CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Lucien,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bastia, en date du 14 mars 1989, qui, dans la procédure suivie à son encontre du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 214, 215 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté présentée par l'inculpé ;
" alors, d'une part, que l'arrêt attaqué n'est que la reproduction littérale, à quelques mots près, des réquisitions établies le 3 mars 1989 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bastia, partie poursuivante ; qu'ainsi, les magistrats composant la juridiction d'instruction n'ont pas procédé, personnellement et effectivement, à l'examen des charges retenues contre l'inculpé ;
" alors, d'autre part, qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a laissé sans réponse le mémoire déposé par le conseil de l'inculpé et n'a pas examiné le moyen tiré de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales fondé sur le droit de l'inculpé d'être remis en liberté si son affaire n'est pas jugée dans un délai raisonnable ; qu'une réponse explicite était nécessaire en vue d'apprécier si, en l'espèce, il avait été contrevenu aux dispositions de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention susvisée, de sorte que la violation des droits de la défense qui découle de cette absence de réponse entache la décision attaquée d'une nullité absolue ;
" alors, enfin, que tout inculpé placé en détention a droit d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure ; qu'en l'espèce, X..., détenu depuis le 12 décembre 1986, n'est toujours pas jugé sans que la complexité de la procédure puisse expliquer un tel retard dans l'instruction ; qu'il est par conséquent bien fondé à soutenir que le " délai raisonnable " est expiré après plus de 2 années d'information préalable et que sa mise en liberté est pour lui un droit " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 593 du Code de procédure pénale que les arrêts de la chambre d'accusation sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ;
Attendu que pour rejeter la demande de mise en liberté formée en application de l'article 148-1 du Code de procédure pénale par Lucien X..., détenu depuis le 12 décembre 1986 sous l'inculpation d'assassinat, la chambre d'accusation énonce qu'en l'état d'un supplément d'information par elle ordonné le 18 mai 1988, le maintien en détention de l'inculpé, qui encourt une peine criminelle, est nécessaire pour garantir sa représentation en justice, et pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction commise ;
Attendu cependant que les juges n'ont pas répondu au mémoire régulièrement déposé par le conseil de X... qui soutenait que, faute d'avoir été jugé dans un délai raisonnable, celui-ci devait être remis en liberté, en application de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que la chambre d'accusation, à qui il appartenait d'apprécier si, en l'espèce, il avait été contrevenu aux dispositions de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention susvisée, a privé sa décision de base légale, et que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bastia, en date du 14 mars 1989, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes.