Sur le moyen relevé d'office tiré de l'amnistie :
Vu l'article 15 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ;
Attendu que, selon ce texte, sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 et retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanction disciplinaires ou professionnelles prononcées par un employeur ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, Mme X... s'est vue notifier le 17 novembre 1986 une mise à pied d'une journée pour avoir participé à une grève illicite le 1er novembre 1986 ;
Attendu que la demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler cette sanction ;
Mais attendu que les faits qui lui ont été reprochés sont amnistiés en vertu du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE l'amnistie des faits ;
Sur la recevabilité du pourvoi ;
Attendu que si le pourvoi formé contre l'arrêt est devenu, en raison de l'amnistie, sans objet en ce qui concerne la sanction elle-même, la demanderesse demeure recevable à critiquer cette décision en tant qu'elle a refusé de condamner l'employeur à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que le 1er novembre 1986 des salariés du supermarché de Sedan, exploité par la société Union Commerciale et parmi lesquels était Mme X..., délégué du personnel, ayant cessé le travail, après dépôt d'un préavis de grève, ont été sanctionnés par une mise à pied d'une journée ;
Attendu que pour refuser de condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a déclaré que la licéité d'un arrêt collectif de travail suppose d'abord l'existence de revendications professionnelles pré-déclarées et refusées ; qu'en l'espèce les craintes sur l'emploi ne représentent pas une véritable revendication pour des délégués du personnel d'autant que les problèmes d'ouverture du magasin à Blagny ne rentrent pas dans leurs attributions au sens des articles L. 422-1 et suivants du Code du travail, mais sont de la compétence exclusive du comité d'entreprise ; que s'il a bien été question lors de la réunion des délégués du personnel de mai 1986 de la remise en état du chauffage, loin d'essuyer un refus, les représentants des salariés ont pris acte de l'engagement du directeur du supermarché de procéder à une étude chiffrée du coût des réparations, promesse tenue puisque les crédits nécessaires ont été débloqués et que si la remise en état de la chaudière n'est intervenue qu'en janvier 1987, c'est simplement pour des raisons tenant aux contingences du chauffagiste ; que par ailleurs les prud'hommes n'ont pu identifier, malgré la production du cahier des délégués du personnel, les prétendues autres revendications non précisés dans le préavis de grève et qui auraient été rejetées ; que les salariés n'étant plus dans l'exercice normal du droit de grève ont commis une faute lourde en arrêtant le travail le 1er novembre 1986 et ont légitimement encouru une sanction ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, que le rejet préalable des revendications des salariés n'est pas, en principe, une condition de licéité de la grève, alors que, d'autre part, les protestations des salariés concernant les mauvaises conditions de chauffage du magasin, ainsi que leurs craintes sur la stabilité de leur emploi en raison d'une décision de l'employeur d'ouvrir un nouveau magasin constituaient des revendications professionnelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens