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17/10/1989 | FRANCE | N°87-84660

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 octobre 1989, 87-84660


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, du 23 juin 1987 qui, pour diffamation non publique, l'a condamné à 200 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
1) Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988 sont amnistiées les contraventions de police lorsqu'elles ont été, comme en l'espèce, commises avant le 22 mai 1988 ;
Qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l

'égard du prévenu dès la publication de la loi susvisée ;
Que toutefois, aux termes...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, du 23 juin 1987 qui, pour diffamation non publique, l'a condamné à 200 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
1) Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988 sont amnistiées les contraventions de police lorsqu'elles ont été, comme en l'espèce, commises avant le 22 mai 1988 ;
Qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de la loi susvisée ;
Que toutefois, aux termes de l'article 24 de cette loi, l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers et que la juridiction saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
2) Sur l'action civile :
Attendu qu'il appert des pièces de la procédure et de l'arrêt attaqué qu'Y..., gérante de la société civile immobilière dénommée " Résidence Z... ", a, en tant que promoteur de l'ensemble immobilier, fait citer devant le tribunal de police du chef de diffamation non publique assimilée à la contravention d'injure non publique réprimée par l'article R. 26.11° du Code pénal B... à la suite de l'envoi, sous pli fermé, aux seuls membres d'un syndicat secondaire de la copropriété, d'une lettre en date du 11 juin 1986 retenue à raison des passages suivants : " Pourquoi a-t-on éludé l'importante question de la piscine que j'ai déjà qualifiée et que je qualifie de plus en plus de véritable escroquerie du promoteur... Nous avons acheté des appartements avec le droit d'usage des équipements collectifs pour tous les copropriétaires et qui nous appartiennent (voir règlement de 1965 que beaucoup trop de personnes semblent ou veulent ignorer) et nous nous trouvons devant un club très privé dans lequel le promoteur fait la pluie et le beau temps (voir le PV de la dernière assemblée générale du club) avec une majorité de locataires qui lui rapportent plus maintenant que les copropriétaires (du moins nous le supposons) allant jusqu'à décider unilatéralement que 100 cartes seulement seront distribuées. Comme il y a ici, avec A..., qui a exactement les mêmes droits, près de 400 copropriétaires, cela veut dire qu'un copropriétaire sur quatre a le droit d'utiliser un équipement commun qu'il a payé, cela s'appelle du vol et est imposé par des locataires " ;
En l'état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 et R. 26.11° du Code pénal et 593 et 802 du Code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, défaut et insuffisance de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée au demandeur, a condamné celui-ci pour contravention à l'article R. 26.11° du Code pénal à une amende et à dommages-intérêts envers la partie civile ;
" aux motifs propres que l'exception de nullité de la citation doit être déclarée irrecevable comme n'ayant pas été soulevée in limine litis ;
" et aux motifs adoptés que les qualifications de véritable escroquerie et de vol données par le demandeur à l'attitude du promoteur reposent sur l'imputation de faits bien spécifiés dans sa lettre et de nature à porter atteinte à la considération de ce promoteur ; que cette imputation d'un fait déterminé est la contravention de diffamation non publique laquelle n'est certes pas expressément prévue par l'article R. 26.11° du Code pénal ; mais qu'il est de jurisprudence constante que la diffamation non publique dont le législateur ne s'est point occupé est assimilée à l'injure non publique dont elle a emprunté avec la sanction les conditions de répression ;
" alors que, d'une part, il résulte du dossier et des constatations du jugement attaqué que l'exception de nullité de la citation a été soulevée in limine litis ; qu'ainsi l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 a été violé ;
" et alors en toute hypothèse qu'il appartient à la Cour de Cassation de vérifier si la citation délivrée est conforme aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la Cour ne pouvait dire valable une citation délivrée pour diffamation non publique, infraction non visée à l'article R. 26.11° du Code pénal ;
" alors encore que la diffamation non publique non visée par la loi pénale ne peut, en violation du principe de légalité, être sanctionnée par assimilation à la contravention d'injure non publique " ;
Attendu que, saisie après le premier juge par le prévenu de conclusions tendant à faire déclarer, au principal, qu'était nulle la citation introductive d'instance et, subsidiairement que la diffamation non publique n'est pas punissable, faute de texte l'incriminant, la cour d'appel énonce par un motif propre que l'exception doit être déclarée irrecevable comme n'ayant pas été soulevée avant toute défense au fond et, par adoption des motifs du jugement confirmé, que les qualifications de véritable escroquerie et de vol attribuées au promoteur dans la lettre incriminée reposent sur l'imputation de faits bien spécifiés constitutive non de la contravention d'injure non publique mais de celle de diffamation non publique exactement visée dans la citation qu'il n'y a pas lieu dès lors d'annuler ; que si cette dernière infraction n'est pas expressément prévue par les dispositions de l'article R. 26.11° du Code pénal, elle est assimilée à l'injure non publique ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite du motif propre, erroné mais surabondant, la Cour de Cassation, à qui il appartient de se reporter à l'exploit, est en mesure de s'assurer que c'est à bon droit que le premier juge, saisi avant toute défense au fond, a déclaré que l'assignation qui a précisé et qualifié le fait incriminé puis indiqué le texte de loi applicable à la poursuite, répondait aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et n'était pas entachée de nullité ;
Que, lorsqu'elle n'a pas le caractère de publicité déterminé par l'article 1er de la loi du 17 mai 1819, la diffamation ressortit, en l'application combinée des articles 18, 19 de ladite loi et 14 de la loi du 26 mai 1819, de la compétence du tribunal de police ; que les dispositions susvisées de l'une et l'autre de ces lois n'ont pas été abrogées par l'article 68 de la loi du 29 juillet 1881 lequel est limitatif et doit être borné aux prescriptions antérieures réprimant les infractions commises par la voie de la presse ou dans les lieux ou réunions publics ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 26.11° du Code pénal, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur à une amende pour contravention à l'article R. 26.11° du Code pénal et au paiement à la partie civile d'une somme de 10 000 francs en réparation de son préjudice matériel ;
" alors qu'est dépourvu de motifs l'arrêt attaqué qui ne précise pas en quoi consiste le préjudice matériel subi par la partie civile dont le premier juge avait nié l'existence " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si les juges apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, il en est différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ;
Attendu que, statuant sur l'action civile née de la contravention de diffamation non publique reprochée à X..., la cour d'appel se borne à énoncer qu'il échet de confirmer la décision du premier juge allouant à la partie civile 1 franc de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'ajouter la somme de 10 000 francs en réparation de son préjudice matériel ;
Mais attendu qu'en accordant sans s'en expliquer une indemnité de ce dernier chef à la victime qui, de surcroît, n'était pas appelante, les juges d'appel ont méconnu le sens et la portée du principe sus-énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 juin 1987 en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice matériel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit jugé conformément à la loi dans la limite de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-84660
Date de la décision : 17/10/1989
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Diffamation non publique - Assimilation à l'injure non publique - Fondement

Lorsqu'elle n'a pas le caractère de publicité déterminé par l'article 1er de la loi du 17 mai 1819, la diffamation ressortit, en l'application combinée des articles 18 et 19 de ladite loi et 14 de la loi du 26 mai 1819, de la compétence du tribunal de police. Les dispositions de l'une et l'autre de ces lois n'ont pas été abrogées par l'article 68 de la loi du 29 juillet 1881 lequel est limitatif et doit être borné aux prescriptions antérieures réprimant les infractions commises par la voie de la presse ou dans les lieux ou réunions publics (1).


Références :

Code pénal R26 al. 11
Loi du 17 mai 1819 art. 1, art. 18, art. 19
Loi du 26 mai 1819 art. 14
Loi du 29 juillet 1881 art. 68

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 juin 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1886-11-18 , Bulletin criminel 1886, n° 388, p. 637 (cassation) ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1819-12-02 S. 1820.1.148 ;

Chambre criminelle, 1861-07-25 , Bulletin criminel 1861, n° 163, p. 283 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1875-02-26 D.P. 1877.1.186.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 oct. 1989, pourvoi n°87-84660, Bull. crim. criminel 1989 N° 366 p. 882
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 366 p. 882

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocats :la SCP Nicolas, Masse-Dessen et Georges, M. Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.84660
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