Attendu que Mme Germaine B..., épouse Y..., hébergée à l'hospice de Calais, a été admise en 1962 au bénéfice de l'aide sociale ; que, par décisions des 22 décembre 1983 et 24 octobre 1985, la commission d'admission à l'aide sociale a fixé à 2 600 francs par mois la part des frais d'entretien laissée à la charge de ses débiteurs d'aliments ; que, par requête du 23 février 1987, le président du conseil général du Pas-de-Calais a, sur le fondement de l'article 145 du Code de la famille et de l'aide sociale, saisi le tribunal d'instance de Calais d'une demande tendant à voir fixer à cette somme le montant de leur dette alimentaire à compter du 1er janvier 1984 ; qu'après une tentative infructueuse de conciliation, le greffier de ce tribunal a cité à comparaître les enfants et beaux-enfants de Mme Germaine Y..., savoir les époux Z... et X... ; que par jugement du 24 août 1987, le tribunal a fixé à partir du 1er janvier 1984 le montant de la dette alimentaire mise à la charge des époux Z... et les a condamnés au paiement d'une somme de 68 400 francs pour la période allant du 1er janvier 1984 au 1er janvier 1987 et d'une pension de 1 900 francs par mois à compter de cette dernière date ; que l'arrêt attaqué a confirmé cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme Z... font grief à la cour d'appel d'avoir considéré que la procédure suivie devant le tribunal d'instance était régulière alors que la citation introductive d'instance émanait du greffe et non du demandeur et n'énonçait ni l'objet de la demande ni les moyens sur lesquels elle était fondée, de sorte que les articles 53, 56 et 836 du nouveau Code de procédure civile auraient été violés ;
Mais attendu que l'article 196, alinéa 4, du Code de la famille et de l'aide sociale dispose que, pour les recouvrements des sommes dues au service de l'aide sociale, le Tribunal est saisi par une requête de l'autorité publique demanderesse, que le greffier convoque les parties en conciliation par lettre recommandée avec accusé de réception et que les citations et autres actes de la procédure sont notifiés en la même forme ; que les juges du fond ont retenu à bon droit que ces dispositions, qui ont été suivies en l'espèce, instaurent une procédure particulière qui déroge aux règles prévues par les articles 53, 56 et 836 du nouveau Code de procédure civile ; qu'ils relèvent encore que, contrairement à ce qui est soutenu, les diverses pièces de la procédure indiquaient qu'elle avait pour objet la fixation de la dette alimentaire des enfants et beaux-enfants de Mme Germaine Y... ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que M. et Mme Z... reprochent encore à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer une pension alimentaire mensuelle de 1 900 francs à compter du 1er janvier 1987, alors que, d'une part, le Tribunal d'instance du domicile de la créancière d'aliments aurait été incompétent pour connaître de l'action, celle-ci n'ayant pas été formée par le créancier lui-même mais par le président du conseil général du Pas-de-Calais agissant " par voie indirecte " sur le fondement de l'article 145 du Code de la famille et de l'aide sociale ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de s'expliquer sur le fait que M. Claude Y... avait été confié dès son jeune âge à des tiers, circonstance de nature à démontrer l'inexécution totale de ses obligations par la créancière d'aliments, la cour d'appel n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 207, alinéa 2, du Code civil ;
Mais attendu d'abord que, comme l'énoncent à bon droit les juges du fond, l'article 4, dernier alinéa, du décret du 2 septembre 1954 pris pour l'application des lois relatives à l'aide sociale, dispose que le montant des obligations des débiteurs d'aliments est fixé par l'autorité judiciaire de la résidence du bénéficiaire de l'aide sociale ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, après avoir retenu que le fait que Mme Germaine Y... était constamment malade pouvait expliquer que son fils ait été confié dès son jeune âge à des tiers, a estimé, par une appréciation qui est souveraine, qu'aucune preuve précise n'était apportée quant à des manquements graves de la créancière d'aliments à ses obligations ;
Que les première et troisième branches du troisième moyen ne sont donc pas fondées ;
REJETTE le premier moyen et les première et troisième branches du troisième moyen ;
Mais sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris chacun en sa deuxième branche :
Vu l'article 145 du Code de la famille et de l'aide sociale, ensemble les principes qui régissent l'obligation alimentaire ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'action qu'il prévoit ne peut être exercée par le représentant de l'Etat ou du département qu'au lieu et place du créancier d'aliments, en cas de carence de celui-ci, vis-à-vis des personnes tenues à son égard sur le fondement des articles 205 et suivants du Code civil ; qu'il est de principe que les pensions alimentaires ne s'arréragent pas ;
Attendu que, pour fixer au 1er janvier 1984 le point de départ de la dette alimentaire des époux Z..., la cour d'appel retient, par motifs adoptés du premier juge, que la règle " Aliments ne s'arréragent pas " n'institue qu'une présomption simple de ce que le créancier d'aliments qui n'a pas réclamé paiement était à l'abri du besoin ; qu'en l'espèce, la nécessité où s'est trouvée Mme Germaine A..., qui jouit seulement d'une retraite mensuelle de 2 400 francs, de recourir, depuis 1962, à l'assistance publique démontre suffisamment son état de besoin ;
Attendu cependant que la règle selon laquelle le créancier d'aliments ne peut réclamer le versement d'une pension pour la période antérieure à la demande en justice repose aussi sur une présomption de renonciation, qui ne peut être combattue qu'en établissant que le créancier n'est pas resté inactif ou a été dans l'impossibilité d'agir, ce qui n'est pas allégué en l'espèce ; que, dès lors, en fixant au 1er janvier 1984 le point de départ de la dette alimentaire incombant aux époux Z..., alors que le juge judiciaire n'a été saisi de la demande que le 23 février 1987, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé au 1er janvier 1984 le point de départ de la dette alimentaire des époux Z..., l'arrêt rendu le 16 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris