La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/08/1989 | FRANCE | N°87-91981

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 août 1989, 87-91981


ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 1987, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, à une amende de 1 500 francs et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 2.6° de la loi du 20 juillet 1988 sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antér

ieurs au 22 mai 1988, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la li...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 1987, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, à une amende de 1 500 francs et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 2.6° de la loi du 20 juillet 1988 sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 22 mai 1988, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de ce texte ;
Attendu cependant que selon l'article 24 de la loi d'amnistie, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
Sur l'action civile :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968, du décret n° 71-66 du 22 janvier 1971, de l'article 327 du Code pénal, de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation et déclaré le prévenu coupable de diffamation publique envers Y... en sa qualité de fonctionnaire public ;
" alors, de première part, que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les propos de X... rapportés dans le numéro du " Monde " daté du 19 mai 1983 joint au dossier et qui doivent être considérés en eux-mêmes indépendamment du commentaire du quotidien dans lequel ils ont été cités, ne renfermaient aucune critique d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction de professeur d'université exercée par Y... et que l'attitude que X... prêtait à la partie civile lors d'une manifestation et notamment son intervention auprès des forces de police lors de l'interpellation de certains manifestants, n'avait pas de rapport étroit avec la qualité d'enseignant, une telle intervention pouvant être le fait d'un simple citoyen ;
" alors, de seconde part, que pour décider que la citation visait à bon droit l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et n'était pas frappée de nullité, les juges devaient avoir égard uniquement au contenu des propos incriminés et ne prendre en compte aucun élément extrinsèque et que, dès lors, en fondant leur décision à la fois sur les mobiles de Y... qui avait cru pouvoir décider que ses fonctions de professeur lui imposaient de descendre dans la rue et sur la prétendue délégation dont cet enseignant faisait état a posteriori et selon laquelle le président de l'université l'aurait chargé d'intervenir dans la manifestation, délégation dont la Cour relevait de surcroît qu'elle était ignorée de X..., la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
" alors, de troisième part, que le recteur X... ne pouvait aucunement envisager dans ses propos que le professeur Y... ait pu agir comme il l'a fait le 17 mai 1983 dans le cadre de fonctions universitaires quelconques ; qu'en effet, les textes en vigueur à l'époque n'accordaient aux présidents d'université ou à leurs délégués des pouvoirs de maintien de l'ordre qu'à l'intérieur de l'enceinte de l'université ; qu'il ressort de l'article incriminé que la manifestation à laquelle a participé Y... se déroulait en dehors de l'enceinte de l'université et devant le rectorat d'académie et que dès lors, Y... ne pouvait être considéré par quiconque comme menant, dans le cadre de ses fonctions, une action commandée par l'autorité légitime ;
" alors, enfin, que si l'imputation de certaines attitudes morales à des fonctionnaires publics sont susceptibles, dans des cas extrêmement précis, de rejaillir sur ces fonctions et peuvent de ce fait être poursuivies sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, il ne peut en être ainsi du comportement de Y... dénoncé par les propos du recteur X..., ces propos n'ayant au demeurant aucunement insinué, comme l'a inexactement énoncé l'arrêt attaqué, que la partie civile ait participé personnellement à l'action violente des étudiants contre le rectorat " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne punit de peines particulières les diffamations dirigées contre un fonctionnaire public que lorsque ces diffamations sont faites à raison de leurs fonctions ou de leur qualité ; que les imputations, qui doivent s'apprécier non d'après l'intention de leur auteur ou le but par lui recherché, mais d'après leur objet même et la nature du fait sur lequel elles portent, doivent présenter un rapport direct et étroit avec les fonctions ou la qualité ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Y... a fait citer devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, le recteur de l'académie d'Aix-en-Provence, X..., à raison d'un article publié le 19 mai 1983 dans le journal Le Monde à la suite d'une manifestation d'étudiants qui avait eu lieu le 17 mai devant le rectorat ; que cet article était ainsi rédigé : " La manifestation a tourné au véritable assaut, certains tentant sans succès de mettre le feu au bâtiment. Le recteur d'académie a eu la surprise de constater parmi les étudiants en colère la présence de M. Y..., professeur à l'université d'Aix-Marseille III. Non seulement, a déclaré le recteur à notre correspondant, il n'a rien fait pour calmer les plus excités, mais il s'est vigoureusement interposé lorsque les forces de police ont interpellé certains des assaillants. " ; que le prévenu a été déclaré coupable ;
Attendu que X... ayant soutenu que les propos incriminés ne se rapportaient pas à un acte de la fonction de professeur et que la citation, qui visait à tort l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, devait être annulée, la juridiction du second degré énonce pour rejeter l'exception que, bien que " les fonctions de professeur, réglementairement définies, ne comportent pas la descente dans la rue pour manifester et s'interposer entre les manifestants et les services de police ", " c'est bien parce qu'il était professeur " que Y... s'est trouvé dans la rue devant le rectorat ; qu'en cette qualité de professeur " il est venu, selon X... lui-même, non seulement pour exciter les manifestants, ce qu'il aurait pu faire comme simple particulier, mais aussi pour s'interposer vigoureusement lorsque les forces de police ont interpellé certains des assaillants et que ce comportement n'a été possible que parce qu'il était professeur " ; " que X... a dénoncé des actes d'autorité qu'un enseignant commet dans des circonstances considérées inacceptables et qu'il s'agissait bien de faits se rattachant à la fonction " ; " que les imputations litigieuses ont bien pour support nécessaire la fonction de Y... et ont rejailli sur cette fonction parce qu'il est certain que pour un enseignant le fait de participer à une action violente et de s'opposer à l'action des forces de police constitue un manque grave aux devoirs de sa charge et discrédite tout le corps enseignant " ;
Que les juges observent en outre que " Y... relève à juste titre, même si cette circonstance était ignorée de X..., que son intervention a eu lieu sur la demande expresse du président de l'université qui lui avait confié le mandat d'assurer les relations extérieures à l'université " ;
Mais attendu que cet écrit, même si son objet pouvait être de discréditer le professeur plutôt que l'homme privé, ne contient pas la critique d'acte de la fonction ou d'abus de fonction et n'établit pas, contrairement à ce qu'énoncent les juges, que la qualité ou la fonction de la personne visée ait été, soit le moyen d'accomplir l'acte imputé, soit son support nécessaire ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, au lieu de constater l'irrecevabilité de la poursuite, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé et que la censure est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs et moyens proposés :
DECLARE l'action publique ETEINTE ;
Sur l'action civile :
CASSE ET ANNULE l'arrêt du 10 novembre 1987 de la cour d'appel de Nîmes,
Et attendu que l'action publique et, par voie de conséquence, l'action civile n'ont pas été régulièrement engagées,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-91981
Date de la décision : 23/08/1989
Sens de l'arrêt : Action publique éteinte et cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Fonctionnaire public - Faits liés à la fonction ou à la qualité - Constatations nécessaires

L'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne réprime les diffamations dirigées contre les personnes revêtues de la qualité énoncée par ce texte que lorsque ces diffamations, qui doivent s'apprécier, non d'après le mobile qui les a inspirées ou d'après le but recherché par leur auteur, mais selon la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent les critiques d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction ou encore établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d'accomplir le fait imputé soit son support nécessaire. Tel n'est pas le cas de l'imputation faite à un professeur d'université d'avoir participé à une manifestation violente organisée par des étudiants et de s'être opposé à l'action des forces de police (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 31

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle), 10 novembre 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1986-12-16 , Bulletin criminel 1986, n° 374, p. 976 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 aoû. 1989, pourvoi n°87-91981, Bull. crim. criminel 1989 N° 312 p. 765
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 312 p. 765

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet et Farge, M. Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.91981
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award