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13/03/1989 | FRANCE | N°86-93846

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mars 1989, 86-93846


REJET des pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 1986, qui les a condamnés l'un et l'autre à 10 000 francs d'amende pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes et a alloué des dommages-intérêts et des réparations à la Ligue des droits de l'homme et au Mouvement contre le racisme et pour l'unité entre les peuples, parties civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnels régu

lièrement produits et le mémoire en défense ;
Sur les moyens de cassation propos...

REJET des pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 1986, qui les a condamnés l'un et l'autre à 10 000 francs d'amende pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes et a alloué des dommages-intérêts et des réparations à la Ligue des droits de l'homme et au Mouvement contre le racisme et pour l'unité entre les peuples, parties civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnels régulièrement produits et le mémoire en défense ;
Sur les moyens de cassation proposés et pris de la violation des articles 6, 6-3 a et d, 9, 10 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Y..., comme auteur des écrits, et X..., en sa qualité de directeur de publication de la revue mensuelle " Nouvelle Voix d'Alsace-Lorraine ", ont été cités devant le tribunal correctionnel pour avoir, à l'occasion de deux articles rédigés en langue allemande, parus en juin 1985 et mis en vente notamment à Strasbourg, provoqué à la discrimination, à la haine et à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu'ils ont été déclarés coupables de ce délit ;
Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer, à l'analyse des articles de presse incriminés, telle qu'elle résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des citations ayant saisi les juges, que la cour d'appel a caractérisé l'ensemble des éléments constitutifs du délit prévu et puni par l'article 24, alinéa 5, de la loi modifiée du 29 juillet 1881 dont les deux prévenus avaient à répondre et ont été dits coupables ;
Que les juges n'ont en rien méconnu les articles 6-3 a et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en exigeant que les débats se déroulent à sa barre en langue française, les deux prévenus ayant cette nationalité et étant d'ailleurs, à leur demande, assistés d'un interprète, alors que l'un et l'autre au cours des audiences se sont, selon les constatations de l'arrêt, exprimés aisément dans la langue nationale dont ils prétendaient pourtant ne pas être capables de mesurer et d'apprécier les nuances ;
Qu'ils n'ont pas, non plus, ignoré l'article 6, paragraphe 3- d, de la même Convention, en s'estimant suffisamment éclairé par les écrits des prévenus et leurs explications orales ;
Qu'enfin, l'affirmation des demandeurs au pourvoi selon laquelle l'article 24, alinéa 5, de la loi modifiée du 29 juillet 1881, constituerait en lui-même une violation de la liberté de pensée et d'expression protégée par les articles 9 et 10, point 1, de ladite Convention, se heurte à la limite instaurée par le point 2 de ces mêmes articles, lesquels valident les restrictions prévues par la loi lorsque, " dans une société démocratique, elles constituent, comme en l'espèce, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la morale et des droits et libertés d'autrui " ;
Que, dès lors, les moyens proposés ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-93846
Date de la décision : 13/03/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Juridictions correctionnelles - Débats - Droit de l'accusé à être informé dans une langue qu'il comprend de la nature et de la cause de la prévention - Débats en langue française - Prévenu de nationalité française assisté d'un interprète.

1° INTERPRETE - Assistance - Débats - Débats en langue française - Prévenu de nationalité française - Convention européenne des droits de l'homme - Droit de l'accusé d'être informé dans une langue qu'il comprend de la nature et de la cause de l'accusation.

1° Voir le sommaire suivant.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Discrimination fondée sur la langue - Juridictions correctionnelles - Débats - Prévenu - Assistance d'un interprète.

2° INTERPRETE - Assistance - Débats - Débats en langue française - Prévenu de nationalité française - Convention européenne des droits de l'homme - Interdiction de toute discrimination fondée sur la langue.

2° Ne méconnaît pas les dispositions des articles 6.3 a et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme l'arrêt qui constate que les débats se sont déroulés en langue française et que les prévenus, bien que possédant cette nationalité, mais se disant incapable de mesurer et d'apprécier les nuances de leur langue nationale, étaient assistés d'un interprète

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Juridictions correctionnelles - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - Poursuites exercées sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse - Portée.

3° PRESSE - Procédure - Juridictions correctionnelles - Débats - Témoins - Témoin non cité - Audition - Refus - Convention européenne des droits de l'homme - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins.

3° S'agissant de poursuites exercées pour infraction à la loi du 29 juillet 1881, à raison de la publication d'un article de presse, les juges peuvent s'estimer suffisamment éclairés par les écrits des prévenus et leurs explications orales et refuser d'entendre des témoins, présents à l'audience, mais non cités, sans méconnaître non plus les dispositions de l'article 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

4° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 9 - Liberté de pensée - de conscience et de religion - Restrictions de l'article 9 - 2 - Presse - Provocation à la discrimination - à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie - une nation - une race ou une religion déterminée - Compatibilité.

4° PRESSE - Provocation à la discrimination - à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie - une nation - une race ou une religion déterminée - Convention européenne des droits de l'homme (article 9) - Liberté de pensée - de conscience et de religion - Restrictions de l'article 9 - paragraphe 2.

4° Voir le sommaire suivant.

5° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - Liberté d'expression - Restrictions de l'article 10 - paragraphe 2 - Presse - Provocation à la discrimination - à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie - une nation - une race ou une religion déterminée - Compatibilité.

5° PRESSE - Provocation à la discrimination - à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie - une nation - une race ou une religion déterminée - Convention européenne des droits de l'homme (article 10) - Liberté d'expression - Restrictions de l'article 10 - paragraphe 2.

5° L'article 24, alinéa 5, de la loi modifiée du 29 juillet 1881 ne saurait constituer une violation des libertés de pensée et d'expression, protégées par les articles 9.1 et 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ces derniers textes, en leur point 2, validant les restrictions prévues par la loi et qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la protection de l'ordre, de la morale ou des droits et libertés d'autrui


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 24 al. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 30 juin 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mar. 1989, pourvoi n°86-93846, Bull. crim. criminel 1989 N° 118 p. 310
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 118 p. 310

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Tacchella
Avocat(s) : Avocat :M. Ryziger

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:86.93846
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