CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar en date du 21 janvier 1988 qui, dans une procédure suivie contre X... du chef de dégradations volontaires, a déclaré irrecevable son appel contre l'ordonnance rendue par le juge des enfants.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 186, alinéa 4, 502 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel formé par la LICRA auprès du greffe du tribunal pour enfants, à l'encontre d'une ordonnance du juge des enfants ;
" aux motifs qu'" il résulte des dispositions combinées des articles 186, alinéa 4, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1985, et 502 du Code de procédure pénale, que la déclaration d'appel de la partie civile ou de l'inculpé doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, cette expression devant s'entendre, en matière d'appel des ordonnances du juge des enfants, lieu auprès duquel d'ailleurs, sont déclarés également les appels formés contre lesdites ordonnances par le procureur de la République, aux termes mêmes des dispositions de l'article 185, alinéa 2, dudit Code, telles que modifiées par la loi précitée (Crim. 19 janvier 1987, B. 28) ;
" que la comparaison entre, d'une part, le premier des textes susvisés, d'autre part, ce même texte, dans sa teneur antérieure à la mise en vigueur de la loi du 30 décembre 1985, et l'article 148-6 du Code de procédure pénale, conforte le bien-fondé de cette appréciation ;
" que la spécificité de l'organisation et la compétence de la juridiction pour enfants n'est pas de nature à infléchir ces principes " ;
" alors que, d'une part, le juge des enfants statuant en qualité de juge d'instruction dépend du tribunal des enfants, auprès duquel il exerce ses fonctions, et qui constitue une juridiction spécialisée au siège autonome ; qu'en conséquence, la déclaration d'appel d'une ordonnance rendue par ce magistrat et enregistrée auprès du greffe du tribunal des enfants, est recevable au regard de l'article 502 du Code de procédure pénale auquel renvoie l'article 186, alinéa 4, du même Code, dès lors qu'elle est reçu par le greffier de cette juridiction ;
" alors que, d'autre part et en tout état de cause, la cour de Colmar, qui avait constaté que l'appel avait bien été régularisé auprès d'un officier public qui l'a reçu, le greffier du tribunal pour enfants de Colmar, aurait dû rechercher si l'erreur était exclusivement imputable à l'appelant, en sorte qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 502 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 186, alinéa 4, et 502 du Code de procédure pénale et de l'article 24 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, que la déclaration d'appel d'une ordonnance d'un juge des enfants doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par ordonnance du juge des enfants au tribunal de grande instance de Colmar, la constitution de partie civile de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme a été déclarée irrecevable dans une procédure suivie notamment contre X... du chef de dégradations volontaires ;
Attendu que pour décider que l'appel formé contre cette ordonnance était irrecevable, la chambre d'accusation constate qu'il a été déclaré par l'avocat de la LICRA au greffe du tribunal pour enfants et a été " reçu par le greffier de cette juridiction " ; que la chambre d'accusation énonce que " selon le second alinéa de l'article 24 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les dispositions des articles 185 à 187 du Code de procédure pénale sont applicables aux ordonnances du juge des enfants " et qu'" il résulte des dispositions combinées des articles 186, alinéa 4, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1985 et 502 du Code de procédure pénale que la déclaration d'appel de la partie civile ou de l'inculpé doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, cette expression devant s'entendre, en matière d'appel des ordonnances du juges des enfants non du greffier de celui-ci, mais du greffe du Tribunal auquel appartient le juge des enfants, lieu auprès duquel d'ailleurs sont déclarés également les appels formés contre lesdites ordonnances par le procureur de la République, aux termes mêmes des dispositions de l'article 185, alinéa 2, dudit Code, telles que modifiées par la loi précitée " ; que la chambre d'accusation ajoute que " la comparaison entre d'une part le premier des textes susvisés, d'autre part, ce même texte dans sa teneur antérieure à la mise en vigueur de la loi du 30 décembre 1985 et l'article 148-6 du Code de procédure pénale, conforte le bien-fondé de cette appréciation " et que " la spécificité de l'organisation et de la compétence de la juridiction pour enfants n'est pas de nature à infléchir ces principes " ; que la chambre d'accusation relève enfin que " l'attention de l'appelant a été appelée sur la difficulté à la barre " et qu'" il n'a pas été justifié ni même allégué que son conseil se fût trouvé dans l'impossibilité absolue de former son recours au lieu voulu par la loi " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que l'appel litigieux a été reçu dans le délai légal et transcrit sur le registre public à ce destiné par un greffier du Tribunal auquel appartenait le juge des enfants et alors d'ailleurs que la prétendue irrégularité de cet acte ainsi établi ne pouvait être opposée à la partie appelante dès lors qu'elle ne lui était pas imputable, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar en date du 21 janvier 1988, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy.