Sur le moyen tiré de l'amnistie qui est préalable :
Vu l'article 15 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ;
Attendu que, selon ce texte, sont amnistiés, dans les conditions fixées à l'article 14, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ;
Attendu que MM. X... Y... Z... et W..., employés de la compagnie IBM France, se sont vu infliger le 8 décembre 1983 un avertissement pour avoir refusé de travailler le samedi 26 novembre 1983, alors que les heures supplémentaires avaient été décidées après consultation du comité d'établissement et information de l'inspecteur du Travail ;
Attendu que ces faits sont amnistiés en application du texte susvisé, ainsi que le reconnaît la compagnie IBM France ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE l'amnistie des faits ;
Sur la recevabilité du pourvoi de la compagnie IBM France :
Attendu que les salariés ayant demandé l'annulation de la sanction et des dommages-intérêts, l'arrêt confirmatif attaqué a fait droit à leur demande ;
Attendu que si le pourvoi formé contre cet arrêt est devenu en raison de l'amnistie sans objet en ce qui concerne la sanction elle-même, la compagnie IBM France demeure recevable à critiquer l'arrêt attaqué en tant qu'il l'a condamnée à payer des dommages-intérêts aux salariés ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que pour condamner la société IBM France à payer à quatre salariés des dommages-intérêts et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a énoncé que ces salariés avaient été illégalement sanctionnés pour avoir fait grève le samedi 26 novembre 1983 afin de protester contre la décision de leur employeur de leur imposer pendant cette journée des heures supplémentaires ;
Attendu cependant que le droit pour les salariés de recourir à la grève ne les autorise pas, sous son couvert, à exécuter leur travail dans les conditions qu'ils revendiquent et autres que celles prévues par leur contrat ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société IBM France ayant décidé, pour faire face à un retard de production et après information du comité d'entreprise, de faire effectuer des heures supplémentaires par les salariés de l'usine de Corbeil-Essonnes trois samedis de suite, à compter du samedi 26 novembre 1983, les syndicats CGT et CFDT ont déposé le 25 novembre 1983 un préavis de grève pour le lendemain et que 18 salariés ont répondu à ce mot d'ordre en s'abstenant de tout travail le samedi 26 novembre ; qu'en décidant que cet arrêt de travail constituait une grève, qui ne pouvait être sanctionnée, alors que les salariés s'étaient eux-mêmes dispensés d'exécuter les heures supplémentaires qui leur étaient demandées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société IBM France à payer 1 000 francs à titre de dommages-intérêts et 1 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à chacun des défendeurs au pourvoi, l'arrêt rendu le 10 mai 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens