CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens,
- le Syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 28 octobre 1988, qui les a déboutés de leurs demandes après avoir relaxé Francis X..., Georges Y..., Jean Z..., Jean-Paul A..., Didier B..., Danielle C..., Bruno D..., Olivier E... et Jean-Pierre F... du chef d'exercice illégal de la pharmacie.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation propre au Conseil national des pharmaciens et pris de la violation des articles L. 511, L. 512, L. 517 et L. 658-1 du Code de la santé publique, de la directive n° 65-65 du Conseil des Communautés européennes du 26 janvier 1965, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de réponse aux conclusions et contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du délit d'exercice illégal de la pharmacie pour la vente d'eau oxygénée à 10 volumes ;
" aux motifs que ce produit, fabriqué et conditionné par les laboratoires Lardenois et par la SA Laboratoires Vendôme, n'est à l'évidence pas présenté comme possédant des propriétés préventives ou curatives à l'égard des maladies humaines ou animales, qu'il est offert en un conditionnement banal ne comportant pas la mention antiseptique, qu'au demeurant semblable mention ne pourrait, à elle seule, suffire à caractériser un médicament, que nombre de produits de toilette ou d'hygiène corporelle sont en effet présentés comme des antiseptiques, des désinfectants ou des bactéricides sans être pour autant considérés et classés médicaments dès lors que, comme pour l'eau oxygénée, ils ne prétendent pas avoir d'action thérapeutique, que ce même produit ne peut davantage être un médicament par fonction ou à raison de sa composition, que la définition du produit d'hygiène corporelle telle que la fournit l'article L. 658-1 du Code de la santé publique correspond à l'usage pouvant être fait de l'eau oxygénée dès lors qu'il n'est pas démontré que ce produit contiendrait une substance à action thérapeutique manifeste ou notoire ou une substance vénéneuse à concentration supérieure à celle fixée par la liste prévue par l'article L. 658-5 du Code de la santé publique, qu'en l'absence de preuve de l'existence de l'une ou l'autre de ces substances, l'eau oxygénée à 10 volumes ne peut être classée dans la rubrique des produits d'hygiène médicamenteux au sens de l'article L. 511, alinéa 2, qu'enfin l'arrêté du 6 novembre 1986, modifiant et complétant celui du 16 août 1985, pris en application de l'article L. 658-1 du Code de la santé publique fixant la liste des substances dont l'emploi dans les produits d'hygiène corporelle est soumis à restriction (applicable à compter du 6 juin 1987) ne soumet l'eau oxygénée à restriction pour les préparations destinées aux soins de la peau qu'à concentration de 4 %, que le produit proposé à la vente par les prévenus ou fabriqués par eux étant concentré à 10 volumes (soit 3 %) échappe en conséquence à cette restriction ;
" alors, d'une part, que constitue un médicament par présentation tout produit expressément ou implicitement présenté comme possédant des propriétés thérapeutiques, qu'en l'espèce le demandeur avait démontré dans ses conclusions que l'eau oxygénée est un produit officinal divisé dont les indications hémostatiques et antiseptiques, bien que non mentionnées sur les flacons en vertu de l'article R. 5098 du Code de la santé publique, sont traditionnellement connues du public, en sorte qu'il s'agit d'un médicament par présentation implicite, d'où il suit qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, énoncer d'une part que l'eau oxygénée ne contiendrait aucune substance à effet thérapeutique et rappeler d'autre part que son emploi dans les produits cosmétiques et d'hygiène corporelle de l'article L. 658-1 du Code de la santé publique est soumis à restriction au-delà d'une dose déterminée " ;
Sur le deuxième moyen de cassation propre au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et pris de la violation des articles L. 511, L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et insuffisance de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du délit d'exercice illégal de la pharmacie, pour la vente de vitamine C ;
" aux motifs qu'" est un médicament par présentation un produit proposé avec indication d'une posologie au sens strict du terme qui ne peut se confondre avec la simple mention d'un " mode d'emploi ", avec également, le cas échéant, des contre-indications nécessairement de nature médicales à quoi ne peuvent être assimilées les " précautions d'emploi " ; que ce même produit doit être également présenté comme ayant une valeur thérapeutique, c'est-à-dire destiné à prévenir ou guérir une ou des maladies humaines précises " ;
" et que " ce produit, soit C 500, soit C 1000, fabriqué par la SA Labo Vendôme et la SA SARPP, a été offert à la vente au public par les grands magasins poursuivis, dans un conditionnement banal et avec l'indication qu'il s'agit d'un aliment énergétique essentiel pour l'organisme ; qu'il est présenté comme aliment, ne se prévaut d'aucune propriété curative ou préventive d'une quelconque maladie, et affirme une vérité élémentaire, à savoir qu'il apporte à l'organisme certains des principes indispensables à son bon fonctionnement, que l'indication de sa formule, au demeurant obligatoire n'appelle aucune critique et ne peut donner à penser qu'il s'agit d'un médicament, la qualification énergétique, quant à lui, n'ayant aucune connotation médicale, qu'il ne peut dès lors être considéré comme un médicament par présentation, qu'il convient pour apprécier s'il peut s'agir d'un médicament par fonction ou composition de se référer tant à l'article L. 511, alinéa 2, du Code de la santé publique introduit dans la législation française par l'ordonnance du 23 septembre 1967 afin de satisfaire à la directive n° 65-65 du Conseil de la Communauté européenne dont elle reprend les termes, que, s'agissant d'un produit vitaminé, à la jurisprudence de la Cour de justice européenne et notamment à l'arrêt Van Bennekom du 30 novembre 1983, que l'examen de la réponse faite par cette Cour à la troisième question qui lui avait été posée fait apparaître :
- que les vitamines se définissent habituellement comme des substances indispensables en infime quantité à l'alimentation quotidienne ;
- qu'en règle générale, elles ne peuvent être considérées comme des médicaments dans le cas d'une consommation en petite quantité, qu'elles ne peuvent constituer un médicament qu'en cas d'utilisation à fortes doses à des fins thérapeutiques contre certaines maladies dans lesquelles la carence en vitamine n'est pas la cause morbide ;
- que s'agissant du critère de concentration de semblable produit l'arrêt précité y apporte une réponse empreinte tout à la fois de clarté et de lucide modestie en indiquant que l'état actuel de la science ne peut permettre de donner une réponse définitive et valable dans tous les cas ;
- qu'il y est précisé que la qualification d'une vitamine en médicament ne peut s'apprécier qu'au cas par cas eu égard aux propriétés pharmacologiques du produit considéré telles qu'établies " en l'état actuel de la connaissance scientifique " ;
s'agissant de la vitamine C, qu'une querelle a opposé d'éminents professeurs de pharmacologie dont la plus évidente conséquence a été l'apparition de décisions judiciaires divergentes des juridictions françaises saisies de cette question par suite de sa fabrication par des sociétés, sans obtention pour ce produit d'une AMM, et de sa grande distribution dans les hypermarchés ; que devant cette dernière situation le ministre d'Etat de l'Economie et des Finances et de la Privatisation et le ministre délégué de la Santé et de la Famille, par décision du 22 juillet 1986, ont chargé une commission, dite Cortesse du nom de son président, de redéfinir, selon les termes de l'article 1er..., les limites du monopole pharmaceutique, après examen de la définition du médicament, ainsi que le régime administratif des produits de parapharmacie... que le rapport de cette commission, achevé de rédigé le 6 mars 1987 et versé aux débats, indique très clairement en page 6 que la vitamine C " n'a en l'état actuel des connaissances scientifiques qu'un seul effet thérapeutique, la prévention et la guérison du scorbut, maladie totalement disparue en France " ; que les termes non ambigus usités par cette commission, rapportés aux critères dégagés par la Cour de justice européenne par référence à la directive du 6 mai 1965, laquelle figure à l'identique dans l'alinéa 2 de l'article L. 511 du Code de la santé publique, conduisent nécessairement à dire qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques la preuve n'est pas rapportée que la vitamine C, à quelque degré que ce soit de concentration, ait d'autre effet thérapeutique que celui destiné à pallier sa propre carence dans l'organisme ; qu'elle n'a donc pas un effet préventif ou curatif à l'égard d'un état pathologique dans lequel cette carence ne soit pas la cause morbide, par où se définit un médicament par fonction ou composition ;
" 1°) alors que constitue un médicament par sa présentation tout produit implicitement mais clairement présenté comme ayant pour effet d'améliorer la santé de son consommateur et qu'en limitant aux seuls produits dont il serait scientifiquement démontré et expressément affirmé qu'ils soignent une maladie donnée, la cour d'appel a violé l'article L. 511 du Code de la santé publique par fausse interprétation ;
" 2°) alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions du demandeur faisant valoir que par différents arrêts récents, la Cour de Cassation avait entendu définir comme médicament par présentation ceux dont les conditionnements créaient une apparence de médicament, notamment par l'indication qu'ils ont été conçus et fabriqués sous contrôle pharmaceutique, ainsi que par l'indication de posologie, précaution d'emploi, formule, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Sur le troisième moyen de cassation propre au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens pris de la violation des articles L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et insuffisance de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du délit d'exercice illégal de la pharmacie, pour la vente des tests de grossesse ;
" aux motifs que " le produit incriminé, fabriqué sous la dénomination de " Gravi-test " est présenté à la vente au public comme un " révélateur " de grossesse préparatoire au diagnostic médical, sa notice rappelant en effet que le diagnostic de grossesse doit être effectué par un médecin ; attendu en outre que ce produit n'est pas " administré " au sens médical le plus courant d'ingestion, d'injonction ou d'application ou encore introduit dans le corps humain tels les produits de contraste employés dans certaines techniques radiographiques ; qu'ainsi, ni par présentation ni par fonction, le Gravi-test ne peut correspondre à la définition législative du médicament énoncée dans l'article L. 511 du Code de la santé publique ; mais que l'article L. 512 du même Code réservant aux seuls pharmaciens, d'une part, la préparation des produits destinés et réactifs qui sans être visés à l'article L. 511 sont destinés au diagnostic médical ou à celui de la grossesse (L. 512 in fine),- d'autre part, la vente en gros ou détail et toute délivrance au public de ces produits (L. 512. 3°), il convient d'apprécier s'il y a lieu, au cas d'espèce, d'en faire application, que l'emploi qui peut être fait de ce produit par une femme cherchant à savoir si elle est ou non en état de grossesse, en ce qu'il consiste en la simple lecture d'une réaction chimique, ne peut correspondre à un diagnostic, terme qui au sens propre ne peut recevoir d'acception que dans le domaine médical, mais ressort tout au contraire de l'information personnelle ; que la notice figurant sur ce produit rappelle opportunément que le diagnostic doit être effectué par un médecin ce qui démontre bien que le Gravi-test ne tend pas à remplacer les actes complexes tant intellectuels que matériels par quoi se caractérise la démarche d'un médecin en vue de poser un diagnostic et établir un pronostic, que ce type de produit n'est qu'un simple moyen d'auto-information comme peut l'être la prise de température ou de tension artérielle par un particulier disposant chez lui d'un thermomètre ou d'un tensiomètre et dont la démarche normale ou raisonnable sera ensuite, selon ce qu'il aura cru lire, de recourir à la science d'un médecin, observation étant faite que le rapport de la commission que préside M. Cortesse rappelle opportunément que ce type de produit qu'elle qualifie de " home test " n'est pas un médicament au sens de la définition européenne, qu'il y a lieu de dire en conséquence que le Gravi-test n'entre pas dans la définition des produits que l'article L. 512, sous la qualification de produits destinés au diagnostic de la grossesse, réserve aux seuls pharmaciens quant à leur fabrication et leur vente au public " ;
" alors que, selon l'article L. 512. 2° du Code de la santé publique, est réservée aux pharmaciens " la préparation des produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public et qui, sans être visés à l'article L. 511 ci-dessus, sont cependant destinés au diagnostic médical ou à celui de la grossesse ", que les tests de grossesse sont effectivement destinés au diagnostic de la grossesse, d'où il suit qu'en refusant d'admettre que la vente du Gravi-test est réservée aux pharmaciens en se déterminant par des considérations tirées de la notion de médicament telle qu'elle figure à l'article L. 511, ou en instaurant de subtiles distinctions entre le diagnostic et la recherche et l'information de la grossesse, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées par refus d'application " ;
Et sur le moyen unique de cassation propre au syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais et pris de la violation des articles L. 511 et L. 512 du Code de la santé publique, des directives n° 65-65 du 26 janvier 1965 et n° 75-319 du 9 juin 1975 du Conseil de la Communauté européenne, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef d'exercice illégal de la pharmacie et débouté le syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs, d'une part, sur l'eau oxygénée à 10 volumes, que ce produit n'est pas présenté comme possédant des propriétés préventives ou curatives ; qu'il est offert dans un conditionnement banal ne comportant pas la mention antiseptique ; qu'il n'est pas davantage un médicament par fonction ou à raison de sa composition dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il contiendrait une substance à action thérapeutique manifeste ou notoire ou une substance vénéneuse à concentration supérieure à celle fixée par la liste prévue par l'article L. 658-5 du Code de la santé publique ; qu'en l'absence de preuve de l'existence de l'une ou l'autre de ces substances, l'eau oxygénée à 10 volumes ne peut être classée dans la rubrique des produits d'hygiène médicamenteux au sens de l'article L. 511, alinéa 2, du Code de la santé publique ; qu'enfin l'arrêté du 6 novembre 1986 ne soumet l'eau oxygénée à restriction pour les préparations destinées aux soins de la peau qu'à concentration de 4 % ; que le produit proposé à la vente par les prévenus ou fabriqué par eux étant concentré à 10 volumes (soit 3 %) échappe en conséquence à cette restriction ;
" alors que, d'une part, dans ses conclusions laissées sans réponse, le syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais avait soutenu que l'eau oxygénée à 10 volumes était un produit destiné à être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques ; qu'il s'agit d'un antiseptique énergique propre à combattre les infections et disposant également de propriétés hémostatiques ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et en décidant que l'eau oxygénée à 10 volumes ne constituait pas un médicament, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" aux motifs, d'autre part, sur la vitamine C, que ce produit, soit C 500, soit C 1000, est offert à la vente dans un conditionnement banal avec l'indication qu'il s'agit d'un aliment énergétique essentiel pour l'organisme présenté comme aliment et ne se prévalant d'aucune propriété curative ou préventive ; que l'indication de sa formule, au demeurant obligatoire, n'appelle aucune critique et ne peut donner à penser qu'il s'agit d'un médicament ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qu'il faut rechercher dans chaque cas si une vitamine peut constituer un médicament et que pour ce qui est de la vitamine C une querelle a opposé d'éminents professeurs de pharmacologie ; qu'une commission a observé qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, le seul effet thérapeutique de la vitamine C est la prévention et la guérison du scorbut, maladie disparue en France ; que la preuve n'est pas rapportée que la vitamine C, à quelque degré que ce soit de concentration, ait d'autre effet thérapeutique que celui destiné à pallier sa propre carence dans l'organisme ; qu'elle n'a donc pas un effet préventif ou curatif à l'égard d'un état pathologique dans lequel cette carence ne soit pas la cause morbide par où se définit un médicament par fonction ou composition ;
" alors que, d'autre part, la cour d'appel a constaté que la vitamine C, substance indispensable à l'homme, constituait un médicament en cas d'utilisation à forte dose à fin thérapeutique ; qu'elle était seule susceptible de permettre la prévention et la guérison d'une maladie grave bien que disparue en France et qu'elle avait pour effet thérapeutique de pallier sa propre carence dans l'organisme ; qu'en s'abstenant d'en déduire que cette vitamine présentée dans des concentrations de 500 ou 1000 mg constituait un médicament, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" aux motifs, enfin, que, sur les tests " Gravi-test ", le produit incriminé est présenté à la vente comme un révélateur de grossesse préparatoire au diagnostic médical ; que ce produit n'est pas administré et qu'il ne correspond ni par présentation ni par fonction à un médicament ; que l'emploi qui peut être fait de ce produit par une femme cherchant à savoir si elle est ou non en état de grossesse, ne correspond pas à la définition donnée par l'article L. 512 du Code de la santé publique dès lors que le diagnostic doit être effectué par un médecin et qu'il s'agit d'un simple moyen d'auto-information comme peut l'être la prise de température ou de tension artérielle ;
" alors, enfin, que sont réservées aux pharmaciens la préparation et la vente de produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public et qui, sans être visés à l'article L. 511 du Code de la santé publique, sont cependant destinés au diagnostic de la grossesse ; que le " Gravi-test " répond à cette définition, sans que puisse être utilement opposée la circonstance que le diagnostic de la grossesse, à l'instar de tout diagnostic, doit être fait par un médecin ; que pour en avoir autrement décidé, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le premier moyen de cassation présenté au nom du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et sur le moyen unique de cassation présenté au nom du syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais, pris en sa première branche :
Sur les premier et deuxième moyens présentés au nom du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et sur le moyen unique de cassation présenté au nom du syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais, pris en ses première et deuxième branches ;
Vu les articles L. 511 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon l'article L. 511 du Code de la santé publique, sont considérés comme médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques et notamment les produits cosmétiques ou d'hygiène corporelle visés à l'article L. 658-1 du même Code contenant une substance ayant une action thérapeutique au sens du premier de ces textes ;
Attendu que pour décider, en premier lieu, que l'eau oxygénée n'est pas un médicament, les juges du second degré retiennent qu'en vertu de l'arrêté du 6 novembre 1986 son emploi dans les produits d'hygiène corporelle est autorisée lorsque sa concentration est inférieure à 4 % et qu'il n'est pas établi qu'elle contienne une substance ayant une action thérapeutique ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le fait que, lorsque sa concentration est inférieure à 4 %, l'eau oxygénée peut entrer, sous certaines conditions, dans la composition des produits d'hygiène corporelle n'implique pas qu'utilisée isolément elle ne possède pas une action thérapeutique, et alors que l'arrêt attaqué admet par ailleurs que l'eau oxygénée est un antiseptique, ce qui caractérise des propriétés curatives ou préventives, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 511 précité ;
Attendu que pour considérer, en second lieu, que les vitamines C 500 et C 1000 mises en vente par les prévenus ne sont pas des médicaments, les mêmes juges retiennent que la vitamine C n'a d'autres effets que de pallier sa propre carence dans l'organisme et de prévenir et guérir le scorbut, maladie aujourd'hui disparue en France, et que, quel que soit son degré de concentration, elle n'a pas d'effet thérapeutique ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que les effets décrits entrent dans les prévisions du texte susvisé et que, par ses conclusions demeurées sans réponse, le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens avait fait valoir que les produits mis en vente comportaient la mention " conçu et fabriqué sous contrôle pharmaceutique " et celle relative à la posologie et aux précautions d'emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ces deux chefs ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et sur le moyen unique de cassation proposé par le syndicat des pharmaciens du Pas-de-Calais, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 512. 2° et 3° du Code de la santé publique ;
Attendu que, selon ce texte, sont réservées aux pharmaciens la préparation et la vente des produits réactifs conditionnés, destinés au diagnostic de la grossesse ;
Attendu que, pour écarter l'application de ce texte en ce qui concerne les tests " Gravi-test " mis en vente par les prévenus, les juges du second degré retiennent que ces produits, qui ne sont pas destinés à être administrés, sont des révélateurs de grossesse préparatoires au diagnostic médical et ne constituent que des moyens d'auto-information ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 28 octobre 1988, mais en ses dispositions civiles seulement, et pour qu'il soit statué à nouveau dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.