressées par les élections en cause, sans distinction aucune, eu égard à leurs convictions respectives, dont les différences sont pour le moins sensibles ; que cette diffusion est, de l'aveu même du prévenu, une création du RPR de Limoges, le texte diffusé ayant même été enregistré par des membres de cette formation, Radio Porcelaine s'étant contentée pour sa part de prêter son studio d'enregistrement et de jouer le rôle de diffuseur des messages incriminés, en ayant fait bénéficier la formation politique en cause de conditions particulières de diffusion strictement identiques à celles de sa proposition chiffrée antérieure, les messages publicitaires incriminés de propagande électorale s'inscrivant par ailleurs dans le même programme radio que des annonces commerciales, ainsi qu'en atteste le constat d'huissier joint au dossier ; que le RPR de Limoges n'est pas, au demeurant, la seule formation politique à avoir bénéficié de cette publicité radiophonique, Radio Porcelaine ayant également prêté ses ondes à cette même fin et selon les mêmes modalités à des partis politiques distincts et poursuivant des intérêts propres, tel le Front national ; que, de plus, eu égard à la teneur et au caractère injurieux de certaines de leurs imputations visant nommément et exclusivement le parti socialiste, les messages incriminés excluaient en eux-mêmes l'hypothèse de simples prises de positions politiques émanant de journalistes, indépendantes de toute velléité publicitaire, faute pour le diffuseur d'avoir respecté l'exigence de pluralisme que la déontologie du métier suppose nécessairement, ou même seulement d'avoir offert un droit de réponse à la formation politique adverse ainsi mise en cause ; qu'en déclarant dès lors l'infraction non constituée, nonobstant cet ensemble de circonstances particulières expressément soulignées par la demanderesse dans ses conclusions délaissées, d'où il ressortait nécessairement que le prévenu avait réservé à la formation politique en cause à des fins de propagande électorale le même traitement publicitaire avant comme pendant la campagne officielle dans des conditions de diffusion analogues à la publicité couramment faite pour des sociétés commerciales et selon des modalités exclusives par nature même de simples prises de position ou expression d'opinion de journalistes, la cour d'appel n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé le texte susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 52-1 du Code électoral, pendant toute la durée de la campagne électorale, est interdite l'utilisation, à des fins de propagande électorale, de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que les 28 février et 3 mars 1986, alors que les campagnes électorales étaient ouvertes depuis le 24 février 1986 pour les élections législatives et depuis le 3 mars à 0 heure pour les élections régionales, Radio Porcelaine a diffusé à plusieurs reprises des messages publicitaires, invitant les électeurs à voter pour une formation politique déterminée ;
Attendu que pour confirmer la décision des premiers juges qui avaient déclaré Jean-Michel Z..., président de l'association Radio Porcelaine, non coupable d'infractions à l'article L. 52-1 du Code électoral, mis hors de cause la SARL Lim Media gestionnaire de ladite station prise en qualité de civilement responsable et débouté les parties civiles de leurs demandes, la juridiction du second degré, prononçant sur les seuls intérêts civils, énonce notamment que l'article susvisé prohibe seulement pendant la campagne électorale " toute diffusion d'un message publicitaire s'accompagnant pour l'annonceur d'une contrepartie financière, " laquelle ne serait pas établie en l'espèce ;
Mais attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte du Code électoral visé par le moyen ;
Qu'en effet, l'interdiction générale qu'il édicte pendant la campagne électorale concerne la diffusion de tout message de propagande électorale ayant un support publicitaire et n'est surbordonnée à aucune contrepartie financière ;
Qu'il s'ensuit que le moyen est fondé et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, en date du 4 septembre 1987,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-85479
Date de la décision : 07/06/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ELECTIONS - Campagne électorale - Propagande électorale - Utilisation de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle - Interdiction - Etendue

L'interdiction, édictée par l'article L. 52-1 du Code électoral, d'utiliser, durant la campagne électorale, à des fins de propagande électorale, tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, s'applique à la diffusion de tout message de propagande électorale ayant un support publicitaire; qu'il n'importe que cette publicité ait été faite à titre gratuit.


Références :

Code électoral L52-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 04 septembre 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jui. 1990, pourvoi n°87-85479, Bull. crim. criminel 1990 N° 233 p. 600
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 233 p. 600

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Angevin, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Lecocq
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Diémer
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen et Fabiani, la SCP de Chaisemartin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:87.85479
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