CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 25 janvier 1989, qui, dans les poursuites exercées contre Y... du chef de refus d'insertion, a déclaré l'action publique éteinte par amnistie et a débouté ladite partie civile de son action.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la compagnie X... de sa demande tendant à l'insertion de sa réponse dans la publication Bancs d'essais du tourisme et à l'allocation de dommages-intérêts ;
" aux motifs que le défaut de corrélation entre l'article visé et la réponse justifie le refus d'insertion, aucune disposition légale n'interdisant au journaliste de publier en partie la réponse dont l'insertion intégrale aura été légitimement refusée par lui ; que l'article incriminé en l'espèce, par son titre et son contenu, met en cause la qualité des services offerts à bord des avions de la compagnie X..., le texte de la réponse comportant deux pages et demi sur la sommation, expose sur une page et demie que la compagnie a depuis 1975 augmenté son réseau et amélioré son service à bord et au sol, précise la composition de la flotte, les modalités de la desserte de la Grèce en France, de la correspondance avec les vols intérieurs et souligne que les prix pratiqués sont alignés sur ceux des autres compagnies ; qu'ainsi une longue partie de la réponse vise à souligner l'expansion de la société et n'a pas de rapport direct avec l'article dont le seul objet est d'exposer en quoi le voyage à bord d'un avion de la compagnie est satisfaisant ou non ; qu'en publiant une partie de cette réponse sans respecter les prescriptions formelles de l'article 13 de la loi de 1881, le directeur de la publication n'a pas eu un comportement fautif ;
" alors que, d'une part, le droit de réponse est général et absolu et la personne visée est seule juge de l'opportunité, de la forme et de la teneur de sa réponse, comme de sa réplique lorsque la réponse initiale a été de nouveau accompagnée de nouveaux commentaires, à la seule condition que le contenu ne soit contraire ni aux lois, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ni à l'intérêt des tiers, qu'il ne soit pas porté atteinte à l'honneur ou à la considération du journaliste et qu'il ait un lien réel avec la mise en cause ; que loin de constater que l'une de ces conditions était remplie en l'espèce, la Cour qui a elle-même admis que la réponse, dont l'insertion était requise par voie de sommation par la compagnie X..., était au moins partiellement en rapport avec la mise en cause, ne pouvait estimer justifié le refus d'insertion totale de cette réponse opposé par le directeur de la publication, sans violer les textes et principes susvisés ;
" alors que, d'autre part, le refus d'insertion étant une infraction non intentionnelle que la bonne foi ne peut excuser, la Cour qui ne relève elle-même l'existence d'aucun accord entre les parties sur d'éventuelles modalités de publication de la réponse adressée par la compagnie X... par télex du 14 janvier 1988, susceptible de légitimer sa publication au mépris de toutes les prescriptions formelles imposées par l'article 13 de la loi de 1881 et qui ne s'explique pas davantage sur le fait que la seconde insertion avait été requise par la Compagnie pour à la fois répliquer à l'article incriminé et protester contre les modalités de publication de la première, ne pouvait considérer que les conditions dans lesquelles la première insertion avait été effectuée excluait toute volonté de la part du directeur du journal d'éluder les dispositions légales sans priver sa décision de base légale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le droit de réponse institué par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 est général et absolu ; que celui qui l'exerce est juge de l'utilité, de la forme et de la teneur de sa réponse ; que l'insertion ne peut être refusée qu'autant que la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste ; qu'il appartient à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur l'appréciation qui est faite à cet égard par les juges du fond tant de l'article publié que de la réponse dont l'insertion est requise ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que pour débouter la compagnie X... de son action contre Y..., directrice de publication de la revue périodique Bancs d'essai du tourisme qui a refusé d'insérer sa réponse à la suite de la publication dans le numéro daté de janvier-février 1988 dudit périodique d'un article intitulé " Ah qu'X... était belle... au temps d'Aristote ? ", les juges relèvent, d'une part, que cet article, par son titre, son contenu, mettait en cause la qualité des services offerts à bord des avions de la compagnie, d'autre part, que le texte de la réponse exposait sur plus de sa moitié l'amélioration du service à bord et au sol, l'accroissement du réseau depuis 1975, la composition de la flotte, les modalités de la desserte de la Grèce en France, la correspondance avec les vols intérieurs et l'alignement des prix sur ceux des autres compagnies ; qu'ils énoncent ensuite qu'ainsi une longue partie de la réponse tendant à souligner l'expansion de la société était sans rapport direct avec l'article dont le seul objet était relatif aux conditions de voyage à bord des avions ; que, par suite de l'absence de corrélation complète entre l'article mettant en cause et la réponse dont l'insertion était requise, la prévenue qui n'était pas tenue de publier partiellement cette réponse, était fondée à en refuser l'insertion ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer pleinement son contrôle sur les textes en cause, la cour d'appel ne pouvait dénier l'existence d'une relation évidente entre la réponse et l'article du périodique auquel elle prétend répliquer ;
Qu'en statuant ainsi les juges n'ont pas donné de base légale à leur décision ; que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 janvier 1989 dans ses seules dispositions civiles, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.