Attendu que M. X..., avocat au barreau de Paris, était, avec deux confrères de Bordeaux, MM. Y... et Z..., le défenseur de M. Korber, qui comparaissait le 11 mai 1987 devant la cour d'assises de la Gironde des chefs d'assassinat et de vol ; qu'à cette audience, il a déposé avec ses confrères des conclusions aux fins de renvoi de l'affaire à une audience ultérieure ; que la cour d'assises a rejeté cette demande ; qu'après le prononcé de cet arrêt, l'accusé a demandé à ses conseils de quitter la barre ; que le président de la cour d'assises a rendu une ordonnance commettant d'office MM. Y..., Z... et X... ; que M. X... a déclaré qu'il estimait que les conditions d'application de l'article 274 du Code de procédure pénale n'étaient pas réunies ; que les trois avocats ont alors quitté la barre sans proposer ou faire approuver un motif d'excuse ou d'empêchement ; que l'examen de l'affaire a été renvoyé à une session ultérieure ; qu'averti de ces incidents, le procureur général près la cour d'appel de Paris a demandé au bâtonnier de l'ordre des avocats, en application de l'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 et, subsidiairement, de l'article 114 du décret du 9 juin 1972, d'engager des poursuites disciplinaires contre M. X... ; que, par arrêté du 16 juillet 1987, le conseil de l'ordre a déclaré la requête du procureur général recevable sur le seul fondement de l'article 114 du décret du 9 juin 1972, mais a relaxé M. X... des fins de la poursuite disciplinaire ; que, sur appel du procureur général, l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 1987) a déclaré dépourvu d'objet le recours formé sur le fondement de l'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 et, sur le second recours, infirmant l'arrêté du conseil de l'ordre, a prononcé contre M. X... la peine de l'avertissement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir joint les deux recours, déclaré dépourvu d'objet le recours formé contre une décision implicite de rejet et, statuant sur le second recours, prononcé la peine de l'avertissement, alors, selon le moyen, d'une part, que le pouvoir général de saisine du conseil de l'ordre conféré au procureur général par l'article 114 du décret du 9 juin 1972 ne peut s'exercer en matière de délits d'audience où une procédure spéciale est instituée par l'article 25 de la loi du 31 juillet 1971, de sorte que la cour d'appel n'a pu juger recevable la demande de sanction disciplinaire pour un délit d'audience recevable sur le fondement du premier de ces textes ; et alors, d'autre part, qu'en énonçant que le conseil de l'ordre n'avait pas rendu de décision implicite de rejet, la cour d'appel a soulevé un moyen d'office sans provoquer la discussion préalable des parties et violé l'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 et en déclarant recevable la demande du procureur général fondée sur l'article 114 du décret du 9 juin 1972, méconnu la règle non bis in idem ;
Mais attendu, d'abord, que la procédure disciplinaire instituée par l'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 en cas de manquement à l'audience par un avocat aux obligations que lui impose son serment ne limite pas la faculté qui est conférée au procureur général par l'article 114 du décret du 9 juin 1972 de saisir le conseil de l'ordre de toute infraction ou faute qu'il estime avoir été commise par un avocat dans l'exercice de ses fonctions ou hors de l'exercice de celles-ci ;
Attendu, ensuite, que le procureur général ayant saisi le conseil de l'ordre sur le fondement de l'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 et, subsidiairement, sur le fondement de l'article 114 du décret du 9 juin 1972, la cour d'appel a pu décider, sans violer le principe de la contradiction, que la première demande, qui n'avait pas été précédée d'une décision de la cour d'assises de la Gironde dénonçant au procureur général les fautes imputées à M. X..., n'avait pas saisi valablement le conseil de l'ordre qui, dès lors, n'avait pas rendu de décision implicite de rejet ; qu'elle n'a pas non plus méconnu la règle non bis in idem, aucune autorité de chose jugée ne s'attachant à une décision inexistante ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches, le moyen n'est fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses six branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir prononcé la sanction disciplinaire de l'avertissement, alors, selon le moyen, d'une part, qu'ayant constaté que c'est sur l'instruction de son client et " dans le cadre " de la mission de défense qui lui avait été confiée que M. X... avait quitté la barre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en énonçant que l'accusé aurait révoqué le mandat donné à ses conseils et n'aurait plus été assisté, violant ainsi l'article 317 du Code de procédure pénale et l'article 6, 1er alinéa et 3e alinéa-c, de la Convention européenne des droits de l'homme ; alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions faisant valoir que le président d'une cour d'assises ne peut apprécier d'office la résiliation du contrat liant l'accusé et son défenseur ; alors, de troisième part, qu'il résulte de l'article 317 du Code de procédure pénale que le président ne peut commettre d'office un défenseur que si le défenseur choisi ou désigné conformément à l'article 274 du Code de procédure pénale ne se présente pas, condition qui n'est pas remplie en cas d'abandon volontaire de la barre à la demande de l'accusé ; qu'en l'espèce, les trois avocats s'étaient présentés et n'ont quitté la barre qu'en cours d'audience ; que, dès lors qu'il ne provient pas du fait de la cour, du président ou du ministère public, le départ en cours d'instance des avocats ne saurait par lui-même vicier la procédure et l'entacher de nullité ; que, n'étant rendue nécessaire ni par l'intérêt de la justice qui pouvait suivre son cours, ni par l'intérêt de la défense, dont l'avocat et son défenseur demeurent seuls juges, la commission d'office ne pouvait être qu'irrégulière, de sorte qu'en se prononçant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 317 du Code de procédure pénale et l'article 6, 1er alinéa, et 3e alinéa-c de la Convention européenne des droits de l'homme ; alors, de quatrième part, qu'aux termes de l'article 6, alinéa 3-c, de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a droit de se défendre lui-même ou d'avoir
l'assistance d'un avocat de son choix, de sorte qu'à supposer que le président ait eu l'obligation de pourvoir d'office à la défense de l'accusé, il ne pouvait désigner qu'un ou plusieurs avocats autres que ceux auxquels l'accusé avait ordonné de quitter la barre, sauf à entacher d'irrégularité cette commission d'office ; alors, de cinquième part, que l'article 9 de la loi du 31 décembre 1971 n'oblige l'avocat à faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement que lorsque l'ordonnance le commettant d'office est régulière, ce que le magistrat ayant rendu cette ordonnance n'est pas habilité à apprécier, l'avocat en jugeant en conscience et sous le contrôle de la juridiction disciplinaire ; et alors, de sixième part et enfin, qu'en retenant à l'encontre de M. X... qu'il lui incombait de faire intervenir le bâtonnier, obligation qui n'est instituée par aucun texte, la cour d'appel a méconnu le principe " nullum crimen sine lege ", violant ainsi les articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu, d'abord, que si l'article 317 du Code de procédure pénale ne fait obligation au président de la cour d'assises de commettre d'office un défenseur que lorsque celui qu'a choisi l'accusé ou qui lui a été désigné ne se présente pas, cette disposition ne peut faire obstacle au droit qu'a ce magistrat, tenu en sa qualité de directeur des débats de veiller tant à l'entier exercice des droits de la défense qu'à la continuité du cours de la justice, de procéder à la commission d'office d'un avocat lorsqu'au cours desdits débats, et pour quelque cause que ce soit, la défense cesse d'être assurée ;
Attendu, ensuite, que, selon l'article 9 de la loi du 31 décembre 1971, l'avocat régulièrement commis d'office par le président de la cour d'assises, qui ne peut se faire juge de la régularité de la décision le commettant d'office, ne peut refuser son ministère sans faire approuver par ce magistrat ses motifs d'empêchement et d'excuse et, selon l'article 88 du décret du 9 juin 1972, que les avocats sont tenus de déférer aux désignations et commissions d'office, sauf motif légitime d'excuse ou d'empêchement admis par l'autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission ; que la circonstance que M. X..., avocat commis d'office, était l'avocat choisi par l'accusé n'est pas contraire au principe énoncé par l'article 6, alinéa 3-c, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui consacre le droit pour tout accusé d'être assisté d'un défenseur ; qu'il s'ensuit que c'est sans violer les textes invoqués que la cour d'appel a estimé que M. X... ne pouvait quitter l'audience sans avoir fait approuver au préalable ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le président de la juridiction de jugement ;
Attendu, enfin, qu'en énonçant -par un motif au demeurant surabondant- que si M. X... avait un doute quant à la possibilité de rester présent à la barre, il lui incombait de faire intervenir aux débats et à l'incident le bâtonnier en tant que chef de l'Ordre, la cour d'appel n'a pu violer la règle " nullum crimen sine lege ", sans aucune application en l'espèce ;
D'où il suit qu'en aucune de ses six branches, le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi