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05/09/1989 | FRANCE | N°88-83470

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 septembre 1989, 88-83470


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Centre national de la cinématographie, la Fédération nationale des distributeurs de films, Paramount Pictures Corporation, Walt Disney Productions France S. A., MGM Entertainment Co, Universal City Studios Inc, Walt Disney Company, Twentieth Century Fox France S. A., CBS Fox Video S. A., CIC Video S. A. R. L., Columbia Pictures Industries Inc, United International Pictures S. A. R. L., Twentieth Century Fox Films Corporation, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle,

en date du 19 mai 1988, qui a déclaré irrecevable la const...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Centre national de la cinématographie, la Fédération nationale des distributeurs de films, Paramount Pictures Corporation, Walt Disney Productions France S. A., MGM Entertainment Co, Universal City Studios Inc, Walt Disney Company, Twentieth Century Fox France S. A., CBS Fox Video S. A., CIC Video S. A. R. L., Columbia Pictures Industries Inc, United International Pictures S. A. R. L., Twentieth Century Fox Films Corporation, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 19 mai 1988, qui a déclaré irrecevable la constitution de partie civile des onze derniers demandeurs et après avoir relaxé Camille et Marguerite X... des chefs de contrefaçon et pratique concurrentielle illicite, a débouté les deux premiers demandeurs.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour le Centre national de la cinématographie : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard pour les onze derniers demandeurs et pris de la violation des articles 426-1 du Code pénal, 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevables les sociétés de production, de distribution et d'édition en vidéo cassettes, parties civiles ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne la contrefaçon, pour pouvoir être recevable, chacune des parties civiles poursuivantes devait spécifier dans la citation directe, d'une part, la ou les oeuvres diffusées sur les antennes de Télé Freedom en fraude de leurs droits et, d'autre part, la nature et l'étendue de ceux-ci ; que les parties civiles concernées par ce chef de la prévention se sont bornées dans les citations délivrées aux prévenus et aux civilement responsables à émettre des griefs d'ordre général sur les méfaits causés par les activités d'une chaîne de télévision non autorisée et à citer, à titre indicatif, quelques titres de films sans préciser l'identité des ayants droit de ces productions non plus que le montant des droits susceptibles d'avoir été éludés ;
" alors que la Cour a ainsi manifestement dénaturé la teneur dépourvue de toute ambiguïté des citations délivrées aux prévenus et aux civilement responsables qui, de manière sans doute non exhaustive, énuméraient toutefois avec précision les titres des principales oeuvres cinématographiques diffusées illicitement, la date de cette diffusion ainsi que l'identité des différents ayants droit en précisant par ailleurs le montant du préjudice subi par ceux-ci, et a, dès lors, privé sa décision de toute base légale " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu que les onze derniers demandeurs ont cité directement devant le tribunal correctionnel Camille et Marguerite X... respectivement secrétaire et présidente de l'Association Télé Freedom, du chef de contrefaçon par représentation, pour avoir fait télédiffuser dans le cadre d'une " télévision pirate " des programmes de télévision et notamment un certain nombre de films cinématographiques, sans l'autorisation des titulaires des droits afférents à ces oeuvres de l'esprit ;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris et déclarer les parties civiles irrecevables en leurs demandes, la cour d'appel énonce qu'elles se sont bornées, dans les citations délivrées aux prévenus et aux civilement responsables, à émettre des griefs d'ordre général sur les méfaits causés par les activités d'une chaîne de télévision non autorisée et à citer, à titre indicatif, quelques titres de film sans préciser l'identité des ayants droit de ces productions non plus que le montant des droits susceptibles d'avoir été éludés ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les citations délivrées énonçaient les titres des oeuvres cinématographiques diffusées, la date de ces diffusions ainsi que l'identité des ayants droit : producteur, distributeur et éditeur-vidéo et qu'en outre, le montant des dommages-intérêts réclamés par chaque partie civile y était précisé, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés ; que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par M. Delvolvé pour les treize demandeurs et pris de la violation de l'article 53 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, des articles 2, 427 et 593 du Code de procédure pénale, 426-1 et 482 du Code pénal, 97 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Camille X... et Marguerite Y... du chef du délit de contrefaçon et du délit prévu et réprimé par l'article 97 de la loi du 29 juillet 1982, et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
" aux motifs que l'article 53 de la loi du 3 juillet 1985 dispose que la preuve de la matérialité de l'infraction résulte soit des procès-verbaux dressés par des officiers ou agents de la police judiciaire, soit des constatations d'agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie ou par un organisme assimilé et géré par le ministre chargé de la Culture ; que cette disposition spéciale déroge au principe général énoncé par l'article 427 du Code de procédure pénale selon lequel les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ; qu'en l'espèce, les seuls éléments de preuve soumis aux débats contradictoires sont constitués par des attestations et des constats d'huissiers délivrés et dressés à la demande des parties civiles ; que le délit prévu et réprimé par l'article 97 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, modifié par l'article 62 de la loi du 3 juillet 1985, est également soumis aux règles de preuve édictées par l'article 53 de cette dernière loi ;
" alors que, en donnant compétence, outre les officiers et agents de police judiciaire, à certains agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie et par les sociétés visées, en son titre IV, et agréés par le ministre charge de la Culture, pour procéder à la constatation des infractions qu'elle instituait, la loi du 3 juillet 1985 n'a pas eu pour objet d'exclure, en son article 53, le recours à tout autre mode de preuve du droit commun ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour le Centre national de la cinématographie et pris de la violation de l'article 53 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, des articles 427, 512 et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus des fins de la poursuite et a en conséquence débouté le Centre national de la cinématographie de sa demande ;
" aux motifs que selon l'article 53 de la loi du 3 juillet 1985 qui déroge au principe général énoncé par l'article 427 du Code de procédure pénale, la preuve de la matérialité de l'infraction résulte soit des procès-verbaux dressés par les officiers ou agents de la police judiciaire, soit des constatations d'agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie ou par un organisme assimilé et agréé par le ministre chargé de la Culture ; qu'en l'espèce, les seuls éléments de preuve versés aux débats sont constitués par des attestations et des constats d'huissier qui ne satisfont pas aux exigences légales ;
" alors que, si en vertu de l'article 53 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, les infractions aux dispositions de ladite loi peuvent être constatées par des agents assermentés par le Centre national de la cinématographie ou un organisme assimilé comme par des agents ou officiers de la police judiciaire, il n'en résulte pas pour autant que les dispositions, plus générales, de l'article 427 du Code de procédure pénale ne soient pas applicables en la matière et que les autres modes de preuve ne soient pas légalement admissibles, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu-respectivement par fausse interprétation et refus d'application-les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard pour les onze derniers demandeurs et pris de la violation des articles 53 de la loi du 3 juillet 1985, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, s'estimant saisi sur les seules réquisitions du ministère public de l'ensemble de la prévention, a prononcé la relaxe des prévenus du fait de contrefaçon par représentation ;
" aux motifs que l'article 53 de la loi du 3 juillet 1985 dispose que la preuve de la matérialité de l'infraction résulte soit de procès-verbaux dressés par les officiers ou agents de police judiciaire, soit des constatations d'agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie ou par un organisme assimilé et agréé par le ministre chargé de la Culture ; que cette disposition spéciale déroge au principe général énoncé par l'article 427 du Code de procédure pénale, selon lequel les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ; qu'en l'espèce, les seuls éléments de preuve soumis aux débats contradictoires sont constitués par des attestations et des constats d'huissiers délivrés et dressés à la demande des parties civiles ; que ces éléments de preuve ne satisfont pas aux exigences ci-dessus rappelées et ne peuvent par conséquent servir à démontrer la culpabilité des prévenus, lesquels doivent être relaxés des fins de la poursuite ;
" alors que les dispositions de l'article 53 de la loi du 3 juillet 1985, qui ont essentiellement pour objet de reconnaître la compétence des agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie ainsi que par les sociétés mentionnées au titre IV et agréées par le ministre chargé de la Culture de constater les infractions aux dispositions de la présente loi, ne consacrent qu'un simple mode de preuve possible et n'ont nullement entendu écarter l'application des dispositions plus générales de l'article 427 du Code de procédure pénale en interdisant l'ensemble des autres modes de preuve tels des constats d'huissiers " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si l'article 53 de la loi du 3 juillet 1985 dispose qu'outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions de la présente loi peut résulter des constatations d'agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie, il n'en demeure pas moins que les dispositions plus générales de l'article 427 du Code de procédure pénale restent applicables en la matière et que les autres modes de preuve sont admissibles ;
Attendu que pour relaxer les prévenus des délits de contrefaçon et de pratique concurrentielle illicite, la cour d'appel énonce que les seuls éléments de preuve soumis aux débats contradictoires sont constitués par des attestations et des constats d'huissier délivrés et dressés à la demande des parties civiles ; que ces preuves ne satisfont pas aux exigences de l'article 53 de la loi du 3 juillet 1985 qui déroge au principe général énoncé par l'article 427 du Code de procédure pénale et ne peuvent servir à démontrer la culpabilité des prévenus ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; que la cassation est encore encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 19 mai 1988, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-83470
Date de la décision : 05/09/1989
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONTREFACON - Propriété littéraire et artistique - Films cinématographiques - Infractions - Constatations - Preuve

CINEMA - Films - Diffusion sans autorisation - Infractions - Constatations - Preuve

PREUVE - Procès-verbal - Force probante - Procès-verbal d'un agent commissionné du Centre national de la cinématographie - Mode unique de preuve (non)

PROCES-VERBAL - Force probante - Procès-verbal d'un agent commissionné du Centre national de la cinématographie - Mode unique de preuve (non)

L'article 53 de la loi du 3 juillet 1985 qui dispose qu'outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité des infractions aux dispositions de ladite loi peut résulter des constatations d'agents assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie, ne déroge nullement à l'article 427 du Code de procédure pénale et n'interdit pas le recours à tout autre mode de preuve (1).


Références :

Code de procédure pénale 427
Loi 85-660 du 03 juillet 1985 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre correctionnelle), 19 mai 1988

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1981-12-01 , Bulletin criminel 1981, n° 316, p. 831 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1987-11-17 , Bulletin criminel 1987, n° 411, p. 1084 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 sep. 1989, pourvoi n°88-83470, Bull. crim. criminel 1989 N° 314 p. 770
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 314 p. 770

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Ract-Madoux
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, la SCP Piwnica et Molinié, M. Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.83470
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