CASSATION sur le pourvoi formée par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 23 février 1989, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d'infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger, a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 mai 1989, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 81, 151, 591 et 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la nullité du procès-verbal des Douanes en date du 5 août 1985, portant retranscription d'une conversation téléphonique enregistrée et mise sous scellés de la cassette ;
" aux motifs que rien ne permet de retenir que l'enregistrement a été effectué par Y... à l'instigation des enquêteurs du service des Douanes ; que l'enregistrement pratiqué n'ayant été réalisé ni par les agents des Douanes, ni à leur instigation, la cassette mise sous scellés ne constitue qu'une pièce à conviction pouvant être discutée par les parties ; que, n'émanant ni directement ni indirectement de l'une des autorités chargées de l'action publique et de l'instruction, l'enregistrement pratiqué n'est pas en lui-même un acte de l'information, seul acte de procédure susceptible d'être annulé en application de l'article 172 du Code de procédure pénale ; qu'au demeurant la communication enregistrée ayant apparemment revêtu un caractère purement professionnel, il resterait à démontrer que Y... lui-même a porté atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui ;
" alors, d'une part, que les écoutes téléphoniques ne peuvent être ordonnées que par un juge d'instruction, par voie de commission rogatoire et seulement sur présomption d'une infraction ayant entraîné l'ouverture d'une information dont le juge est saisi ; qu'en l'espèce l'enregistrement litigieux ayant été effectué alors qu'aucune information n'était ouverte et en l'absence de toute commission rogatoire du juge d'instruction, ni la cassette le supportant, ni la retranscription de la conversation illégalement enregistrée ne pouvait, fût-ce comme pièces à conviction, être régulièrement versées au dossier ;
" alors, d'autre part, que, en l'absence de toute précision dans le procès-verbal du 5 août 1985, sur les conditions dans lesquelles les agents des Douanes sont entrés en possession de cet enregistrement, le procédé est manifestement déloyal et compromet l'exercice des droits de la défense ;
" et alors, enfin, qu'il importe peu que la conversation enregistrée ait eu un caractère purement professionnel dès lors qu'elle ne s'est pas déroulée dans un lieu public et qu'elle n'était pas destinée à être publiée, et que les conditions de la légalité des écoutes téléphoniques sont les mêmes quelle que soit la teneur des conversations enregistrées " ;
Vu les articles précités, ensemble les articles 342 et 451 du Code des Douanes ;
Attendu que, si selon les dispositions combinées des articles 342 et 451 du Code des douanes, tous délits en matière douanière ou cambiaire peuvent être prouvés par toutes les voies de droit, c'est à la condition que les moyens de preuve produits devant le juge pénal ne procèdent pas d'une méconnaissance des règles de procédure et n'aient pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des poursuites ont été engagées contre Bernard X..., pour exportation sans déclaration de capitaux et détention irrégulière d'avoirs à l'étranger, au vu notamment d'un procès-verbal des agents des Douanes, en date du 5 août 1985, portant transcription de l'enregistrement, sur bande magnétique, d'une conversation téléphonique entre le susnommé et Michel Y..., et constatant que la remise de cet enregistrement a été faite d'une manière anonyme ;
Attendu que pour déclarer n'y avoir lieu à annulation dudit procès-verbal, la chambre d'accusation, après avoir relevé, sans égard à la mention portée sur cet acte, que l'enregistrement avait été remis par Michel Y..., lequel l'aurait réalisé à la suite de son audition par les agents des Douanes qui lui auraient demandé une preuve des transferts de fonds effectués pour le compte de Bernard X..., énonce que la cassette mise sous scellé ne constitue qu'une pièce à conviction et que la transcription de son contenu dans un procès-verbal n'est que la matérialisation nécessaire à sa consultation ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les conditions exactes de la réalisation et de la remise de l'enregistrement litigieux demeurent imprécises, la chambre d'accusation n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la procédure suivie par les agents des Douanes au regard des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 23 février 1989,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Besançon.