ANNULATION sans renvoi sur la demande formée par :
- le procureur général près la Cour de Cassation, d'ordre du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, tendant à la révision du jugement en date du 15 janvier 1980 par lequel le tribunal correctionnel de Roanne a condamné X... à 1 mois d'emprisonnement avec sursis pour vol et outrage à agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions.
LA COUR,
Vu la dépêche du Garde des Sceaux, ministre de la Justice en date du 31 mai 1988 ;
Vu la requête du procureur général près la Cour de Cassation en date du 14 juin 1988 ;
Vu les articles 622 et suivants du Code de procédure pénale ;
Vu l'article 24 de la loi du 4 août 1981 aux termes duquel l'amnistie ne peut en aucun cas mettre obstacle à l'action en révision tendant à faire établir l'innocence du condamné ;
Sur la recevabilité de la demande en révision :
Attendu que la Cour est saisie par son procureur général, en vertu de l'ordre exprès du Garde des Sceaux ; que la demande en révision entre dans les prévisions de l'article 622.2° du Code de procédure pénale ; que le jugement dont la révision est demandée est devenu définitif ; qu'ainsi la demande est recevable en la forme ;
Sur l'état de la procédure :
Attendu que les pièces produites suffisent pour permettre à la Cour de se prononcer sans instruction complémentaire ;
Au fond :
Attendu que le 7 septembre 1979, X..., surveillant de nuit d'une station de distribution de carburant pour véhicules à moteur exploitée au Coteau par Y..., s'est présenté au commissariat de police de Roanne et a déclaré à un enquêteur qu'il venait d'être agressé par un malfaiteur qui lui avait porté à la tête un coup de crosse de révolver et s'était emparé de la somme de 380 francs que contenait la caisse de l'établissement ;
Que X... a reconnu par la suite que cette agression était imaginaire et qu'il était l'auteur du vol dénoncé ;
Que, traduit devant le tribunal correctionnel de Roanne, il a été condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis par jugement du 15 janvier 1980 ;
Attendu que par jugement du tribunal correctionnel de Vienne en date du 28 juin 1983, Z... a été condamné à 2 ans d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, pour avoir, entre autres chefs de prévention, frauduleusement soustrait au Coteau, le 7 septembre 1979, la somme de 280 francs environ au préjudice de Y... ;
Qu'au cours de l'information qui a précédé ce jugement, Z... a reconnu qu'à l'occasion de ce vol, il avait frappé à la tête, d'un coup de crosse de révolver, X... qui avait tenté de s'opposer à ce qu'il s'empare du contenu de la caisse ;
Attendu que les deux jugements précités, rendus contradictoirement, ont acquis l'un et l'autre l'autorité de la chose jugée ;
Attendu qu'il résulte de ces décisions que les deux déclarations de culpabilité qu'elles prononcent du chef de vol reposent sur un fait unique commis dans les mêmes circonstances de temps et de lieu par une seule personne au préjudice d'une même victime ;
Que l'outrage à agent de la force publique retenu en outre à la charge de X... est indissociable de la soustraction frauduleuse pour laquelle il a été condamné ;
Qu'en l'état des faits constatés, aucune coopération ni aucun concert n'ont existé pour la perpétration du vol précité entre X..., prévenu dans la première poursuite, et Z..., inculpé dans la seconde ;
Attendu, en cet état, que la condamnation de X... et celle de Z... sont inconciliables ; que celle de ce dernier, prononcée postérieurement, est de nature à établir l'innocence du premier ;
Que dès lors le jugement condamnant X... doit être annulé ;
Attendu que, l'action publique étant éteinte en raison de la prescription, il ne peut être procédé à de nouveaux débats ; qu'il n'y a pas de partie civile en cause ;
Et attendu que X... requiert l'insertion au Journal officiel du présent arrêt et sa publication, par extraits, dans cinq journaux ; qu'en application des dispositions de l'article 626, alinéa 9, du Code de procédure pénale, il convient de faire droit à cette demande ;
Par ces motifs :
ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement précité du tribunal correctionnel de Roanne du 15 janvier 1980 qui a condamné X... à 1 mois d'emprisonnement avec sursis pour vol et outrage à agent de la force publique ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'insertion du présent arrêt au Journal officiel et sa publication, par extraits, aux frais du Trésor, dans les journaux ci-après : France-Soir, Le Petit Roannais, La Tribune-Le Progrès, Loire Matin-La Dépêche, L'Espoir.