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29/05/1990 | FRANCE | N°88-19260

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mai 1990, 88-19260


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 septembre 1988), qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Manufacture métallurgique de Tournus (la société MMT), dont la société Pechiney avait été l'actionnaire majoritaire jusqu'à une certaine époque, MM. X..., Dechelette et Champlong, qui exerçaient des fonctions d'encadrement dans l'entreprise (les cadres) ont fait connaître à l'administrateur de la procédure collective qu'ils entendaient présenter un plan de continuation fondé sur la " proposition d'une solution interne permettant de sauver l'essentiel de l'ent

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 septembre 1988), qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Manufacture métallurgique de Tournus (la société MMT), dont la société Pechiney avait été l'actionnaire majoritaire jusqu'à une certaine époque, MM. X..., Dechelette et Champlong, qui exerçaient des fonctions d'encadrement dans l'entreprise (les cadres) ont fait connaître à l'administrateur de la procédure collective qu'ils entendaient présenter un plan de continuation fondé sur la " proposition d'une solution interne permettant de sauver l'essentiel de l'entreprise et de conserver les leviers de commande sur place tout en écartant le risque de mainmise sur la société par l'extérieur " ; que la société Péchiney, créancière de la société MMT à la suite d'engagements de caution contractés par elle en faveur de cette dernière, et qui avaient été mis à exécution, a adressé au juge-commissaire une lettre datée du 4 décembre 1986 dans laquelle, déclarant avoir été informée par les cadres de leur projet de plan, elle indiquait qu'elle était " favorable à une telle opération de reprise et disposée à faciliter la mise en oeuvre de ce plan de continuation par des abandons de créance en faveur des repreneurs " ; qu'à la suite de contacts pris par les cadres avec le groupe Bernard Tapie, la proposition de plan initiale a été modifiée par l'inclusion d'une disposition prévoyant la cession de 74,5 % des actions de la société MMT à ce groupe et que ce plan ainsi remanié a été adopté par le Tribunal le 27 novembre 1987 ; que le juge-commissaire a rejeté la créance déclarée par la société Péchiney aux motifs que celle-ci en avait consenti l'abandon par sa lettre du 4 décembre 1986 et que cet abandon avait été confirmé téléphoniquement au juge-commissaire ;.

Sur le premier moyen :

Attendu que la société MMT, le commissaire à l'exécution de son plan de redressement et le représentant des créanciers font grief à l'arrêt d'avoir, par infirmation de l'ordonnance susvisée, admis la société Péchiney au passif de la procédure collective en sa qualité de caution des engagements de la débitrice, alors, selon le pourvoi, qu'un jugement a la force probante d'un acte authentique ; qu'il en résulte que les éléments de fait constatés personnellement par le juge valent jusqu'à inscription de faux ; qu'ainsi, en décidant qu'il ne saurait être tiré argument d'une communication téléphonique privée adressée au magistrat ayant en charge le dossier concerné, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 457 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le juge ne doit former sa conviction que d'après les moyens de preuve admis par loi ; que la preuve n'est réputée légalement faite que si elle est administrée suivant les formes prescrites et qu'elle ne peut résulter des investigations personnelles poursuivies par le juge, en dehors de l'audience et, si elles n'ont pas été appelées, en l'absence des parties ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir relevé le caractère privé de la communication téléphonique litigieuse, adressée au juge-commissaire par une personne inconnue, à une date non précisée et en l'absence de témoin, lui a dénié toute valeur probante ; que le moyen est donc sans fondement ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir refusé d'admettre que la société Péchiney avait abandonné sa créance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le plan de redressement arrêté par le tribunal est opposable à tous ; qu'en l'espèce, le plan agréé par le Tribunal le 27 novembre 1987 constatait que la société Péchiney avait abandonné ses créances ; que cette décision est devenue définitive ; qu'ainsi, en considérant que la société Péchiney n'avait pas donné son accord pour l'abandon de ses créances dans le cadre du plan agréé le 27 novembre 1987 par le tribunal, la cour d'appel a méconnu la force obligatoire du plan de redressement et, partant, violé l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la lettre rédigée par la société Pechiney et indiquant que cette dernière était favorable à l'opération de reprise présentée par les cadres et était disposée à faciliter la mise en oeuvre de ce plan de continuation par des abandons de créance en faveur des repreneurs constituait par son caractère affirmatif un engagement contractuel ; qu'ainsi, en décidant que cette lettre constituait une simple déclaration d'intention sans valeur obligatoire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil par fausse qualification ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu, sans la dénaturer, que dans sa lettre du 4 décembre 1986, la société Péchiney n'avait fait qu'exprimer l'intention, si le plan des cadres de la société MMT était arrêté par le tribunal, de négocier dans un sens favorable aux repreneurs les modalités d'abandon de ses créances, et constaté que ce plan avait été modifié dans des dispositions substantielles par l'apparition du groupe Tapie disposant d'une forte majorité, la cour d'appel en a justement déduit, les conditions implicites mais dénuées d'ambiguïté posées par la correspondance précitée n'étant pas remplies, que la société Péchiney se trouvait déliée de ses propositions de négociation ;

Attendu, en second lieu, que, selon l'article 62, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, les personnes qui exécuteront le plan ne peuvent, sous réserve de certaines dispositions de cette loi étrangères au cas d'espèce, se voir imposer des charges autres que les engagements souscrits par elles au cours de sa préparation ; que dès lors, la cour d'appel, en énonçant que l'entière mise en place du plan de redressement reposait sur l'évidence naturelle d'un abandon de créance de la société Péchiney tandis que la lettre de cette dernière n'était qu'une déclaration d'intention dont elle s'était trouvée dégagée, ce qui devait conduire à considérer qu'elle était toujours titulaire de sa créance, a fait l'exacte application du texte ci-dessus, sans méconnaître les dispositions de l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985 ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 88-19260
Date de la décision : 29/05/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PREUVE (règles générales) - Moyen de preuve - Communication téléphonique adressée au juge par un inconnu - Absence de témoins - Portée.

1° PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Mesures d'instruction - Investigations personnelles du juge - Investigations faites hors de la présence des parties 1° MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Nécessité - Investigations personnelles du juge 1° MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Investigations personnelles du juge - Parties présentes ou appelées - Nécessité 1° PREUVE (règles générales) - Pouvoirs des juges - Eléments de preuve - Communication téléphonique adressée à un juge par un inconnu en l'absence de témoins (non).

1° Le juge ne doit former sa conviction que d'après les moyens de preuve admis par la loi ; la preuve n'est réputée légalement faite que si elle est administrée suivant les formes prescrites et elle ne peut résulter des investigations personnelles poursuivies par le juge, en dehors de l'audience et, si elles n'ont pas été appelées, en l'absence des parties. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, après avoir relevé le caractère privé d'une communication téléphonique, adressée au juge-commissaire d'une procédure de redressement judiciaire par une personne inconnue, à une date non précisée et en l'absence de témoin, lui a dénié toute valeur probante.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Jugement arrêtant le plan - Charges autres que les engagements souscrits - Caution envisageant d'abandonner sa créance - Conditions non réalisées - Maintien de sa créance.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Créances - Admission - Admission définitive - Créance dont le titulaire envisageait l'abandon - Abandon soumis à des conditions dénuées d'ambiguïté - Conditions non remplies.

2° Selon l'article 62, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, les personnes qui exécuteront le plan ne peuvent, sous réserve de certaines dispositions de cette loi étrangères au cas d'espèce, se voir imposer des charges autres que les engagements souscrits par elles au cours de sa préparation. Fait l'exacte application de ce texte, sans méconnaître les dispositions de l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985, selon lequel le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous, la cour d'appel qui énonce que l'entière mise en place du plan de redressement d'une société reposait sur l'évidence naturelle d'un abandon de créance de la part d'une autre société tandis que la lettre de cette dernière n'était qu'une déclaration d'intention dont elle s'était trouvée dégagée, les conditions posées n'étant pas remplies, ce qui devait conduire à considérer que cette société était toujours titulaire de sa créance.


Références :

Loi du 25 janvier 1985 art. 62 al. 3, art. 64

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 29 septembre 1988

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 2, 1968-07-10 , Bulletin 1968, II, n° 206, p. 145 (cassation) ; Chambre sociale, 1988-11-24 , Bulletin 1988, V, n° 626, p. 401 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mai. 1990, pourvoi n°88-19260, Bull. civ. 1990 IV N° 157 p. 106
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 IV N° 157 p. 106

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Defontaine
Avocat général : Avocat général :M. Jéol
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Pasturel
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, la SCP Célice et Blancpain.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.19260
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