Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société des Usines Quiri et compagnie CAP (société Quiri) et son assureur, la compagnie La Zurich, ont été condamnées, par arrêt de la cour d'appel de Colmar du 18 mars 1983, à payer aux assureurs subrogés aux droits de la Compagnie des entrepôts et gares frigorifiques (CEGF) des dommages-intérêts compensatoires du préjudice résultant d'un sinistre survenu, le 16 août 1975, dans un entrepôt frigorifique et ayant pour origine la fissure d'un coude de tuyauterie d'un évaporateur, fissure par laquelle a fui de l'ammoniac liquide qui a détérioré les produits alimentaires entreposés ; que, le 2 mars 1977, la société Quiri avait assigné en garantie des éventuelles condamnations prononcées à son encontre la société Raffel qui avait fourni la tuyauterie défectueuse ; que le tribunal de commerce de Saint-Lô ayant sursis à statuer par jugement du 21 décembre 1979, la société Quiri et la compagnie La Zurich ont, après le prononcé de l'arrêt précité de la cour d'appel de Colmar, assigné à nouveau la société Raffel, le 4 août 1983, devant le même tribunal ; que la société Raffel a alors appelé en garantie, le 17 février 1984, son assureur, la compagnie La Concorde ; que l'arrêt attaqué (Caen, 24 mars 1988) a, d'une part, en s'appuyant sur les constatations et les conclusions des experts commis le 29 septembre 1975, à la demande de la CEGF, par le tribunal administratif de Caen, déclaré la société Raffel responsable de la moitié du préjudice ayant résulté du sinistre et l'a condamnée à garantir, dans cette proportion, la société Quiri et la compagnie La Zurich des condamnations prononcées contre celles-ci, et a, d'autre part, déclaré prescrite l'action en garantie de la société Raffel contre la compagnie La Concorde ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Raffel reproche à la cour d'appel d'avoir, pour la déclarer responsable de partie du préjudice et la condamner au profit de la société Quiri et de La Zurich, dit que les rapports des experts lui étaient opposables, au motif que les opérations d'expertise ont été diligentées, ainsi qu'il est rappelé dans le corps des rapports, les parties présentes ou représentées, de même que leurs mandataires et assureurs, alors, selon le moyen, que, d'une part, ces rapports ne mentionnent pas que la société Raffel a assisté ou participé aux opérations, d'où il suit que la cour d'appel les a dénaturés, et, d'autre part, que la société Raffel n'a pas été appelée ou représentée aux opérations des experts X... et Lefranc, d'où il suit qu'en déclarant néanmoins que les résultats de ces expertises lui étaient opposables, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction ;
Mais attendu que les rapports des experts, produits au débat devant la Cour de Cassation, établissent que la société Raffel n'a pas ignoré les opérations d'expertise et a même été étroitement associée à ces opérations ; qu'elle a été convoquée aux réunions organisées par les différents experts désignés, que l'expert frigoriste X... l'a entendue le 7 octobre 1975, qu'elle était présente, par " M. Y..., directeur des Etablissements Raffel ", aux deux réunions tenues par l'expert en produits alimentaires Mélin les 8 octobre et 17 novembre 1975 ; que les différents rapports lui ont été notifiés, tout comme l'ordonnance rendue le 24 octobre 1975 par le tribunal administratif de Caen dans cette affaire ; que l'arrêt attaqué n'encourt donc pas les griefs visés au moyen qui, par suite, ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Raffel fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite l'action en garantie d'assurance qu'elle a engagée le 17 février 1984 contre la compagnie La Concorde, après avoir été assignée en garantie, le 4 août 1983, par la société Quiri, alors, selon le moyen, que la seconde action en justice engagée contre un assuré par un tiers, après une première action atteinte par la péremption d'instance, fait courir un nouveau délai de prescription biennale de l'action de cet assuré contre son assureur et qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
Mais attendu que la cour d'appel relève que la société Raffel a été assignée en responsabilité, par la société Quiri, le 2 mars 1977, que le tribunal de commerce a sursis à statuer sur cette action par jugement du 21 décembre 1979 et qu'aucune péremption de l'instance n'a jamais été prononcée ; qu'elle a fait ainsi ressortir que l'instance ayant été suspendue par le jugement de sursis à statuer, ce qui a eu pour effet d'empêcher le délai de péremption de courir pendant la période de suspension, laquelle s'est achevée avec l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 18 mars 1983, la société Quiri n'a fait, en assignant à nouveau la société Raffel le 4 août 1983 devant le tribunal déjà saisi, que poursuivre l'instance née de l'assignation du 2 mars 1977 et n'a donc pas engagé une seconde action, distincte de la première ; qu'ayant encore exactement relevé que le délai biennal de prescription de l'action de la société Raffel contre son assureur avait commencé à courir le 2 mars 1977 pour expirer le 2 mars 1979, l'arrêt attaqué, loin de violer l'article L. 114-1 du Code des assurances en a, au contraire, fait une exacte application en déclarant prescrite l'action en garantie d'assurance engagée contre la compagnie La Concorde le 17 février 1984 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi