Sur le premier moyen :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 3 mars 1986) et les pièces de la procédure, que M. X... a été engagé le 19 octobre 1973, en qualité de " professionnel d'entretien ", par la société Arjomari-Prioux ; que son contrat de travail stipulait qu'il travaillerait une semaine de quarante heures et une semaine de quarante-huit heures ; qu'après son service national, il a été réintégré dans l'entreprise à son ancien poste et il lui a été précisé dans une lettre du 27 février 1976 qu'il travaillerait de jour, suivant un horaire défini par son chef de service, et que toutes les autres conditions mentionnées dans le contrat d'embauche du 19 octobre 1976 restaient inchangées ; qu'il a sollicité et obtenu un congé sabbatique du 1er juin au 1er décembre 1984 ; que, le 26 novembre 1984, son employeur lui a écrit pour lui indiquer son affectation à son retour de ce congé et pour lui faire connaître que son contrat de travail serait modifié, notamment en ce qui concernait son nouvel horaire de travail qui serait désormais de trente-deux heures par semaine du vendredi au lundi compris ; qu'il lui était en outre indiqué dans cete lettre que les jours fériés qui tomberaient pendant les quatre jours où il était employé seraient obligatoirement travaillés, que seul le 1er mai, lorsqu'il tomberait pendant cette période, donnerait lieu à indemnisation et, enfin, que les jours fériés tombant un mardi, mercredi ou jeudi pourraient être travaillés à titre exceptionnel, en plus de son horaire normal ; qu'ayant, par lettre du 30 novembre 1984, fait connaître à son employeur qu'il n'acceptait pas les modifications ainsi apportées à son contrat de travail M. X... a été licencié par lettre du 12 décembre 1984 ; qu'il a alors saisi le conseil de prud'hommes qui lui a alloué une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et une autre somme à titre de dommages-intérêts " en réparation du préjudice distinct qui lui avait été causé " ; que la cour d'appel a confirmé ces deux condamnations en précisant toutefois, dans les motifs de sa décision, que la première d'entre elles était prononcée, non pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais sur le fondement de l'article L. 122-32-26 du Code du travail ;
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d'une part, la suspension du contrat de travail pendant la durée du congé sabbatique du salarié implique seulement que ce dernier demeure dans l'entreprise et n'impose nullement le maintien des conditions de travail pendant la durée de ce congé qui peut atteindre onze mois ; que le droit du salarié de retrouver, à l'issue du congé, son précédent emploi ou un emploi similaire implique, au contraire, que le salarié est tenu par les conditions de travail qui ont pu être modifiées dans l'entreprise pendant la durée de son congé ; qu'il résulte des énonciations du jugement et de l'arrêt confirmatif que, à l'issue du congé sabbatique, M. X... a été affecté dans un emploi similaire à celui qu'il occupait antérieurement, qu'il demeurait professionnel d'entretien P3 et que son activité n'était pas substantiellement modifiée ; que le changement d'équipe et d'horaire de travail
n'empêche pas que l'emploi soit similaire au sens de l'article L. 122-32-21 du Code du travail, d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 122-32-17 et L. 122-32-21 du Code du travail ; et alors que, d'autre part, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties qui les ont faites ; qu'il résulte des énonciations du jugement et de l'arrêt que le contrat de travail du 19 octobre 1973, modifié lors de la réintégration du salarié à son retour du service militaire le 27 janvier 1976, prévoyait expressément la possibilité de changement d'équipe et la définition de l'horaire de travail par le chef de service, pourvu qu'il s'agisse d'un travail de jour ; qu'il en résulte que l'horaire de travail n'était pas un élément essentiel du contrat ; qu'en considérant qu'en modifiant cet horaire, l'employeur aurait apporté une modification substantielle au contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé les lettres d'embauche et de réintégration susvisées et violé les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait proposé au salarié qu'un emploi à temps partiel et que les conditions de travail de l'intéressé avaient été substantiellement modifiées ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu en déduire que la société n'avait pas proposé à M. X... un emploi similaire à celui qu'il avait avant son départ en congé sabbatique au sens de l'article L. 122-32-21 du Code du travail ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est en outre fait grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, que, d'une part, le salarié qui refuse la modification de son contrat de travail lors de la reprise du travail à l'issue d'un congé sabbatique, ne saurait être placé dans une situation plus favorable que le salarié qui, n'ayant pas cessé de travailler dans l'entreprise, refuserait également une semblable modification de son contrat ; que, pour allouer une indemnité ou des dommages-intérêts au salarié, licencié à l'issue du congé sabbatique pour avoir refusé la modification de ses conditions d'emploi, les juges du fond doivent rechercher, conformément au droit commun, si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en refusant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-32-26 du Code du travail ; et alors que, d'autre part, celui qui demande l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en se fondant sur la seule déclaration du salarié selon laquelle il n'aurait pas retrouvé d'emploi, sans constater l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L. 122-32-26 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions des articles L. 122-32-21 et L. 122-32-26 du Code du travail que le seul fait pour l'employeur de ne pas respecter les dispositions du premier de ces textes en ne réintégrant pas son salarié dans l'emploi qu'il avait avant son départ en congé sabbatique ou en ne lui proposant pas un emploi similaire, donne lieu à l'attribution de dommages-intérêts audit salarié ;
Attendu, d'autre part, que les juges du fond ont, dans les limites des demandes en paiement formées par M. X..., souverainement apprécié l'existence et l'étendue des préjudices occasionnés à ce salarié par la perte de son emploi et par le comportement de son employeur à son égard ;
Qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé en sa première branche et ne peut être accueilli en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi