ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
- l'Union nationale des syndicats CGT de la Y..., prise en la personne de son secrétaire, X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 1985, qui, après avoir mis hors de cause l'Union des syndicats CGT, a condamné X... à 2 000 francs d'amende pour complicité de diffamation publique envers la Y... et s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique :
Attendu que les faits poursuivis entrent dans les prévisions de l'article 2.6° de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Sur l'action civile :
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 et 53, ensemble des articles 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 42, 43, 44, 45, 48.6° de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., secrétaire de l'Union nationale des syndicats CGT de la Y..., personnellement coupable de complicité du délit de diffamation publique, commis dans des tracts du 9 novembre 1984, l'a condamné à 2 000 francs d'amende et, sur l'action civile, à diverses réparations ;
" aux motifs que le tract avait été diffusé auprès de tous les travailleurs syndiqués à la CGT de la Y..., que la publicité, y compris dans le journal L'Humanité Dimanche ne saurait être discutée puisque constante ;
" alors, d'une part, qu'en statuant ainsi, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où résultait que le tract litigieux n'avait pas été distribué au public, mais seulement aux travailleurs remplissant la double condition d'appartenir au personnel de la Y..., et d'être syndiqués à la CGT ;
" alors, d'autre part, qu'à peine de nullité de la poursuite, la citation doit préciser le fait incriminé ; qu'en l'espèce, la citation n'avait aucunement fait état d'une quelconque publication du tract litigieux dans le journal L'Humanité Dimanche ; qu'ainsi, il était interdit à la Cour de relever ce fait, étant précisé au surplus qu'elle n'a fourni aucune indication relative à la source où elle l'aurait puisé, et que le jugement n'y fait aucune allusion " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que ne sont considérés comme publics, au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881, que les écrits ou imprimés qui ont été distribués dans des lieux ou réunions publics ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs que X... a été condamné du chef de complicité de diffamation publique pour avoir fait distribuer, dans les diverses agences de la société Y..., un tract contenant des propos diffamatoires à l'égard des dirigeants de ladite société ;
Attendu que, pour caractériser la publicité de l'écrit litigieux, les juges énoncent que " la distribution du tract aux travailleurs de la Y... lui confère le caractère de publicité, dans la mesure où ces travailleurs étaient susceptibles d'en diffuser à leur tour le contenu, au-delà des portes de l'entreprise, à des tiers n'appartenant pas au personnel de la Y... " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; qu'après avoir relevé que le tract avait été distribué dans des lieux privés et à des personnes liées entre elles par une communauté d'intérêt, elle ne pouvait déduire l'existence de la publicité d'une éventuelle distribution du tract à des personnes étrangères à l'entreprise ;
D'où il suit que la cassation est encourue de chef ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger dès lors que le fait principal de diffamation dégénère en contravention d'injure non publique et qu'ainsi, les règles de la complicité de droit commun, expressément visées par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, étant applicables en matière de contraventions de presse, la complicité retenue à l'encontre du demandeur n'est plus punissable ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés :
DECLARE l'action publique ETEINTE par amnistie ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 16 septembre 1985, en ses seules dispositions civiles,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.