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10/05/1989 | FRANCE | N°87-82658

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mai 1989, 87-82658


CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Claude,
- la société Tuvomon, représentée par son syndic Me Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 1987, qui, pour infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger, a condamné X... Claude à la peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis, et, solidairement avec la société Tuvomon, à des pénalités cambiaires.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémo

ires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de...

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Claude,
- la société Tuvomon, représentée par son syndic Me Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 1987, qui, pour infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger, a condamné X... Claude à la peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis, et, solidairement avec la société Tuvomon, à des pénalités cambiaires.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 406 et 459 du Code des douanes, du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, des circulaires des 21 mai 1981, 24 mars 1982 et 15 avril 1986, de l'arrêté du 15 avril 1986, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt partiellement infirmatif attaqué a déclaré X..., anciennement PDG de la société Tuvomon, coupable des infractions à la réglementation des changes poursuivies à son encontre et a déclaré la société Tuvomon solidairement tenue à l'exécution des condamnations pécuniaires prononcées ;
" aux motifs que s'il résultait effectivement du supplément d'information ordonné que des liens contractuels unissaient la société Tuvomon à Z...et à la CSC, que celui-ci animait, l'exécution des formalités douanières et de cessions de devises relatives aux ventes à l'exportation incombaient à Tuvomon ; que celle-ci et son représentant légal, X..., assumaient l'entière responsabilité des opérations douanières d'exportation et de cessions de devises ; que si Z..., agissant pour le compte de son mandant A... avait pu s'immiscer dans la gestion commerciale de Tuvomon, dont le prévenu, quelque peu dépassé par l'ampleur qu'elle avait prise, n'était plus à même d'assurer pleinement la direction effective, ces faits n'étaient pas de nature à exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale ; que par ailleurs, la remise sans l'intervention d'un mandataire agréé de sommes destinées au mandataire d'un non-résident en France caractérisait la seconde infraction ; que si par circulaire du 15 avril 1986, les exportateurs étaient désormais libérés de toute obligation de cession de devises, l'abrogation d'un texte réglementaire en matière douanière n'affectait pas rétroactivement, sauf précision contraire de la loi abrogative, les infractions qui, comme en l'espèce, étaient l'objet d'une poursuite en cours ;
" alors que d'une part, l'arrêt attaqué, ayant retenu que Z..., agissant pour le compte de son mandant A... avait pu s'immiscer dans la gestion commerciale de la société Tuvomon et que X..., quelque peu dépassé par l'ampleur qu'elle avait prise, n'était plus à même d'en assurer la direction effective, ne pouvait sans contradiction décider que celui-ci avait, en raison de sa seule qualité de dirigeant de droit de ladite société, continué d'assumer l'entière responsabilité des opérations financières constitutives des infractions reprochées ;
" alors que d'autre part, lorsque l'incrimination prévue par la loi sous l'empire de laquelle a été relevée une infraction à la législation des changes, a été supprimée par les nouveaux textes régissant la matière, ladite infraction ne saurait désormais donner lieu à une condamnation pénale ; que la cour d'appel, ayant constaté que les faits poursuivis n'étaient plus constitutifs d'une infraction quelconque au regard de la réglementation nouvelle résultant de la circulaire du 15 avril 1986, qui emportait la suppression pour les exportateurs des obligations antérieures, en matière de cession de devises, n'a pu dès lors, sous le prétexte erroné que la réglementation nouvelle ne comportait aucune disposition rétroactive, entrer en voie de condamnation à l'encontre de X..." ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 399, 404, 406 et 459 du Code des douanes, 1384, alinéa 5, du Code civil, 385, 509 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt partiellement infirmatif attaqué, ayant déclaré Claude X..., anciennement PDG de la société Tuvomon, coupable des infractions à la réglementation des changes poursuivies à son encontre, a déclaré la société Tuvomon solidairement tenue des condamnations pécuniaires prononcées ;
" aux motifs propres qu'il était établi, en l'espèce, que la société Tuvomon trouvait un intérêt financier direct dans la commission des infractions qui furent le fait de son PDG ; que les responsabilités civile et pénale se confondent en matière fiscale et douanière ; qu'il était possible de condamner la société Tuvomon, celle-ci ayant la qualité d'intéressée à la fraude au sens de l'article 399 du Code des douanes et étant représentée par le syndic-liquidateur, solidairement avec son PDG au paiement des amendes fiscales ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que la société Tuvomon, elle-même civilement responsable des agissements de Claude X..., devait répondre de celui-ci en ce qui concernait les pénalités encourues, dès lors que celles-ci avaient également un caractère indemnitaire ;
" alors que, d'une part, la société Tuvomon ne pouvant être considérée comme le commettant de la personne de son président-directeur général, X..., déclaré coupable d'infractions à la législation sur les changes, l'arrêt attaqué a retenu à tort que ladite société était civilement responsable des agissements de celui-ci et était, à ce titre, tenue au paiement des pénalités encourues ;
" alors que, d'autre part, une personne ne peut être déclarée coupable d'intéressement à une fraude douanière commise par des tiers, que s'il est constaté par le juge que le prévenu a eu conscience de coopérer à une opération irrégulière pouvant aboutir à une fraude ; que par suite, l'arrêt attaqué, qui s'est borné à constater que la société Tuvomon aurait éprouvé un intérêt financier direct à l'accomplissement des infractions à la législation des changes imputées à son président-directeur général n'a pas caractérisé la qualité d'intéressée à la fraude de celle-ci, entachant ainsi sa décision d'un défaut de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que pour déclarer Claude X... coupable d'infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger et le condamner solidairement avec la société anonyme Tuvomon à des pénalités cambiaires, les juges relèvent que le susnommé, étant président de la société précitée, qui avait pour objet l'exportation de produits agro-alimentaires, a procédé, hors du délai fixé par les circulaires ministérielles des 21 mai 1981 et 24 mars 1982, à la conversion de devises étrangères en monnaie nationale pour un montant de 26 453 435 francs ; qu'il s'est procuré ainsi, en profitant de la variation du cours du dollar, un bénéfice de change indu de 347 879 francs, et qu'il a effectué irrégulièrement des règlements à un non-résident en remettant directement à son mandataire 843 000 francs en espèces ;
Que les juges observent que, si la circulaire du 15 avril 1986, en abrogeant les dispositions susvisées, a libéré les exportateurs de l'obligation de céder les devises étrangères sur le marché des changes dans un certain délai, l'abrogation de textes réglementaires en matière cambiaire n'affecte pas rétroactivement, sauf précision contraire de la loi, les infractions qui, comme en l'espèce, faisaient déjà l'objet de poursuites ;
Que les juges ajoutent enfin que la société Tuvomon qui trouvait un intérêt financier direct dans la commission des infractions, et qui est représentée à la poursuite par son syndic, doit être déclarée solidaire du prévenu pour le paiement des pénalités fiscales par application de l'article 407 du Code des douanes ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait soumis au débat contradictoire, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, d'une part, lorsqu'une disposition législative, support légal d'une incrimination, demeure en vigueur, l'abrogation de textes réglementaires pris pour son application n'a, dans ce cas, aucun effet rétroactif ; qu'il en est ainsi des décrets, arrêtés et circulaires pris pour l'application de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger, et dont la violation est réprimée par l'article 459 du Code des douanes ;
Que, d'autre part, s'il est vrai qu'au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil une société commerciale ne saurait être déclarée civilement responsable de son représentant légal, coupable d'infractions cambiaires, il n'en demeure pas moins qu'une telle société est tenue solidairement, dans les conditions prévues à l'article 407 du Code des douanes, au paiement des confiscations et amendes prononcées ;
D'où il suit que les moyens réunis ne peuvent qu'être écartés ;
Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles 343 et 451 du Code des douanes ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon les dispositions combinées des articles 343 et 451 du Code des douanes, l'action pour l'application des peines, en répression des infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger, est exercée par le ministère public ; celle pour l'application des sanctions fiscales l'étant, à titre principal, par l'administration des Douanes ;
Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces de procédure que c'est à la seule diligence du Directeur général des Douanes que Claude X... et la société Tuvomon ont été cités devant le tribunal correctionnel, le premier comme prévenu, la seconde comme solidairement responsable, pour voir prononcer à leur encontre les sanctions fiscales prévues à l'article 459 du Code des douanes ;
Que le ministère public n'a pas, de son côté, mis en mouvement l'action publique, par une citation régulière délivrée au prévenu dans les délais légaux ; que Claude X... n'a pas expressément accepté d'être jugé en première instance sur l'action publique dont il n'avait pas à répondre au jour de l'audience ;
Que, dès lors, en prononçant à l'encontre du susnommé une peine d'emprisonnement pour les infractions cambiaires poursuivies sur la seule citation de l'administration des Douanes, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
Que la cassation est encourue de ce chef et doit être limitée aux dispositions pénales de l'arrêt attaqué ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 20 mars 1987, mais seulement par voie de retranchement et sans renvoi en ce qu'il a statué sur l'action publique, toutes autres dispositions demeurant expressément maintenues.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-82658
Date de la décision : 10/05/1989
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation cambiaire - Abrogation - Abrogation d'un texte réglementaire - Portée.

1° CHANGES - Lois et règlements - Abrogation - Texte réglementaire - Portée 1° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Loi du 28 décembre 1966 - Maintien en vigueur - Décret ou arrêté d'application et circulaire - Abrogation - Portée.

1° Lorsqu'une disposition législative, support légal d'une incrimination, demeure en vigueur, l'abrogation de textes réglementaires pris pour son application n'a, dans ce cas, aucun effet rétroactif. Il en est ainsi des décrets, arrêtés et circulaires pris pour l'application de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger et dont la violation est réprimée par l'article 459 du Code des douanes.

2° SOLIDARITE - Domaine d'application - Infractions cambiaires - Infractions commises par un dirigeant de société - Solidarité prévue par l'article 407 du Code des douanes.

2° CHANGES - Peines - Solidarité - Pénalités douanières - Infraction commise par un dirigeant de société - Solidarité prévue par l'article 407 du Code des douanes.

2° S'il est vrai qu'au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, une société commerciale ne saurait être déclarée civilement responsable de son représentant légal, coupable d'infractions cambiaires, il n'en demeure pas moins qu'une telle société est tenue solidairement, dans les conditions prévues à l'article 407 du Code des douanes, au paiement des confiscations et amendes prononcées (2).

3° CHANGES - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Ministère public - Citation - Défaut - Portée.

3° CHANGES - Procédure - Action fiscale - Douanes - Action publique - Mise en mouvement - Ministère public - Citation - Défaut - Portée.

3° Selon les dispositions combinées des articles 343 et 451 du Code des douanes, l'action pour l'application des peines, en répression des infractions à la législation sur les relations financières avec l'étranger, est exercée par le ministère public, celle pour l'application des sanctions fiscales l'étant, à titre principal, par l'administration des Douanes. Encourt la cassation l'arrêt qui a prononcé une peine alors que le ministère public n'avait pas exercé l'action publique. Cette cassation a lieu par voie de retranchement et sans renvoi (3).


Références :

Code civil 1384 al. 5
Code des douanes 343, 451
Code des douanes 407
Code des douanes 459
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (chambre correctionnelle), 20 mars 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1989-01-30 , Bulletin criminel 1989, n° 33, p. 97 (rejet et cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1982-06-14 , Bulletin criminel 1982, n° 157, p. 437 (rejet et cassation partielle). CONFER : (3°). (3) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1988-04-18 , Bulletin criminel 1988, n° 162, p. 415 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mai. 1989, pourvoi n°87-82658, Bull. crim. criminel 1989 N° 187 p. 479
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 187 p. 479

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Gondre
Avocat(s) : Avocats :la SCP Le Bret et de Lanouvelle, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.82658
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