REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
- la Confédération nationale des syndicats dentaires, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 31 janvier 1985, qui, pour diffamation publique envers des particuliers, les a condamnés à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu que Z... et le syndicat des chirurgiens-dentistes de Paris ont, par exploit du 12 décembre 1983, fait citer devant le tribunal correctionnel X..., directeur de la publication de l'hebdomadaire Le Chirurgien-Dentiste de France, édité par la Confédération nationale des syndicats dentaires, et Y... sous la prévention de diffamation publique envers particuliers à raison de la publication, dans le numéro 216 de ce périodique, d'un article intitulé " Chicago-sur-Seine " signé du conseil d'administration du SDCDP (syndicat départemental des chirurgiens-dentistes de Paris) dont Y... est le président ; que cette confédération a également été citée comme civilement responsable ;
Que les parties civiles exposaient que l'article incriminé relatait de façon mensongère une démarche syndicale effectuée par Z..., en sa qualité de président du syndicat poursuivant, auprès de Y... et comportait les passages qualifiés diffamatoires suivants :
" Z... à la tête de son commando... a envahi le local professionnel du docteur Y... ". " Tout cela en présence de patients mettant un terme brutal aux soins en cours... ". " Durant une demi-heure une trentaine d'individus investissant toutes les pièces... ". " Il fut gratifié (docteur Y...) d'injures et de sarcasmes allant de vendu à marxiste-léniniste ". " Ils ont cherché à le faire photographier avec une camisole frappée de l'emblème marteau-faucille... ". " De tels procédés relèvent-ils de chirurgiens-dentistes ou de gangsters ? " ;
Attendu que le tribunal correctionnel, tout en constatant que les prévenus n'avaient pas rapporté la preuve de la vérité des imputations diffamatoires qu'ils avaient offerte en application des articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, les a relaxés au bénéfice de la bonne foi en considérant qu'ils n'avaient pas dépassé les limites admises en matière de polémiques syndicales ;
Que, sur appel des seules parties civiles, la cour d'appel, infirmant le jugement entrepris, a, par l'arrêt attaqué, jugé que la bonne foi n'était pas établie, que la diffamation publique envers les parties civiles était constituée et a condamné X..., Y... ainsi que la Confédération nationale des syndicats médicaux à des réparations civiles ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 29 et suivants, 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... et Y... coupables de diffamation et déclaré la Confédération nationale des syndicats dentaires civilement responsable ;
" aux motifs adoptés des premiers juges que " l'offre de preuve est en premier lieu constituée de coupures de presse qui ne sauraient en aucun cas établir la preuve de la vérité. Les prévenus produisent ensuite une plainte déposée par le docteur Y..., un procès-verbal d'interrogatoire du docteur Z..., par les services de police du 21 juillet 1983 et un courrier adressé à l'Ordre des chirurgiens-dentistes le 13 octobre 1983. Ces pièces n'ont aucune valeur probante. Enfin, si les témoins entendus ont confirmé que le docteur Z..., en tête d'une délégation et après avoir convié les journalistes, s'était présenté au cabinet du docteur Y... afin d'obtenir que ce dernier dénonce l'engagement qu'il avait pris vis-à-vis des pouvoirs publics, ils n'ont absolument pas été formels en ce qui concerne " l'envahissement, par la force, du cabinet du docteur Y..., la présence de clients, l'existence d'une camisole frappée à l'emblème marteau-faucille que le docteur Y... aurait été contraint de passer pour être photographié dans cette tenue. Les prévenus ont échoué dans leur offre de preuve qui se trouve incomplète " ;
" et aux motifs propres que " la preuve de la véracité des faits qualifiés de diffamatoires par les parties civiles n'ayant pas été rapportée par les prévenus au cours des débats contradictoires devant le Tribunal, la Cour ne peut que constater le caractère mensonger de la relation qui en est faite dans l'article de presse incriminé et sa présentation outrancière " ;
" alors, d'une part, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que tout accusé a droit notamment à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à interroger et faire interroger des témoins ; que ces dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ont une autorité supérieure à celles de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 qui sont incompatibles avec les principes ci-dessus ; qu'en limitant l'examen des preuves offertes à l'origine de la poursuite avant l'audience de jugement, cependant que les prévenus faisaient valoir qu'à la suite de leur plainte pour violation de domicile, une information avait été ouverte et faisaient état des procès-verbaux de police qui ont été dressés à la date du jugement ou postérieurement à celui-ci, la cour d'appel a méconnu le droit de toute partie à un procès équitable et le droit de tout accusé à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ainsi qu'au droit de faire interroger des témoins ;
" alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, lorsque les faits imputés sont l'objet de poursuites ou d'une plainte du prévenu, il sera sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation ; qu'en l'espèce, le docteur Y... avait, le 14 mai 1984, déposé une plainte avec constitution de partie civile pour violation de domicile ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'issue de l'information ouverte sur cette plainte, qui s'était déroulée notamment au cours du délibéré des premiers juges et au cours de l'instance d'appel, était susceptible d'avoir une influence sur la poursuite de la diffamation, la cour d'appel a méconnu son office et privé sa décision de base légale " ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 que le sursis à statuer n'est obligatoire pour la juridiction saisie d'une poursuite en diffamation, dans le cas où le fait imputé est l'objet d'autres poursuites commencées à la requête du ministère public ou d'une plainte de la part du prévenu, que lorsque la preuve de la vérité du fait diffamatoire n'est pas autorisée ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que si les prévenus ont, dans leurs conclusions soumises à la cour d'appel, fait état d'une information en cours sur la plainte de Y..., ils n'ont nullement sollicité qu'il soit sursis à statuer dans un but de bonne administration de la justice ; qu'ainsi il ne saurait valablement être fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas s'être prononcé sur ce point ;
Attendu, d'autre part, que si toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, les juges n'ont pas méconnu cette règle non plus que les autres prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant application des dispositions de la loi sur la liberté de la presse laquelle soumet l'exercice de cette liberté à des restrictions constituant des mesures nécessaires à la protection de la réputation et des droits d'autrui au sens de l'article 10 de la même Convention ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
REJETTE le pourvoi.