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07/02/1989 | FRANCE | N°87-91818

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 février 1989, 87-91818


REJET du pourvoi formé par :
- X... Hugues,
- Y..., épouse Z... Gisèle,
- la SA Banque Scalbert Dupont,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 23 octobre 1987 qui, pour discrimination syndicale, a condamné le premier à 2 000 francs d'amende, la seconde à 1 000 francs d'amende et tous deux à des réparations civiles, et qui a déclaré la SA Banque Scalbert Dupont civilement responsable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L.

481-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradicti...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Hugues,
- Y..., épouse Z... Gisèle,
- la SA Banque Scalbert Dupont,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 23 octobre 1987 qui, pour discrimination syndicale, a condamné le premier à 2 000 francs d'amende, la seconde à 1 000 francs d'amende et tous deux à des réparations civiles, et qui a déclaré la SA Banque Scalbert Dupont civilement responsable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré dame Z... et X... coupables du délit de discrimination syndicale pour avoir à Paris, le 14 mars 1986, pris en considération l'exercice par Norbert A... et François B... d'une activité syndicale pour arrêter leur décision concernant la mesure disciplinaire de mise à pied prise à l'encontre de ces deux délégués syndicaux, et en ce qu'il a déclaré la banque Scalbert Dupont civilement responsable ;
" aux motifs que " les prévenus ont commis un détournement de leur pouvoir disciplinaire, en ce qu'ils ont pratiqué une discrimination à l'égard des deux délégués syndicaux précités (tous deux, A... comme B... devant, il est vrai, être considérés comme ayant appelé le personnel à la manifestation), en prononçant contre eux seuls des sanctions sensiblement plus graves à l'occasion de l'action collective menée ;
" que les prévenus ont ainsi pris en considération l'exercice de leur activité syndicale, alors que B... et A... n'avaient participé à l'organisation et à la réalisation de l'action collective en cause que dans le cadre de leur activité de délégués syndicaux et alors même que ces derniers avaient auparavant reçu de la direction (ce qu'ils contestent toutefois) une mise en garde personnelle, quand il était notifié à l'ensemble du personnel une mise en garde collective ; que, dans ces conditions, ce chef de prévention doit être retenu " ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que " il ressort des éléments de la procédure et des débats d'audience que la manifestation du 4 mars 1986 revêtait le caractère d'un mouvement collectif même si, dans le tract diffusé par les syndicats CGT et FO il était indiqué que " le passage groupé sera (it) organisé sous la conduite et la responsabilité des élus " ;
" qu'ainsi, chacun des participants à cet acte d'indiscipline allégué par la direction, en prenant part à une même action, devait s'exposer à la même sanction ;
" que, manifestement l'employeur a voulu " faire des exemples ", en punissant de façon sélective ceux qu'il tenait pour des " meneurs ", en raison de leur activité syndicale " ;
" alors que, d'une part en énonçant que les prévenus ont pratiqué une discrimination à l'égard des deux délégués syndicaux en prononçant contre eux seuls des sanctions sensiblement plus graves à l'occasion de l'action collective menée, l'arrêt attaqué qui avait relevé que A... et B... avaient appelé le personnel à une manifestation, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-2 et L. 481-3 du Code du travail ;
" alors que, d'autre part, en ne répondant pas aux conclusions claires et précises de la banque Scalbert Dupont suivant lesquelles d'une part, les faits qui ont entraîné la sanction de A... et B... constituaient des actes d'indiscipline, l'employeur étant seul juge de l'organisation de son entreprise, et, d'autre part, ces actes d'indiscipline ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'une activité syndicale légitime puisqu'une manifestation organisée à l'instigation d'un syndicat ne constitue pas, par elle-même, une activité syndicale, l'arrêt attaqué a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-1 et L. 412-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré dame Z... et X... coupables du délit de discrimination syndicale pour avoir à Paris, le 14 mars 1986, pris en considération l'exercice par Norbert A... et François B... d'une activité syndicale pour arrêter leur décision concernant la mesure disciplinaire de mise à pied prise à l'encontre de ces deux délégués syndicaux, et en ce qu'il a déclaré la banque Scalbert Dupont civilement responsable ;
" aux motifs que " les prévenus ont commis un détournement de leur pouvoir disciplinaire, en ce qu'ils ont pratiqué une discrimination à l'égard des deux délégués syndicaux précités (tous deux, A... comme B... devant, il est vrai, être considérés comme ayant appelé le personnel à la manifestation), en prononçant contre eux seuls des sanctions sensiblement plus graves à l'occasion de l'action collective menée ;
" que les prévenus ont ainsi pris en considération l'exercice de leur activité syndicale, alors que B... et A... n'avaient participé à l'organisation et à la réalisation de l'action collective en cause que dans le cadre de leur activité de délégués syndicaux et alors même que ces derniers avaient auparavant reçu de la direction (ce qu'ils contestent toutefois) une mise en garde personnelle, quand il était notifié à l'ensemble du personnel une mise en garde collective ; que, dans ces conditions, ce chef de prévention doit être retenu " ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que " il ressort des éléments de la procédure et des débats d'audience que la manifestation du 4 mars 1986 revêtait le caractère d'un mouvement collectif même si, dans le tract diffusé par les syndicats CGT et FO il était indiqué que " le passage groupé sera (it) organisé sous la conduite et la responsabilité des élus " ;
" qu'ainsi, chacun des participants à cet acte d'indiscipline allégué par la direction, en prenant part à une même action, devait s'exposer à la même sanction ;
" que, manifestement l'employeur a voulu " faire des exemples ", en punissant de façon sélective ceux qu'il tenait pour des " meneurs ", en raison de leur activité syndicale " ;
" alors que l'action syndicale se définit comme celle qui est menée en vue de la satisfaction de revendications professionnelles et collectives, qu'en ne relevant pas que la manifestation revêtait le caractère d'une action ou d'une activité syndicale, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-1 et L. 412-2 du Code du travail " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires qu'à la suite de la décision prise par la direction de la SA Banque Scalbert Dupont d'interdire au personnel de l'établissement de la société à Paris l'accès direct des lieux de travail au restaurant d'entreprise par les sous-sols de deux immeubles dont l'aménagement venait d'être modifié, les salariés de cet établissement ont procédé le 4 mars 1986, sur l'initiative de syndicats à une " action symbolique " consistant en un " passage groupé " par l'accès interne audit restaurant ; que ces agissements, considérés comme des actes d'indiscipline par la direction, ont été sanctionnés par de simples avertissements adressés à la plupart des participants à ce mouvement, mais que deux d'entre eux, B... et A..., délégués syndicaux, ont fait l'objet d'une mesure de mise à pied d'une durée de 3 jours ;
Attendu que devant les juges du fond, saisis des poursuites exercées à raison de ces faits du chef de discrimination syndicale à l'encontre de X..., dirigeant de la SA Banque Scalbert Dupont et de Gisèle Y..., épouse Z..., chef d'établissement, les prévenus ont soutenu pour leur défense qu'en prenant des mesures de mise à pied uniquement contre B... et A..., ils n'avaient fait qu'user de leur pouvoir disciplinaire à l'encontre de ces délégués qui avaient organisé une manifestation ne pouvant être assimilée à une activité syndicale légitime ;
Attendu que pour écarter cette argumentation et dire la prévention établie, les juges énoncent qu'il ressort de la procédure et des débats que l'action du 4 mars 1986 revêtait le caractère d'un mouvement collectif même si, dans le tract diffusé par les syndicats à cette occasion, il était indiqué que " le passage groupé serait organisé sous la conduite et la responsabilité des élus ", et qu'en conséquence, chacun des participants à ce mouvement aurait dû encourir la même sanction ; que les juges ajoutent que s'il est vrai qu'en principe l'employeur a le libre choix de la sanction disciplinaire, les prévenus ont, en l'espèce, commis un détournement de ce pouvoir en prononçant de façon discriminatoire à l'encontre de B... et de A... des sanctions sensiblement plus graves que celles infligées aux autres salariés à raison de l'action collective menée, alors que les deux délégués n'avaient participé à l'organisation et à la réalisation du mouvement que dans le cadre de leur activité syndicale ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et qui a estimé à juste titre que les mesures disciplinaires de mise à pied prononcées avaient été prises en considération de l'activité syndicale des salariés concernés, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués aux moyens, lesquels, dès lors, doivent être écartés ;
Attendu que les faits en cause, qui ne peuvent être rangés dans la catégorie des délits commis à l'occasion d'un conflit du travail au sens du livre V du Code du travail, ne sont pas amnistiés par application de la loi du 20 juillet 1988 ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-91818
Date de la décision : 07/02/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Discrimination - Sanction disciplinaire - Sanction disciplinaire plus grave que celle infligée à d'autres salariés à raison d'une action collective.

1° L'employeur, s'il a le libre choix de la sanction disciplinaire, commet toutefois un détournement de ce pouvoir quand il prononce à l'encontre de délégués syndicaux ayant participé à un mouvement collectif dans l'entreprise des sanctions plus graves que celles infligées aux autres salariés à raison de l'action menée, alors que les délégués en cause n'ont pris part à l'organisation et à la réalisation du mouvement que dans le cadre de leur activité syndicale Ce faisant, il se rend coupable du délit de discrimination syndicale prévu par l'article L. 412-2 du Code du travail (1).

2° AMNISTIE - Textes spéciaux - Loi du 20 juillet 1988 - Amnistie de droit - Amnistie à raison de l'infraction - Délits commis à l'occasion de conflits du travail - Définition.

2° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Discrimination - Amnistie - Textes spéciaux - Loi du 20 juillet 1988 - Domaine d'application.

2° L'employeur, s'il a le libre choix de la sanction disciplinaire, commet toutefois un détournement de ce pouvoir quand il prononce à l'encontre de délégués syndicaux ayant participé à un mouvement collectif dans l'entreprise des sanctions plus graves que celles infligées aux autres salariés à raison de l'action menée, alors que les délégués en cause n'ont pris part à l'organisation et à la réalisation du mouvement que dans le cadre de leur activité syndicale De tels agissements, qui ne peuvent être rangés dans la catégorie des délits commis à l'occasion d'un conflit du travail au sens du livre V du Code du travail, ne sont pas amnistiés au regard des dispositions de la loi du 20 juillet 1988 (2).


Références :

Code du travail L412-2
Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 2 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 1987

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1981-10-13 , Bulletin criminel 1981, n° 270, p. 705 (action publique éteinte et rejet). CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1983-05-17 , Bulletin criminel 1983, n° 142, p. 345 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 fév. 1989, pourvoi n°87-91818, Bull. crim. criminel 1989 N° 54 p. 148
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 54 p. 148

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocats :M. Spinosi, la SCP Masse-Dessen et Georges

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.91818
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