CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, chambre des appels correctionnels, en date du 2 juin 1988 qui, pour diffamation publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, à 1 500 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu ledit article ensemble les articles 50 et 53 de ladite loi ;
Attendu qu'en matière d'infractions à la loi sur la liberté de la presse, la plainte avec constitution de partie civile, le réquisitoire introductif ou la citation répondant suivant le cas aux exigences des articles 50, 53 de ladite loi fixent irrévocablement la nature ainsi que l'étendue des poursuites et mettent les actions publique et civile en mouvement s'ils interviennent dans le délai de la prescription lequel, dans le cas d'un écrit, court du premier fait de publication ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour rejeter l'exception de prescription soulevée par le prévenu, la cour d'appel énonce que la plainte de la " Ligue contre le racisme et l'antisémitisme " du chef de provocation à la haine et à la violence raciales en application de l'article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 déposée le 10 juin 1986 à la suite de la distribution du tract intitulé " L'aigle noir-Foutre les chambres à gaz " n'était pas assortie de constitution de partie civile et n'avait pu mettre l'action publique en mouvement dudit chef ; que c'est le procureur de la République qui, " de sa propre initiative ", par la transmission de cette plainte le 22 septembre 1986 au commissaire de police, a déclenché les poursuites ; que l'enquête a révélé que le tract incriminé avait été distribué courant juin et notamment le 29 juin 1986 ; que " c'est en toute légalité " qu'au vu des procès-verbaux de cette enquête, effectuée au mois de septembre 1986 ayant ainsi que les actes subséquents interrompu la prescription, le procureur de la République a le 16 avril 1987 requis l'ouverture d'une information du chef de diffamation envers un groupe de personnes à raison de leur origine, visant " à bon droit " les articles 23, 29, 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu qu'en reconnaissant un effet interruptif de prescription aux procès-verbaux d'une enquête préliminaire ordonnée sur le vu d'une plainte simple du chef de provocation raciale, en réalité datée du 10 septembre 1986 alors que l'acte initial de poursuites qui seul était de nature à mettre l'action publique en mouvement a retenu une autre qualification, les juges qui, de surcroît n'ont pas précisé la date du premier acte de publication de l'écrit incriminé, ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ; que l'arrêt encourt dès lors la cassation ;
Et attendu qu'au jour du réquisitoire introductif du chef de diffamation raciale, plus de 3 mois s'étaient écoulés depuis la distribution du tract sans qu'aucun acte interruptif de prescription fût intervenu, celle-ci était acquise ; qu'ainsi l'action publique était éteinte ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 juin 1988.