REJET du pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre des appels correctionnels, en date du 24 juin 1987 qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, l'a condamné à 10 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 412-9, L. 412-10 à L. 412-20, L. 481-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'exposant coupable de délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
" aux motifs que, le 28 octobre 1985, le secrétaire de la section syndicale CGT de l'usine Rank Xerox adressait une invitation à M. Y..., secrétaire de l'Union syndicale des travailleurs de la métallurgie, en vue de le faire assister à une réunion de la section syndicale organisée dans le local syndical de l'usine, le 5 novembre 1985, à 9 heures ; que, le 5 novembre 1985, la direction de l'usine refusait de laisser entrer M. Y... ; qu'en vain le demandeur soutient que l'assistance aux réunions de la section syndicale, en utilisant le crédit d'heures de délégation, ne serait autorisée que pour le délégué syndical et le représentant syndical près le comité d'entreprise ; qu'en effet l'alinéa 4 de l'article L. 412-10 du Code du travail, dans sa rédaction de la loi du 9 juillet 1984, vise les représentants du personnel et ne limite nullement la nouvelle disposition à certains d'entre eux ; qu'encore, en vain, le demandeur prétend que cette interprétation du texte violerait l'ensemble des dispositions législatives définissant les fonctions de représentants du personnel ; qu'aucune de ces dispositions n'interdit, en effet, aux délégués du personnel et aux membres élus du comité d'entreprise d'assister aux réunions prévues par l'article L. 420-10 du Code du travail ; qu'en termes généraux les articles L. 424-3, en ce qui concerne les délégués du personnel, et L. 434-1 en ce qui concerne les membres élus du comité d'entreprise, disposent que, pour l'exercice de leurs fonctions, ceux-ci peuvent pendant les heures de délégation et en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de leurs mission ; qu'en outre, s'agissant de l'invitation d'une personnalité syndicale extérieure à participer à une réunion, dans les locaux visés à l'article L. 412-9 du Code du travail, l'accord du chef d'entreprise n'est pas nécessaire ; qu'enfin, si l'employeur estime que les représentants du personnel font un usage de leur crédit d'heures non conforme à leurs attributions, il lui appartient de porter sa contestation devant la juridiction compétente, par application de l'article L. 424-1, alinéa 2, du Code du travail ; qu'un tel désaccord ne pouvait, cependant, justifier le refus opposé le 15 novembre 1985 par le demandeur ;
" alors, d'une part, que l'assistance aux réunions de la section syndicale, en utilisant le crédit d'heures de délégation, ne vise que les représentants du personnel stricto sensu et ne concerne pas tous les adhérents de sections syndicales ; que, dès lors, en étendant, en dehors de son champ d'application, l'article L. 412-10 du Code du travail, la cour d'appel a violé ce texte ;
" alors, d'autre part, que le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical suppose que l'exercice critiqué ait été régulier ; que la réunion irrégulière de la section syndicale ne saurait constituer un délit d'entrave ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait décider que la réunion du 5 novembre 1985, à laquelle M. Y... s'était vu refuser l'accès, et qui n'avait pas été tenue conformément aux prévisions de l'article L. 412-10 du Code du travail, constituait un délit d'entrave ;
" alors, enfin, que le délit d'entrave est une infraction intentionnelle ; d'où il suit que la cour d'appel, qui n'a pas relevé, ni caractérisé l'intention du chef d'entreprise d'entraver sciemment et volontairement l'exercice du droit syndical, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt confirmatif attaqué et du procès-verbal de l'inspection du Travail, base de la poursuite, que le 5 novembre 1985, à 9 heures, X..., directeur du personnel des établissements Rank Xerox à Neuville-en-Ferrain (Nord) a, malgré les démarches effectuées par l'inspection du Travail, refusé l'accès de l'entreprise à une personnalité syndicale extérieure qui avait été invitée, par les représentants du personnel de la section syndicale, à participer à une réunion dans le local syndical ; qu'il a été poursuivi sur le fondement des articles L. 412-10 et L. 481-2 du Code du travail, du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
Attendu que pour dire la prévention établie, les juges du fond énoncent qu'il résulte de l'article L. 412-10 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 1984, que la section syndicale peut, sans l'accord du chef d'entreprise, convier des personnalités syndicales extérieures à assister à des réunions dans les locaux visés à l'article L. 412-9 du même Code ; qu'ils ajoutent que si ces réunions doivent avoir lieu en dehors du temps de travail des participants, l'article L. 412-10 précité indique en revanche que les " représentants du personnel ", au rang desquels il faut compter non seulement les délégués et représentants syndicaux, mais encore les délégués du personnel et les membres élus du comité d'entreprise, peuvent se réunir sur leur temps de délégation ; que les juges énoncent enfin que le chef d'entreprise ne peut refuser, comme le prévenu s'est autorisé à le faire le 5 novembre 1985, l'accès de l'entreprise à une personnalité syndicale invitée par la section dans le local syndical, en invoquant notamment la nécessité d'exercer un contrôle de l'ordre du jour dans le but de s'assurer, à titre préalable, qu'il est fait une utilisation conforme des mandats des représentants du personnel ou de leur crédit d'heures, de telles vérifications n'étant pas prévues par la loi ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ; que c'est sans erreur de droit que les juges du fond ont considéré que la réunion de la section syndicale en cause, qui devait avoir lieu en présence des seuls représentants du personnel, rentrait dans les prévisions de l'article L. 412-10 du Code du travail, et que l'employeur ne pouvait à cette occasion exercer un contrôle préalable sur l'exercice des mandats des représentants du personnel ou l'utilisation des heures de délégation ;
Qu'enfin, les motifs des juges, qui mettent en évidence le caractère volontaire des agissements poursuivis, suffisent à établir l'élément intentionnel du délit retenu à la charge du demandeur ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.