La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/1990 | FRANCE | N°89-82244

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mars 1990, 89-82244


REJET du pourvoi formé par :
- X... Horst,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 15 février 1989 qui, pour intéressement à une fraude douanière, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis ainsi qu'à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur les faits :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des procès-verbaux, base des poursuites, qu'à la suite d'un contrôle, par le service des Douanes françaises, au poste

frontière de Saint-Louis (Haut-Rhin), de plusieurs véhicules poids lourds, a été déco...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Horst,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 15 février 1989 qui, pour intéressement à une fraude douanière, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis ainsi qu'à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur les faits :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des procès-verbaux, base des poursuites, qu'à la suite d'un contrôle, par le service des Douanes françaises, au poste frontière de Saint-Louis (Haut-Rhin), de plusieurs véhicules poids lourds, a été découvert un processus de fraude mis en oeuvre à l'occasion d'un transport de beurre ; que l'enquête douanière a révélé que cette marchandise, après avoir été présentée comme exportée, à destination déclarée d'un pays tiers à la Communauté économique européenne, sous le couvert de titres de transport communautaires T1 afin de permettre la perception de restitutions et de montants compensatoires monétaires, était réintroduite sur le territoire de la communauté en circulant accompagnée de titres de transport T2 irrégulièrement obtenus ou falsifiés, à destination de la SARL Amri-Wegener, sise à Beaumont-Monteux (Drôme), entreprise spécialisée dans le commerce de meubles et dont Horst X... est le dirigeant ; que les auteurs de la fraude ont été poursuivis devant la juridiction correctionnelle pour contrebande par fraude douanière relative au transport de marchandises expédiées sous un régime suspensif et importation de marchandises prohibées réputée faite sans déclaration et résultant de l'utilisation de documents entachés de faux, en vue d'obtenir ou faire obtenir indûment, en France ou dans un pays étranger, le bénéfice d'un régime préférentiel, prévu par un traité ou un accord international ; que Horst X..., pour sa part, a été poursuivi pour avoir participé, comme intéressé à la fraude, au délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, infraction prévue et réprimée par les articles 399.2 b, 426.5°, 414 et 417 du Code des douanes ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles R. 213-7 et suivants du Code de l'organisation judiciaire et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la chambre des appels correctionnels était présidée par M. Gransire, conseiller, faisant fonction de président, désigné par ordonnance de M. le premier président en date du 22 août 1988 ;
" alors que le président titulaire de la chambre des appels correctionnels ne peut être remplacé par un conseiller désigné par le premier président qu'au cas où il est empêché et cet empêchement doit être expressément constaté par l'arrêt ; qu'en l'espèce, l'empêchement du président titulaire de la chambre n'a pas été constaté, de sorte que la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer que cette chambre était légalement composée " ;
Attendu que, des mentions de l'arrêt attaqué rapportées au moyen lui-même, il se déduit l'empêchement du président de chambre titulaire ;
Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens du 26 août 1789, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 65 a du Code des douanes, 36 du règlement CEE n° 222/77 du Conseil en date du 13 décembre 1976, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir participé comme intéressé d'une manière quelconque à un délit de contrebande et au délit d'importation de marchandises prohibées ;
" alors, d'une part, qu'il est constant que les infractions reprochées au prévenu, à les supposer constituées, sont des violations non pas de dispositions douanières nationales mais des règles communautaires ; que les autorités douanières françaises n'ont aucun pouvoir pour prendre l'initiative de faire sanctionner pénalement, par les juridictions nationales, les infractions aux règles communautaires ; qu'il apparaît ainsi que les poursuites engagées contre le prévenu sont illicites ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 36.2 a du règlement CEE n° 222/77 du Conseil en date du 13 décembre 1976 que lorsqu'on ne peut déterminer dans quel Etat membre a été commise l'infraction ou l'irrégularité au transit communautaire et que celle-ci a été constatée dans un bureau de passage situé à une frontière intérieure, elle est réputée avoir été commise dans l'Etat membre que le moyen de transport ou les marchandises viennent de quitter et doit être poursuivie, le cas échéant, dans cet Etat ; qu'en l'espèce, il est établi par le dossier de procédure que les irrégularités concernant les titres de transport des marchandises destinées à la société Amri-Wegener ont été découvertes au poste de frontière intérieur de Saint-Louis, alors que les camions venaient de quitter le territoire de la République fédérale d'Allemagne ; qu'ainsi seul était compétent pour connaître et éventuellement sanctionner ces irrégularités le juge de la République fédérale d'Allemagne, à l'exclusion de tout autre " ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 399, 415, 417 et 426 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation du principe non bis in idem :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir participé comme intéressé d'une manière quelconque à un délit de contrebande et au délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
" aux seuls motifs qu'il était incapable d'expliquer quel intérêt licite pouvait déterminer un commerçant luxembourgeois ou autrichien désireux d'exporter du beurre en Yougoslavie à s'adresser à un commerçant de meubles établi en France se trouvant de surcroît dans une situation financière critique, en faisant effectuer à la marchandise un détour considérable aussi inutile qu'onéreux alors que ledit commerçant n'apporte aucune valeur ajoutée à l'opération :
qu'il est établi qu'il savait que ses correspondants étrangers et coïnculpés avaient la haute main sur les sociétés autrichienne et luxembourgeoise ; que, dès lors, la seule prestation exigée de sa part était de prêter le nom d'une société en déconfiture à une opération dépourvue de toute justification commerciale et régie par un contrat qui constitue un complexe échafaudage d'apparences ;
" alors, d'une part, que seul peut être déclaré coupable d'importation sans déclaration de marchandises prohibées au sens de l'article 426 du Code des douanes l'auteur d'un des agissements spécialement visés par ce texte ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu ait commis lui-même ou fait commettre l'un desdits agissements, que, par conséquent, le délit douanier d'importation sans déclaration de marchandises prohibées qui lui est reproché n'est pas constitué ;
" alors, d'autre part, qu'aucun texte communautaire n'interdit aux exportateurs de marchandises de la communauté de faire faire aux marchandises qu'ils exportent les détours qu'il leur semble bon ; qu'aucun texte communautaire n'interdit non plus aux sociétés étrangères d'intervenir dans des exportations de marchandises communautaires ou d'en prendre l'initiative ; qu'ainsi ni le fait que les marchandises exportées aient effectué un " considérable détour ", ni celui que le prévenu connaissait les nationalités - autrichienne et du Liechstenstein - des sociétés organisatrices de l'exportation ne sont suffisants à constituer la mauvaise foi du prévenu qui ignorait tout des irrégularités des titres de transport accompagnant les cargaisons de beurre litigieuses ;
" alors, de troisième part et subsidiairement, que le délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées est exclusif du délit d'intéressément à la fraude ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait déclarer coupable d'intéressement à la fraude le prévenu dont elle venait de retenir la culpabilité au titre d'importation sans déclaration de marchandises prohibées " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour déclarer Horst X... coupable de l'infraction visée à la prévention et écarter l'exception de bonne foi dont il se prévalait, la cour d'appel, après avoir décrit le processus de fraude communautaire mis en oeuvre à l'occasion du transport de la marchandise, relève que la prestation du prévenu a consisté, contre rétribution, à prêter le nom de sa société, la SARL Amri X... de Beaumont-Monteux, à une opération dépourvue de toute justification commerciale, l'intéressé ayant conscience que l'intérêt poursuivi dans les opérations d'import-export litigieuses ne pouvait être licite ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que l'infraction reprochée a été commise en France et que, dès lors, les autorités douanières françaises étaient compétentes pour la constater et la faire sanctionner, et sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à l'article 36.2 a du règlement CEE n° 222/77 du 13 décembre 1976 relatif au transit communautaire, applicable seulement lorsqu'une compétence nationale est indéterminée, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'intérêt à la fraude douanière, seul délit retenu à la charge du demandeur, a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-82244
Date de la décision : 12/03/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - Définition - Acte caractérisant un des éléments constitutifs accompli en France - Douanes - Importation sans déclaration - Participation en qualité d'intéressé à la fraude

COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Douanes - Transit communautaire - Fausse déclaration - Compétence territoriale - Règle subsidiaire (règlement CEE n° 222/77 du 13 décembre 1976)

COMPETENCE - Compétence territoriale - Crimes et délits commis à l'étranger - Définition - Article 693 du Code de procédure pénale

DOUANES - Importation sans déclaration - Participation en qualité d'intéressé à la fraude - Acte de participation - Acte caractérisant un des éléments constitutifs accompli en France - Infraction commise en France

C'est à bon droit qu'une cour d'appel retient sa compétence pour connaître d'une infraction d'intérêt à une fraude douanière commise à l'occasion de diverses opérations de transit communautaire dès lors que les actes caractérisant ladite infraction ont été accomplis en France ; il s'ensuit, nonobstant les dispositions de l'article 36.2 a du règlement CEE n° 222/77 du 13 décembre 1976 relatif au transit communautaire, qui pose une règle de compétence subsidiaire, inapplicable en la cause, que les autorités douanières françaises sont compétentes pour constater et faire sanctionner l'infraction dont s'agit.


Références :

Code des douanes 399 al. 2, 414, 417, 426 al. 5 Code de procédure pénale 693
Règlement CEE 222/77 du 13 décembre 1973 art. 36

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 15 février 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 mar. 1990, pourvoi n°89-82244, Bull. crim. criminel 1990 N° 113 p. 291
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 113 p. 291

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bayet
Avocat(s) : Avocats :M. Vincent, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.82244
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award