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16/02/1989 | FRANCE | N°86-41104

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 1989, 86-41104


Attendu que M. X..., au service de la société Santerre automobiles depuis 1971 en qualité de vendeur de voitures, a donné sa démission par lettre du 3 février 1984 ; que le 21 février 1984, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à laquelle le conseil de prud'hommes a fait droit ; que la société Santerre automobiles a interjeté appel du jugement ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu

qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la rupture du contr...

Attendu que M. X..., au service de la société Santerre automobiles depuis 1971 en qualité de vendeur de voitures, a donné sa démission par lettre du 3 février 1984 ; que le 21 février 1984, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à laquelle le conseil de prud'hommes a fait droit ; que la société Santerre automobiles a interjeté appel du jugement ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et qu'elle avait un caractère abusif, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en droit, selon l'article 9 du nouveau Code de procédure civile, " il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention ", et selon l'article 455, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, les jugements doivent être motivés et que donc, en l'espèce, la réalité de la démission étant constante, il appartenait au salarié qui prétendait avoir été acculé à cette démission par des mesures vexatoires, d'apporter la preuve par tous moyens de ces dernières pour pouvoir prospérer en ses prétentions, sans que l'employeur, de son côté, ne se trouve dans l'obligation " d'expliquer " et de " justifier " les allégations du salarié ; qu'ainsi, la cour d'appel, sans nullement rechercher si le salarié rapportait la preuve de ses affirmations, sans non plus s'interroger comme l'invitait à le faire la société Santerre automobiles, ni sur les demandes du salarié à son employeur tendant à être dispensé et du préavis, et de la clause de non-concurrence, ni sur le fait que M. X... ait, dès la fin du contrat de travail, aussitôt exercé un emploi chez un concurrent péronnais, et, en inversant comme elle l'a fait, la charge de la preuve, la cour d'appel a, nécessairement, violé les dispositions des articles 9 et 455, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en droit, selon l'article L. 122-14-3 du Code du travail, il incombe nécessairement au juge de vérifier et d'apprécier l'existence et le caractère réel et sérieux des allégations de l'employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, sans au demeurant faire peser la charge de la preuve de ces motifs réels et sérieux sur le seul employeur ; qu'en l'espèce, le salarié se contentait d'affirmations gratuites contraires, sans fournir la preuve, ni le moindre commencement de preuve de ces dernières, qu'il n'avait pas du tout contesté les avertissements à lui infligés versés au dossier et même plus encore, que la cour d'appel n'a pas eu le moindre égard pour les allégations de l'employeur, notamment l'avertissement du 21 mars 1983, totalement resté sous silence, non contesté par ailleurs par le salarié, et en tout cas justifié par les pièces versées aux débats par l'employeur ; que ce faisant, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122-14-3 du Code du travail et 455, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a estimé, par une appréciation souveraine de l'ensemble des circonstances de la cause et éléments de preuve versés aux débats, que la société avait conduit volontairement le salarié à démissionner en prenant à son encontre, sans motif légitime, des mesures purement vexatoires, créant ainsi un climat de travail qui ne permettait pas la poursuite du contrat ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, d'une part, a exactement décidé que l'employeur s'était rendu responsable de la rupture, d'autre part, n'a fait, par une décision motivée, qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail en décidant que cette rupture ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen en ce qu'il est relatif à la condamnation au paiement de l'indemnité de licenciement :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel de la société Santerre concernant la condamnation prononcée contre elle au paiement de l'indemnité de licenciement alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article R. 516-37 du Code du travail : " sont de droit exécutoires à titre provisoire : .. les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 516-18 dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.. " et, selon l'article 410, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile : " l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement hors les cas où celui-ci n'est pas permis ", qu'en l'espèce, la société Santerre automobiles n'a réglé que sur demande expresse du conseil du salarié et sous menaces précises par ce dernier d'exécuter les condamnations exécutoires par application de l'article R. 516-37 du Code du travail précité ; qu'ainsi, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article R. 516-37 du Code du travail qui faisait obligation à la société anonyme Santerre automobiles de régler ces sommes exécutoires, nonobstant l'appel général interjeté par elle, et violé celles de l'article 410, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, dès lors qu'il est définitivement jugé que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse, il en résulte que l'indemnité de licenciement était due au salarié ;

D'où il suit que la société, qui n'a contesté devant la cour d'appel que le principe du droit à l'indemnité de licenciement et non pas le montant de cette indemnité, n'est pas fondée à critiquer l'arrêt de ce chef ;

Mais sur le premier moyen, en ce qu'il est relatif à la condamnation au paiement d'un rappel de salaires :

Vu les articles R. 516-37 du Code du travail et 410 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, sont de droit exécutoires à titre provisoire les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 516-18 du Code du travail dans la limite maximum de neuf mois de salaire ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel de l'employeur en ce qui concerne la condamnation au paiement d'un rappel de salaire, l'arrêt attaqué se borne à relever que cette somme a été payée, bien que l'exécution provisoire n'ait pas été ordonnée et que la société Santerre automobiles doit donc être considérée comme ayant acquiescé au jugement sur ce point ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution par une partie d'une décision exécutoire de droit par provision ne peut, à défaut de tout autre élément et quand bien même le remboursement de la somme ainsi payée n'aurait pas été réclamé devant la juridiction d'appel, à qui l'infirmation du jugement avait été cependant demandée, être considérée comme un acquiescement non équivoque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel relatif à la condamnation au paiement d'un rappel de salaire, l'arrêt rendu le 7 novembre 1985, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 86-41104
Date de la décision : 16/02/1989
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Imputabilité - Attitude de l'employeur - Attitude vexatoire contraignant le salarié à donner sa démission.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Attitude de l'employeur - Attitude vexatoire privant le licenciement de cause réelle et sérieuse.

1° Une cour d'appel a, d'une part, exactement décidé, sans inverser la charge de la preuve, et par une appréciation souveraine des éléments de preuve, qu'un employeur qui avait conduit un salarié à démissionner en prenant à son encontre, sans motif légitime, des mesures vexatoires de nature à rendre impossible la poursuite du contrat, était responsable de la rupture, et d'autre part, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail en décidant que cette rupture ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse .

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Indemnités - Indemnité de licenciement - Allocation - Décision statuant sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail - Portée.

2° La cour d'appel ayant décidé que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse la société qui contestait devant la cour d'appel le principe du droit à l'indemnité de licenciement et non pas son montant, n'est pas fondée à critiquer l'arrêt de ce chef .

3° PRUD'HOMMES - Procédure - Jugement - Exécution - Exécution provisoire - Exécution provisoire de plein droit - Portée.

3° EXECUTION PROVISOIRE - Exécution provisoire de plein droit - Portée - Acquiescement (non).

3° L'exécution par une partie d'une décision exécutoire de droit par provision ne peut (à défaut de tout autre élément et même d'une demande de remboursement de la somme acquittée devant la juridiction d'appel à qui l'infirmation du jugement avait cependant été demandée) être considérée comme un acquiescement non équivoque. En décidant le contraire la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision


Références :

Code du travail L122-14-3
Code du travail R516-37
nouveau Code de procédure civile 410

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 07 novembre 1985

DANS LE MEME SENS : (1°). Chambre sociale, 1986-04-10 Bulletin 1986, V, n° 127, p. 101 (rejet). A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1987-04-09 Bulletin 1987, V, n° 202, p. 130 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 fév. 1989, pourvoi n°86-41104, Bull. civ. 1989 V N° 137 p. 82
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1989 V N° 137 p. 82

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Cochard
Avocat général : Avocat général :M. Picca
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zakine

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:86.41104
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