CASSATION sur les pourvois formés par :
1°) X... Josette, épouse Y...,
2°) Y... Bruno,
parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers, en date du 8 novembre 1988 qui, dans une procédure suivie contre X des chefs de malversation et complicité, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la chambre criminelle en date du 10 décembre 1986 portant désignation de juridiction en application de l'article 681 du Code de procédure pénale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Bruno Y... et pris de la violation des articles 196, 197 et 207 de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement judiciaire et la liquidation des biens, modifiée par la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985, 591 et 592 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'abrogation des articles 95 et 146 de la loi du 13 juillet 1967 par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement judiciaire, a déclaré ne pas avoir lieu à suivre contre personnes dénommées des chefs de malversations et complicité de ce délit ;
" aux motifs, d'une part, que les articles 196 et 197 de la loi du 25 janvier 1985, entrée en vigueur le 1er janvier 1986, contiennent une nouvelle définition de la banqueroute applicable aux personnes physiques ou morales, objet de procédures de redressements judiciaires, ce qui ne concerne pas les syndics et les magistrats consulaires ;
" aux motifs, d'autre part, que le délit de malversation réapparu lors de l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1985 donne une nouvelle définition de cette incrimination, mais qu'en matière pénale une loi nouvelle ne peut être applicable à des procédures ouvertes ou à des faits commis avant son entrée en vigueur ;
" alors, d'une part, que les articles 196 et 197 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement judiciaire et à la liquidation des biens concernent seulement les délits de banqueroute prévus au chapitre I de la loi précitée, de sorte que les faits de malversation, objet de la plainte de la partie civile, ne sont pas soumis à leurs exigences ;
" alors, d'autre part, qu'en l'absence de disposition contraire expresse, la loi nouvelle qui, après avoir abrogé une incrimination, détermine différemment les éléments constitutifs de l'infraction, s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur si ses dispositions ne sont pas plus sévères ; qu'ainsi, si la loi du 25 janvier 1985 a, par son article 238, abrogé les articles 95 et 146 de la loi du 13 juillet 1967 incriminant le délit de malversation à compter du 1er janvier 1986, la loi du 30 décembre 1985 a rétabli l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 qui réprime depuis le 1er janvier 1986 tout fait de malversation commis par les administrateurs, les liquidateurs et tout représentant des créanciers ; que, dès lors, en déclarant que la nouvelle définition du délit de malversation ne peut s'appliquer à des faits commis avant son entrée en vigueur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Et sur le même moyen relevé d'office en faveur de Josette X..., épouse Y... ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 94 de la loi du 30 décembre 1985 et l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que le principe de la légalité des délits et des peines ne met pas obstacle à ce qu'une loi nouvelle, en ses dispositions équivalentes ou favorables, s'applique à des faits déjà incriminés par la loi ancienne sous l'empire de laquelle ils ont été commis ;
Attendu que la chambre d'accusation, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs de malversation et complicité, se borne à énoncer que l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985 ayant abrogé à compter du 1er janvier 1986 l'ancien article 146 de la loi du 13 juillet 1967 qui prévoyait et punissait le délit de malversation, il ne saurait être fait application de l'article 85 de la loi du 30 décembre 1985 lequel a ajouté à la précédente loi un article 207 ayant donné une définition différente des éléments constitutifs du nouveau délit de malversation, cette loi du 30 décembre 1985 et son article 85 étant inapplicables à des faits commis, comme en l'espèce, avant son entrée en vigueur ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi sans analyser les faits objet de la poursuite au regard des deux incriminations successives et alors que l'article 94 de la loi du 30 décembre 1985 énonce expressément que l'article 85 sera applicable à compter du 1er janvier 1986, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus rappelé ;
Que dès lors l'arrêt attaqué encourt la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers du 8 novembre 1988,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse.