CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
inculpé de complicité de faux et usage de faux en écriture de commerce, complicité d'abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux, corruption active et passive de citoyens chargés d'un service public,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy en date du 9 janvier 1990 qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant son placement en détention provisoire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 145, 186, 186-1, 681 et suivants du Code de procédure pénale, 593 du même Code, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence du juge d'instruction soulevée par l'inculpé et a, en conséquence, confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le plaçant sous mandat de dépôt ;
" aux motifs qu'en permettant aux inculpés de relever appel des ordonnances prévues par les articles 186, alinéas 1 et 3, et 186-1 du Code de procédure pénale, ces textes leur ont attribué un droit exceptionnel dont ils ne sauraient s'autoriser pour faire juger à l'occasion de ces procédures des questions étrangères à leur unique objet ;
" alors qu'une juridiction est tenue, au besoin d'office, d'examiner sa compétence ; qu'il en résulte qu'une chambre d'accusation, saisie de l'appel d'une ordonnance rendue par un juge d'instruction, ne peut refuser d'examiner une exception d'incompétence, quand bien même la décision aurait-elle été rendue en matière de détention ; que la règle de l'unique objet est donc inopposable à l'inculpé lorsqu'il fonde sa demande sur un moyen d'incompétence ; que, pour en avoir autrement décidé, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si, en permettant aux inculpés de relever appel des ordonnances prévues par les articles 186, alinéas 1 et 3, et 186-1 du Code de procédure pénale, ces textes leur ont attribué un droit exceptionnel qui ne comporte aucune extension et ne les autorise pas à faire juger, à l'occasion d'une de ces procédures spéciales des questions étrangères à son unique objet, cette règle ne peut être opposée à l'inculpé qui fonde son appel contre une ordonnance de placement en détention provisoire sur l'incompétence du juge d'instruction saisi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite des déclarations faites le 12 décembre 1989 par l'inculpé André Y... et mettant en cause Jacques X..., maire de Toul, le juge d'instruction a communiqué la procédure au procureur de la République qui a présenté une requête à la chambre criminelle de la Cour de Cassation en vue de la désignation d'une juridiction ; que, visant les dispositions de l'article 688 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction a donné une commission rogatoire au service régional de police judiciaire puis a, le 15 décembre 1989, procédé à l'inculpation de Jacques X... et a pris une ordonnance de placement en détention provisoire ;
Attendu qu'ayant interjeté appel de cette ordonnance, l'inculpé a prétendu que la requête en désignation de juridiction avait été présentée tardivement, sa mise en cause résultant de déclarations recueillies au cours de l'information ouverte contre André Y... et autres dès le mois de novembre 1988, et que le juge d'instruction était donc incompétent lorsqu'il a décerné mandat de dépôt ; qu'il a demandé l'annulation de ce mandat ainsi que de toutes les pièces de l'information postérieures au mois de novembre 1988 ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la chambre d'accusation énonce notamment qu'en permettant aux inculpés de relever appel des ordonnances prévues par les articles 186, alinéas 1 et 3, et 186-1 du Code de procédure pénale, ces textes leur ont attribué un droit exceptionnel dont ils ne sauraient s'autoriser pour faire juger, à l'occasion d'une de ces procédures spéciales, des questions étrangères à leur unique objet et notamment des nullités de procédure ;
Mais attendu que si la chambre d'accusation s'est, à bon droit, pour les motifs qu'elle a donnés, refusée d'examiner la validité des actes de l'information, elle devait toutefois, étant saisie de l'appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire, rechercher, comme il le lui était demandé, si cette ordonnance avait été prise par un juge d'instruction compétent ;
Qu'en s'abstenant de le faire, elle a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy du 9 janvier 1990, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.