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15/05/1990 | FRANCE | N°87-90814

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mai 1990, 87-90814


REJET, IRRECEVABILITE et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- le comité d'entreprise de la société Air-Afrique, partie civile,
- X... Jean-Claude,
- Y... Koffi,
- la société Air-Afrique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 10 juillet 1987, qui a relaxé Jean-Claude X... et Koffi Y... de la prévention d'entraves au fonctionnement régulier du comité d'entreprise et débouté la partie civile de ses demandes, et qui, pour infraction à l'article L. 431-4 du Code du travail, a condamné Jean-Claude X...à une a

mende d'un montant de 2 000 francs ainsi qu'à des réparations et a dit la soci...

REJET, IRRECEVABILITE et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- le comité d'entreprise de la société Air-Afrique, partie civile,
- X... Jean-Claude,
- Y... Koffi,
- la société Air-Afrique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 10 juillet 1987, qui a relaxé Jean-Claude X... et Koffi Y... de la prévention d'entraves au fonctionnement régulier du comité d'entreprise et débouté la partie civile de ses demandes, et qui, pour infraction à l'article L. 431-4 du Code du travail, a condamné Jean-Claude X...à une amende d'un montant de 2 000 francs ainsi qu'à des réparations et a dit la société Air-Afrique civilement responsable.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société anonyme de droit privé Air-Afrique, dont le siège administratif est fixé à Abidjan (Côte-d'Ivoire), a été créée par le traité de Yaoundé relatif aux transports aériens en Afrique, lequel a été signé le 28 mars 1961 par 10 Etats africains ;
Qu'au cours de l'année 1963, une succursale de la société, dite " représentation générale pour l'Europe " a été ouverte à Paris et a employé des salariés classés dans la catégorie " personnel au sol " ; que les membres du " personnel navigant technique " (PNT) ont été répartis entre les trois bases d'Abidjan, de Dakar et de Paris, leur contrat de travail prévoyant la possibilité de mutations pour raison de service ;
Qu'un comité d'entreprise a été mis en place en 1976, en vue d'assurer la représentation du personnel de la succursale parisienne, et que le personnel navigant technique a été admis à bénéficier d'avantages sociaux accordés aux salariés de la société travaillant sur le territoire national et, également, en 1982, à participer aux élections des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise ainsi qu'à la gestion des oeuvres sociales ;
Qu'à compter de l'année 1978, des difficultés sont apparues dans les rapports entre le comité français de la succursale et la direction d'Air-Afrique, à laquelle il a été reproché de porter atteinte au fonctionnement régulier dudit organisme ;
Qu'au mois de septembre 1984, la compagnie ayant annoncé son intention de dénoncer le règlement de carrière du personnel navigant technique, un arrêt collectif de travail est intervenu, à l'issue duquel Koffi Y..., président de la société, a engagé avec succès en Côte-d'Ivoire des procédures tendant à la constatation de la rupture abusive et unilatérale des contrats de travail de 56 salariés du personnel navigant technique concerné, due à leur seul fait, et à la résolution desdits contrats ;
Qu'à la suite de ces faits, des poursuites ont été engagées à la requête du comité d'entreprise de la succursale française, à l'encontre de Koffi Y..., et de Jean-Claude X..., directeur de ladite succursale, la société anonyme Air-Afrique étant elle-même citée en qualité de civilement responsable ; qu'il a été reproché aux prévenus d'avoir omis d'informer et de consulter le comité d'entreprise en ce qui concernait la rupture des contrats de travail des 56 salariés du personnel navigant technique affecté en France, alors que cette décision, selon l'article L. 432-1 du Code du travail, constituait une mesure de compression des effectifs et était de nature à affecter le volume ou la structure de l'entreprise et les conditions d'emploi du personnel ; qu'il a été encore reproché aux prévenus d'avoir pris acte de la rupture des contrats de travail sans avoir sollicité l'avis du comité d'entreprise, alors que 8 des salariés concernés étaient délégués du personnel ou membres élus du comité ; qu'enfin, il a été fait grief à Jean-Claude X... de s'être opposé, le 20 septembre 1984, à la participation de membres élus " PNT " du comité à une réunion de cet organisme sur le droit d'expression des salariés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-4 du Code du travail ;
En cet état :
Sur le pourvoi du comité d'entreprise de la société Air-Afrique :
Sur les premier et troisième moyens de cassation réunis et pris :
Le premier : de la violation des articles L. 432-1, L. 435-2 et L. 483-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les prévenus non coupables du délit d'entrave au fonctionnement du comité demandeur constitué par le défaut d'information et de consultation sur la rupture du contrat de travail de 56 navigants français basés à Paris et a débouté le comité demandeur de ses demandes, à cet égard ;
" aux motifs que c'est à la suite d'un arrêt collectif de travail (estimé illégal par le président-directeur général de la compagnie) que celui-ci a adressé notamment aux 56 navigants français en cause, un télex par lequel " il prenait acte de la rupture de leur contrat de travail de leur seul fait " ; qu'il résulte des éléments de la cause, soumis aux débats contradictoires, que ce personnel n'était pas juridiquement rattaché à l'établissement de Paris ; qu'en effet, il est établi, notamment, qu'il exécutait l'essentiel de son travail à bord des aéronefs de la compagnie ; que ceux-ci étaient immatriculés à Abidjan et donc ivoiriens ou encore affrétés mais alors sous l'autorité de la responsabilité d'Air-Afrique ; que, dirigé pour l'essentiel par le siège d'Abidjan, ce personnel n'était pas subordonné au directeur de la succursale de Paris et qu'à son égard, c'est hors du territoire français que la compagnie Air-Afrique exerçait ses responsabilités d'employeur ; qu'il s'ensuit que le directeur de cette succursale n'avait pas pouvoir de le licencier ou de constater la rupture des contrats de travail (et d'ailleurs ce n'est pas lui qui l'a fait) et, par voie de conséquence, le comité d'entreprise n'avait pas à être informé et consulté préalablement à cette mesure ;
" alors que la cour d'appel ne pouvait affirmer que le PNT n'était pas juridiquement rattaché à la succursale française sans contredire ses propres constatations selon lesquelles, en 1963, avait été créée à Paris une succursale de la compagnie dont X... est le directeur et qui employait à l'époque environ 300 salariés dont une centaine de navigants français ; que les contrats individuels du PNT stipulent une affectation à la succursale de Paris ; que la compagnie avait accordé à ce personnel de 1968 à 1982 les avantages sociaux de la loi française et que le litige concernait 56 grévistes basés à Paris ;
" alors surtout que la cour d'appel a ainsi procédé par voie de simple affirmation et par référence " aux éléments de la cause " ; que de tels motifs ne sauraient constituer une réponse aux conclusions circonstanciées du comité d'entreprise demandeur selon lesquelles les PNT n'ont pas pour seule activité le vol dès lors que beaucoup d'exercices sont pratiqués au sol et qu'ils sont astreints à des " réserves " qu'ils exercent à leur domicile en région parisienne, étant ajouté que les vols effectués le sont sur des aéronefs de nationalité variable ; que des éléments objectifs de rattachement localisent le rapport de travail à Paris, leur affectation contractuelle où sont élaborés et en tous cas communiqués les instructions, missions, stages, etc. ; que la base d'affectation est dotée d'une autonomie dont atteste l'existence " d'antennes " PNT, créées et installées à Roissy ; que, de l'aveu même de la Compagnie, la base d'affectation détermine le statut social des navigants qui a toujours été fixé par application des principes essentiels du droit français ; que la volonté commune des parties désignait comme loi compétente la loi française ainsi que cela résulte de nombreux éléments convergents énumérés, dont la prise en compte dans les effectifs de l'établissement parisien (registre du personnel, bilan social, etc.) ;
" alors en tout cas qu'à admettre que les mesures litigieuses eussent excédé les pouvoirs du prévenu, chef de l'établissement, il lui appartenait néanmoins d'en informer le comité demandeur ; qu'en effet, le droit à l'information du comité d'entreprise (ou d'établissement) doit s'exercer chaque fois que vient à se poser une question entrant dans les prévisions de l'article L. 432-1 du Code du travail sans qu'il soit nécessaire que la décision appartienne à son président " ;
Le troisième : de la violation des articles L. 434-12 et L. 483-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les prévenus non coupables du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise constitué par le défaut d'information et de consultation du comité demandeur lors de la rupture des contrats de travail de 56 navigants français, basés à Paris, dont 8 représentants du personnel et a débouté ledit comité de ses demandes, à cet égard ;
" aux motifs que les deux prévenus contestent formellement des usages constants de consultation du comité d'entreprise et que celui-ci ne prouve pas l'existence de ces usages en tant qu'ils s'appliqueraient à l'information et à la consultation du comité d'entreprise au sujet du volume ou de la structure des effectifs ; que, spécialement, il ne prouve pas que l'employeur ait précédemment consulté le comité à propos du licenciement de membres du personnel navigant technique basé à Paris ;
" alors que ces motifs n'apportent pas une réponse suffisante aux conclusions du comité demandeur relatives à la plénitude de ses attributions sans qu'il ait jamais été distingué entre le personnel navigant et non navigant, circonstance déclarée établie par les premiers juges ; qu'il n'avait pas, dès lors, à établir spécialement l'exercice de l'une de ses attributions " ;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris et dire les prévenus non coupables des infractions à l'article L. 432-1, alinéas 1 et 3, du Code du travail poursuivies, la cour d'appel énonce qu'il ressort des éléments de la cause que les membres du personnel navigant technique ayant fait l'objet des décisions contestées par la partie civile ne pouvaient être comptés au nombre des salariés employés dans la succursale parisienne ; que les juges du second degré retiennent aussi que les intéressés exécutaient principalement leur travail à bord d'avions immatriculés en Côte-d'Ivoire ou affrétés par la compagnie Air-Afrique sous sa seule autorité, qu'ils étaient administrés directement par la société au siège d'Abidjan, qu'ils n'étaient pas placés sous les ordres du directeur de la succursale parisienne à laquelle ils n'étaient pas rattachés, et qu'à leur égard, Air-Afrique exerçait ses responsabilités d'employeur hors du territoire français, peu important qu'ils aient pu bénéficier de divers avantages sociaux consentis à Paris ou participer aux élections des membres composant les institutions représentatives du personnel de la société employé sur le territoire français ;
Attendu que la cour d'appel déduit de ces circonstances que dans ces conditions, le comité d'entreprise n'avait pas à être informé ni consulté et ajoute par ailleurs que la preuve n'est nullement rapportée par la partie civile de l'existence dans l'entreprise, d'un usage, au sens de l'article L. 434-12 du Code du travail, de consultation du comité sur les questions de licenciement des membres du personnel navigant technique basé à Paris ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance ou de contradiction, et abstraction faite de tout autre motif, les juges du second degré qui ont souverainement apprécié les faits de la cause ainsi que la valeur des preuves contradictoirement débattues, et qui ont répondu comme ils le devaient aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant eux, ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués par le demandeur ;
Qu'il s'ensuit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 425-1, L. 482-1, L. 436-1 et L. 483-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les prévenus non coupables du délit d'entrave au fonctionnement du comité demandeur, poursuivi, constitué par la non-information et consultation du comité lors de la rupture des contrats de travail, en septembre 1984, de 8 représentants du personnel, 4 membres élus PNT du comité d'entreprise et 4 délégués du personnel PNT ; et en ce qu'il a débouté le comité demandeur, de ce chef, de ses demandes ;
" aux motifs, d'une part, que s'agissant des membres du comité demandeur, il résulte des circonstances de la cause que l'employeur n'avait pas pris l'initiative de la rupture de leurs contrats de travail dès lors que l'arrêt de la cour d'appel d'Abidjan avait clairement constaté que l'initiative de la rupture avait été prise par les navigants français et illégalement au regard de la réglementation ivoirienne du droit de grève ; qu'en application des articles 36 à 41 de la Convention franco-ivoirienne du 24 avril 1961 et du décret du 14 avril 1986, les décisions contentieuses définitives rendues en matière civile par les juridictions de Côte-d'Ivoire ont de plein droit autorité de chose jugée sur le territoire français ;
" aux motifs, d'autre part, qu'il convenait de distinguer le cas des 4 délégués du personnel dès lors que, selon les prévenus, ils avaient été élus par application du Code du travail ivoirien ; que, conformément à un usage constant, ils avaient exercé leur mandat en faveur du personnel PNT basé à Paris ou en d'autres lieux mais non rattaché juridiquement, comme il avait été vu ci-dessus, à la succursale de Paris ; qu'ils devaient dès lors être considérés en tant que tels et pour l'appréciation des droits du comité d'entreprise comme relevant du droit ivoirien en sorte que le comité demandeur n'avait pas à être informé et consulté préalablement à la rupture de leur contrat ;
" et aux motifs au surplus que l'élément intentionnel du délit n'était pas établi par la partie poursuivante étant donné la situation du personnel en cause et les circonstances de l'affaire ;
" alors que le législateur a institué au profit de salariés investis de mandats représentatifs une procédure exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail ; que l'employeur qui enfreint une telle interdiction commet un délit dont l'élément intentionnel se déduit du caractère volontaire de l'agissement constaté ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en suite d'une grève, le président-directeur général de la société avait pris acte de la rupture du contrat de travail de 56 navigants basés à Paris, dont 4 membres du comité d'entreprise et 4 délégués du personnel ; qu'il les avait traduits devant le tribunal du travail ivoirien puis devant la cour d'appel d'Abidjan qui avait prononcé la résolution judiciaire de leurs contrats de travail, à leurs torts ; qu'il se déduit nécessairement de ces constatations que l'absence de consultation du comité d'entreprise constituait l'entrave poursuivie au fonctionnement dudit comité ; que la cour d'appel n'a pas à cet égard, tiré de ses constatations cette conséquence qui s'imposait ;
" alors en outre que, s'agissant des membres du comité demandeur, la cour d'appel ne pouvait sans contredire ces constatations affirmer ensuite que l'initiative de la rupture des contrats de travail incombait aux intéressés et non au président-directeur général de la société ;
" alors surtout que la chose jugée par la cour d'appel d'Abidjan, au civil, ne s'imposait pas à la juridiction répressive de sorte qu'il appartenait au juge du fond, en tout cas, de statuer sur les circonstances de la rupture des contrats de travail des intéressés ainsi qu'il y était invité par le comité demandeur qui faisait valoir que la grève litigieuse était nécessairement soumise à la loi française ;
" et alors que, s'agissant des délégués du personnel, la cour d'appel ne pouvait, sur les seules allégations des prévenus, affirmer qu'ils avaient été élus par application du Code du travail ivoirien ;
" alors surtout que cette affirmation se trouve contredite par la constatation selon laquelle la compagnie avait accordé au personnel navigant technique les avantages sociaux de la loi française dont la participation aux élections de délégués du personnel ;
" alors enfin que la cassation à intervenir sur le premier moyen élevé concernant le rattachement juridique des 56 membres du PNT évincés à la succursale de la compagnie de Paris emporte cassation, de ce chef ;
" alors en tout cas que le prévenu X... se devait, à tout le moins, quand bien même cette décision de rupture ne lui aurait pas appartenu, en informer légalement le comité demandeur " ;
Attendu que contrairement à ce que soutient le moyen, c'est à bon droit que la cour d'appel, infirmant sur ce point le jugement entrepris, a relaxé les prévenus du chef du délit d'entrave constitué, aux dires de la partie civile, par le défaut de consultation du comité de la succursale parisienne en ce qui concerne la rupture des contrats de travail intervenue, sans l'avis prévu par les articles L. 425-1 et L. 436-1 du Code du travail, pour les 8 salariés du personnel navigant technique exerçant les fonctions de délégués du personnel " PNT " ou membres élus " PNT " du comité ; que ces salariés, n'étant pas employés dans l'établissement français de la compagnie Air-Afrique, ni rattachés à cet établissement, ne pouvaient y bénéficier d'une intégration au titre de la représentation du personnel, quels que soient les usages instaurés à cet égard ;
Qu'en conséquence, le moyen ne peut être admis ;
Sur le pourvoi de Koffi Y... :
Attendu que le susnommé est sans intérêt à se pourvoir contre l'arrêt attaqué qui l'a relaxé des fins de la poursuite ; que son pourvoi est donc irrecevable ;
Sur le pourvoi de Jean-Claude X... et de la compagnie Air-Afrique :
Sur le moyen unique de cassation, commun aux deux demandeurs, et pris de la violation des articles 3 du Code civil, L. 431-4 du Code du travail et 459, alinéa 3, du Code de procédure pénale, manque de base légale au regard de l'article L. 431-4 du Code du travail :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 1985 en ce qu'il avait déclaré Jean-Claude X... coupable d'avoir, à Paris, courant septembre 1984, commis le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise de la succursale de Paris de la compagnie Air-Afrique, par interdiction faite aux membres élus PNT de ce comité de participer à une discussion sur un texte relatif au droit d'expression des salariés (article L. 431-4 du Code du travail), a condamné X... à une amende de 2 000 francs, reçu le comité d'entreprise à Paris de la compagnie Air-Afrique en sa constitution de partie civile, et condamné X... à payer à ce dernier la somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et a enfin confirmé la déclaration de responsabilité de la compagnie Air-Afrique ;
" aux motifs que X..., président du comité d'entreprise de Paris ne conteste pas la matérialité du fait, qui a été constaté au compte rendu de la réunion du 19 septembre 1984, en ces termes :
" M. X... : la décision rendue récemment par le tribunal d'instance du 8e arrondissement fait l'objet d'un pourvoi en cassation, celui-ci est suspensif. Nous ne reconnaissons pas les organisations syndicales du personnel navigant technique et faisons toutes les réserves nécessaires " et, plus loin, après demande du secrétaire d'un vote sur le texte relatif au droit d'expression des salariés et sa remarque : " que les élus PNT n'avaient pu s'expliquer sur ce texte ", X... poursuit : " ils n'ont pas à le faire, car ce texte n'a été élaboré et négocié qu'avec le personnel au sol et ils ne concerne pas le personnel navigant technique ", qu'en droit, les membres du comité d'entreprise élus par telle catégorie du personnel (en l'espèce, les élus PNT qui siégeaient régulièrement) n'y siégeaient pas pour connaître des seules questions concernant cette catégorie, mais qu'ils ont vocation, comme tous les membres élus de ce comité (lequel a pour objet, aux termes de l'article L. 431-4, notamment d'assurer une expression collective des salariés), à connaître, à propos de l'ensemble du personnel, de toute proposition touchant aux conditions de travail et d'emploi des salariés et aux conditions de vie dans l'entreprise, spécialement d'une proposition relative au droit d'expression des salariés de cette entreprise ; qu'il s'ensuit que le droit d'entrave reproché de ce chef à X... est établi ;
" alors, d'une part, que, comme l'a constaté l'arrêt attaqué, les PNT français n'étaient pas juridiquement rattachés à l'établissement de Paris, qu'exécutant leur travail à bord des aéronefs de la compagnie Air-Afrique, ces personnels n'étaient pas subordonnés au directeur de la succursale de Paris, qu'à leur égard, c'était hors du territoire français que la compagnie Air-Afrique exerçait ses responsabilités d'employeur, qu'il importait peu que ces personnels aient participé à divers avantages sociaux consentis à Paris au personnel au sol ainsi qu'aux élections des membres du comité d'entreprise de la succursale, ces avantages ne trouvant pas leur fondement dans les dispositions d'ordre public du Code du travail français, mais dans la seule tolérance de la compagnie Air-Afrique, de sorte que viole ensemble l'article 3 du Code civil et l'article L. 431-4 du Code du travail qui a le caractère d'une loi de police et une portée territoriale, l'arrêt attaqué qui a fait application de ces textes à l'espèce ;
" alors, d'autre part, que, manque de base légale au regard de l'article L. 431-4 du Code du travail, l'arrêt attaqué qui admet que les membres élus PNT du comité d'entreprise de la succursale de Paris pouvaient invoquer ce texte pour discuter, au sein du comité d'un texte relatif au droit d'expression des salariés de ladite succursale, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel des demandeurs faisant valoir-ainsi que l'avait admis déjà la même cour de Paris dans son arrêt définitif rendu le 12 juin 1984 en matière pénale-que la participation des PNT français aux élections sociales s'analysait en une tolérance de l'employeur limitée à la participation de ces personnels à la seule gestion des oeuvres sociales ;
" qu'en outre, faute de s'être expliqué sur ce moyen des conclusions d'appel des demandeurs, dont il résultait que la prétention des membres des PNT à participer à la discussion sur la question du droit d'expression des salariés au sein de la succursale allait bien au-delà de la tolérance pratiquée jusque-là, l'arrêt attaqué a violé les dispositions des articles 459, alinéa 3, et 593 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu qu'après avoir constaté que Jean-Claude X...avait, au mois de septembre 1984, refusé aux membres élus " PNT " du comité d'entreprise de Paris de participer, au sein de cet organisme, à la discussion d'un texte relatif au droit d'expression des salariés, au motif que ce texte ne concernait que le personnel au sol et non le personnel navigant technique, la cour d'appel retient que les élus " PNT " siégeant régulièrement au comité avaient vocation à connaître de toute proposition concernant les conditions de travail et d'emploi des salariés ainsi que les conditions de vie dans l'entreprise et qu'en conséquence, le délit poursuivi est établi ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les salariés concernés, n'étant pas employés dans la succursale française d'Air-Afrique, ne pouvaient être assimilés au personnel de cet établissement, au regard des règles d'ordre public définissant la composition du comité d'entreprise, et que, par ailleurs, aucun usage n'était invoqué quant à la participation desdits salariés aux réunions du comité sur le point considéré, les juges d'appel n'ont pas justifié leur décision ;
Qu'ainsi la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi du comité d'entreprise d'Air-Afrique ;
DECLARE le pourvoi de Koffi Y... IRRECEVABLE ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 juillet 1987, mais seulement en celles de ses dispositions pénales et civiles relatives à l'infraction à l'article L. 431-4 du Code du travail retenue à l'encontre de Jean-Claude X..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger,
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-90814
Date de la décision : 15/05/1990
Sens de l'arrêt : Rejet, irrecevabilité et cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Compagnie aérienne étrangère - Succursale française - Personnel navigant technique - Personnel non employé ni rattaché à la succursale - Délit d'entrave - Conditions.

1° NAVIGATION AERIENNE - Air-Afrique - Compagnie disposant d'une succursale française - Comité d'entreprise - Personnel navigant technique - Personnel non employé ni rattaché à la succursale - Délit d'entrave - Conditions.

1° , 2°, Si l'article L. 426-1 du Code du travail prévoit que les prescriptions en vigueur concernant les délégués du personnel ne font pas obstacle aux clauses plus favorables résultant de conventions ou d'accords collectifs et relatives à la désignation et aux attributions desdits délégués et si, par ailleurs, les articles L. 434-1 et suivants du même Code n'empêchent pas l'application d'accords ou d'usages concernant le fonctionnement et les pouvoirs des comités d'entreprise, comme le précise l'article L. 434-12 du Code du travail, il n'en demeure pas moins que les dispositions dudit Code qui exigent l'appartenance au personnel d'un établissement pour pouvoir bénéficier d'une intégration à ce personnel au titre des institutions représentatives, sont d'ordre public, et qu'il ne saurait y être dérogé.. Il en résulte que dans le cas où le " personnel navigant technique " d'une compagnie de transports aériens étrangère n'est ni employé dans l'établissement français de cette compagnie ni rattaché audit établissement, cette catégorie de salariés ne peut se prévaloir de la protection spéciale bénéficiant aux membres des institutions représentatives du personnel, quels que soient les usages instaurés en ce domaine.. En revanche, s'agissant du fonctionnement de ces mêmes institutions, peuvent être admis, en faveur de ces salariés, des usages autorisant leur participation à des réunions du comité d'entreprise ou la consultation de cet organisme sur des points spécifiques (1).

2° TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Licenciement - Atteinte aux fonctions de délégué du personnel - Personnel navigant technique d'une compagnie aérienne étrangère - Personnel non employé ni rattaché à la succursale française.

2° NAVIGATION AERIENNE - Air-Afrique - Compagnie disposant d'une succursale française - Personnel - Délégués du personnel - Licenciement - Atteinte à leurs fonctions - Conditions - Personnel navigant technique - Personnel non employé ni rattaché à la succursale.


Références :

Code du travail L425-1, L436-1, L482-1
Code du travail L426-1, L434-1, L434-12
Code du travail L483-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 juillet 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre mixte, 1986-02-28 , Bulletin criminel 1986, n° 81, p. 200 (rejet et cassation partielle) ;

A rapprocher : Chambre sociale, 1989-12-19 , Bulletin 1989, V, n° 719, p. 433 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 mai. 1990, pourvoi n°87-90814, Bull. crim. criminel 1990 N° 198 p. 502
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 198 p. 502

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Célice et Blancpain

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:87.90814
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