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22/05/1990 | FRANCE | N°87-85399

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mai 1990, 87-85399


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 29 avril 1987, qui, pour diffamation publique envers particulier, l'a condamné à des réparations civiles envers Y..., partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des principes généraux du Code de procédure pénale, de l'article 203 du même Code, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt a rejeté l'excepti

on d'irrecevabilité de l'action de Y... et a admis sa représentation à l'audienc...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 29 avril 1987, qui, pour diffamation publique envers particulier, l'a condamné à des réparations civiles envers Y..., partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des principes généraux du Code de procédure pénale, de l'article 203 du même Code, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt a rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'action de Y... et a admis sa représentation à l'audience par un avocat ;
" alors, d'une part, qu'il résulte des principes généraux du Code de procédure pénale que le condamné qui n'a pas obéi à un mandat de justice décerné contre lui et qui s'est dérobé à son exécution ne peut agir en justice même pour y exercer les droits de la partie civile dès lors qu'il ne peut être admis à se faire représenter en justice ;
" alors, d'autre part, que les infractions poursuivies et retenues par les juridictions françaises à l'encontre de Y... ayant un lien de connexité certain avec les imputations diffamatoires retenues par l'arrêt, la cour d'appel ne pouvait rejeter l'exception d'irrecevabilité présentée par les prévenus sans méconnaître à la fois les dispositions du Code de procédure pénale et le principe du procès équitable défini par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui repose sur l'égalité des hommes " ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'irrecevabilité de l'action civile présentée avant toute défense au fond par X..., l'arrêt attaqué énonce que la non-comparution d'un citoyen devant les tribunaux de son pays ne le prive pas du droit reconnu à toute personne de défendre son honneur ou sa réputation si elle les estime attaqués ; que lorsque les éléments légaux de la diffamation sont réunis, la partie civile est recevable à agir ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, les juges ont fait l'exacte application des principes généraux de procédure pénale rappelés au moyen ;
Qu'en effet, d'une part, en matière d'infraction de presse, ni les poursuites pénales engagées contre une personne, ni sa condamnation ne font obstacle à ce qu'elle exerce personnellement l'action civile née d'une infraction, conformément à l'article 2 du Code de procédure pénale, ni à ce qu'elle soit représentée lors des débats en application de l'article 426 du même Code ;
Que, d'autre part, selon les dispositions de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, le prévenu de diffamation ne peut se prévaloir des poursuites engagées à raison du fait imputé sur requête du ministère public ou sur une plainte de sa part que pour demander qu'il soit sursis à statuer aux poursuites et au jugement de la diffamation et seulement lorsque la preuve de la vérité du fait diffamatoire est légalement interdite ;
Qu'enfin, dans les autres cas, le caractère équitable du procès en diffamation est encore assuré par les dispositions de l'article 55 de la même loi permettant au prévenu cité à la requête du plaignant de signifier au domicile nécessairement élu par celui-ci son offre de prouver la vérité des faits diffamatoires ; que le demandeur qui, ainsi que cela ressort du deuxième moyen de cassation proposé, a usé de cette faculté, ne saurait alléguer une violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 35, 38 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 4 du Code pénal, des articles 11, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de défense tiré de l'exception de vérité proposée par X... ;
" alors, d'une part, que le droit de faire la preuve de la vérité du fait diffamatoire constitue un droit essentiel de la défense et auquel il ne peut être fait exception que dans les cas limitativement prévus par l'article 35-9 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel a confirmé implicitement mais nécessairement la décision des premiers juges qui avait écarté arbitrairement des débats les documents visés dans l'offre de preuve sous les numéros 11, 12, 13, 14 et 15 en affirmant de façon parfaitement injustifiée et avant d'en avoir pris connaissance que ces documents, pour parvenir entre les mains des prévenus avaient nécessairement suivi un chemin inconnu du Code de procédure pénale et qu'une telle décision qui procède d'une interprétation extensive de l'article 35 de la loi précitée ne peut être qu'annulée ;
" alors, d'autre part, que la défense soutenait dans ses conclusions devant la Cour qu'aucune des pièces écartées par les premiers juges n'appartenait à des enquêtes ou à des informations en cours, le réquisitoire définitif du Parquet de Marseille (pièce n° 15) ayant de surcroît été extrait d'une affaire jugée en audience publique et pouvant par, conséquent en conformité avec les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, être offert à titre de preuve et qu'en ne répondant pas, fût-ce pour le rejeter, à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors enfin que la cour d'appel ne pouvait sur le fond de l'exception, se borner à affirmer que la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'avait pas été rapportée et avait l'obligation, comme l'y invitait le prévenu dans ses conclusions demeurées derechef sans réponse, d'apprécier la corrélation entre les preuves régulièrement produites et les imputations diffamatoires ; que l'arrêt qui ne s'est pas expliqué sur ce point ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si, en matière de diffamation lorsque la preuve des imputations diffamatoires est autorisée par la loi, les juges du fond déduisent souverainement des documents produits et des témoignages recueillis les circonstances justificatives dont prétend exciper le prévenu, il appartient à la Cour de Cassation de contrôler s'ils ont exactement apprécié la corrélation des faits ainsi déterminés avec les imputations diffamatoires et se sont, par suite, prononcés à bon droit sur l'administration des preuves ;
Attendu que les juges du fond ne sauraient donc se borner à affirmer leur conviction sans préciser les éléments sur lesquels ils se sont fondés ;
Attendu que Y... a fait citer X... devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation envers un particulier à la suite de la publication dans le numéro 16 daté de juin 1985 du périodique " Les dossiers du Z... " en raison de plusieurs passages retenus par le plaignant comme portant atteinte à son honneur ou à sa considération ; que X... a signifié, conformément aux dispositions des articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 une offre de preuve de la vérité des faits à laquelle Y... a répondu par une offre de preuve contraire ;
Attendu que l'arrêt attaqué qui a constaté le caractère diffamatoire de trois passages déjà reconnus comme tels par les premiers juges, énonce que " la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'a été rapportée sur aucune des imputations et qu'il n'y a pas lieu à admission de l'offre de contre-preuve " ;
Mais attendu qu'en se bornant à cette affirmation et en s'abstenant de préciser dans quelle mesure les faits étaient ou non établis et, d'apprécier le cas échéant, leur corrélation avec les imputations diffamatoires, ainsi d'ailleurs qu'ils en étaient requis par les conclusions de la défense, les juges d'appel ont mis la Cour de Cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle et n'ont pas donné de base légale à leur décision ;
Qu'ainsi, la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris, du 29 avril 1987, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-85399
Date de la décision : 22/05/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Citation - Citation à la requête de la partie civile - Partie civile pénalement poursuivie ou en fuite - Portée.

1° PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Plainte avec constitution de partie civile - Partie civile pénalement poursuivie ou en fuite - Portée 1° PRESSE - Procédure - Action publique - Sursis à statuer - Diffamation - Fait imputé faisant l'objet de poursuites pénales - Sursis obligatoire - Cas.

1° En matière de diffamation ou d'injure envers une personne, ni les poursuites engagées contre elle, ni sa condamnation ne font obstacle à ce qu'elle exerce personnellement l'action civile née de l'infraction, ni à ce qu'elle soit représentée lors des débats. Le prévenu de diffamation ne peut se prévaloir des poursuites engagées à raison du fait imputé sur requête du ministère public ou sur une plainte de sa part que pour demander qu'il soit sursis à statuer aux poursuites et au jugement de la diffamation et seulement lorsque la preuve de la vérité du fait diffamatoire est légalement interdite (1).

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement - publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial - Presse - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Moyens - Signification.

2° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Moyens - Signification - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement.

2° En matière de diffamation, est assuré par les dispositions de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 permettant au prévenu cité à la requête d'un plaignant de signifier au domicile nécessairement élu par ce dernier son offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, le caractère équitable du procès prescrit par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Preuve corrélative aux imputations - Contrôle de la Cour de Cassation.

3° Si, en matière de diffamation, lorsque la preuve des imputations diffamatoires est autorisée par la loi, les juges du fond déduisent souverainement des documents produits et des témoignages recueillis les circonstances justificatives dont prétend exciper le prévenu, ils ne sauraient se borner à affirmer leur conviction sans préciser les éléments sur lesquels ils se sont fondés (2).


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Loi du 29 juillet 1881 art. 35
Loi du 29 juillet 1881 art. 35, art. 55

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 avril 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1975-06-03 , Bulletin criminel 1975, n° 142, p. 385 (amnistie et cassation partielle). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1948-03-19 , Bulletin criminel 1948, n° 94, p. 138 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1962-12-05 , Bulletin criminel 1962, n° 359, p. 742 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mai. 1990, pourvoi n°87-85399, Bull. crim. criminel 1990 N° 212 p. 536
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 212 p. 536

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocat :la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:87.85399
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