Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Poitiers, 15 septembre 1986), qu'un mot d'ordre de grève nationale avait été lancé par le syndicat CGT pour le 24 octobre 1985 ; que la société AE France, déclarant que ce mouvement risquait d'affecter la distribution d'électricité dont son usine de Chasseneuil a besoin pour la fabrication d'alliages, a décidé, par note du 21 octobre 1985, que l'usine serait fermée le 24 octobre 1985 et que les salariés qui le désireraient pourraient récupérer ultérieurement les heures perdues ;
Attendu que la société AE France fait grief au conseil de prud'hommes d'avoir fait droit à l'action exercée par certains salariés en la condamnant à leur payer le salaire correspondant à la journée du 24 octobre 1985 ainsi que des dommages-intérêts, alors que, selon le moyen, d'une part, il appartient à l'employeur, dans l'exercice de son pouvoir normal d'organisation de l'entreprise, d'apprécier l'opportunité d'une modification d'horaire ou d'une fermeture totale ou partielle dans le souci légitime de parer aux conséquences d'une grève d'EDF, sans avoir à justifier d'un cas de force majeure, dès lors que cette décision assortie de la faculté offerte aux personnes de récupérer les heures perdues n'entraîne aucune perte de salaire et ne porte donc pas atteinte à la liberté du travail ; qu'en l'espèce, la décision prise par la direction d'AE France, après consultation du comité d'établissement et information de la direction départementale du travail et de l'emploi, de fermer l'entreprise le 24 octobre 1985, en prévision de la grève d'EDF, et d'offrir au personnel la possibilité de récupérer les heures perdues sans sanction en cas de non-récupération, ne pouvait constituer ni un lock-out -les salariés souhaitant récupérer ne subissant aucune perte de salaire- ni une atteinte au droit de grève -les salariés refusant la récupération n'étant pas sanctionnés-, et qu'en substituant son appréciation à celle de l'employeur pour lui imputer à faute " des prévisions abusivement pessimistes " et accorder aux salariés des dommages-intérêts, le conseil de prud'hommes a violé l'article 1134 du Code civil ; alors que, d'autre part, la perte de salaire subie par les salariés résultant non de la fermeture de l'usine le 24 octobre 1985, mais de leur refus de récupérer les heures perdues, le conseil ne pouvait, sans violer les articles 1134 et 1147 du Code civil, leur accorder réparation de ce préjudice, dont la cause n'était pas imputable à l'employeur ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la société AE France avait été avertie d'un mouvement de grève nationale, que certains des syndicats représentés au sein de l'entreprise avaient appelé à la grève et qu'enfin, aucun cas de force majeure n'était établi, le conseil de prud'hommes a exactement décidé que la direction, en fermant l'entreprise, avait privé les salariés, qui souhaitaient suivre le mot d'ordre national, d'un droit constitutionnellement reconnu ;
Attendu, d'autre part, que l'entreprise ayant été abusivement fermée le 24 octobre 1985, les salariés -qui pouvaient refuser la récupération- avaient droit au paiement de leur salaire pour cette journée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi