ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel de Reims,
contre l'arrêt de ladite Cour, en date du 8 octobre 1987, qui a relaxé X... de la prévention d'infractions à la loi du 3 avril 1942, à l'article 23 du décret n° 58-1303 du 23 décembre 1958 relatif à la sécurité sociale ainsi qu'à l'article R. 365-1 du Code du travail et qui a mis la société UNCFGE hors de cause.
LA COUR,
Sur la contravention poursuivie sur le fondement de l'article 23 du décret n° 58-1303 du 23 décembre 1958 :
Attendu que la contravention précitée, qui aurait été commise au cours de l'année 1984, est amnistiée par application de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988 ; que l'action publique est éteinte de ce chef ;
Sur l'infraction à l'article 2 de la loi du 3 avril 1942 prohibant la conclusion de pactes sur le règlement des indemnités dues aux victimes d'accidents ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 2 de la loi du 3 avril 1942 :
" en ce que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a renvoyé X... des fins de la poursuite engagée contre lui pour " avoir fait des offres relatives à la conclusion de pactes sur les règlements d'indemnités dues à des victimes d'accidents ;
" aux motifs que quelles qu'aient été les intentions de X... quant aux émoluments qu'il aurait demandés à ses correspondants si ceux-ci avaient répondu à sa proposition, celle-ci, rédigée dans les termes suivants : " Accident du 11 octobre 1984, M. F. W..., Mme, M., nous venons d'apprendre l'accident de M. W... F., afin de vous obtenir l'indemnité qui vous est due, au titre de l'accident cité en référence, nous tenons à votre disposition une organisation spécialisée qui se chargera d'effectuer toutes les actions et démarches nécessaires auprès des tribunaux et des administrations concernés. Notre souci est de préserver vos intérêts. Nous nous tenons à votre disposition pour vous rencontrer pour de plus amples renseignements ", ne faisait aucune allusion quelconque à la rémunération des " actions et démarches nécessaires auprès des tribunaux " ;
" alors que à la différence de l'article 1er de la loi du 3 avril 1942, l'article 2 de ladite loi réprime non les conventions ni les contrats déjà conclus mais les simples offres de service ou sollicitations ; que le délit est donc constitué par le seul fait du démarchage, à la condition que les services offerts ne le soient pas à titre gratuit et que le principe de la rémunération soit contenu dans l'offre de service, même si le montant des émoluments et les modalités de paiement n'ont pas été définitivement fixés ; qu'en l'espèce si la lettre opérant le premier geste de démarchage et dont les termes ont été reproduits ci-dessus ne contenait pas de référence explicite à une rémunération, elle impliquait nécessairement cette même rémunération, puisqu'émanant non d'un familier des victimes susceptible de s'intéresser bénévolement à leur sort, mais d'un organisme dont le caractère professionnel, mis en évidence par la raison sociale, l'indication de la forme juridique et l'inscription au registre du commerce, et la présence des mentions telles que :
" Département : défense, recours, assurance " et " Contentieux général, recours corporels, recouvrements, recours amiables et judiciaires ", excluait toute intervention gratuite ; qu'ainsi il était patent aussi bien pour X... qui envisageait de réclamer plus tard un " droit de 200 francs " et un enrôlement de 1 000 francs, que pour les personnes sollicitées, dont aucune n'a donné suite, qu'il s'agissait non d'une initiative charitable et donc bénévole, mais d'une démarche professionnelle et donc rémunérée " ;
Vu ledit article ;
Attendu que le délit prévu et réprimé par l'article 2 de la loi du 3 avril 1942 est constitué en tous ses éléments, avant même la signature de la convention, par les simples offres faites par l'intermédiaire en vue de proposer son concours à la victime de l'accident, pour lui faire obtenir le bénéfice d'un accord amiable ou d'une décision judiciaire, dès qu'il est constant que ces offres, loin d'être gratuites, comportent la sollicitation d'une rémunération dont le principe est convenu à l'avance, quelles que doivent être les modalités de cette rémunération et quand bien même son montant, proportionnel ou non aux sommes dont le recouvrement est espéré, n'en serait pas définitivement fixé ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que X..., gérant de l'Union nationale coopérative de formation et de gestion des entreprises (UNCFGE), groupement ayant pour objet d'apporter à ses membres les moyens ou concours nécessaires à leur assistance et à leur défense auprès des tribunaux ainsi que des administrations concernées, a pris attache avec des victimes d'accidents de la circulation ou leurs ayants droit, identifiés à partir d'articles parus dans la presse, en prévoyant qu'après règlement d'une cotisation d'adhésion à l'UNCFGE, ceux-ci s'acquitteraient, au profit de ce groupement, du versement de la somme de 1 000 francs postérieurement à l'obtention des indemnités allouées en réparation de leur dommage ; que les dix personnes, auxquelles X... s'était ainsi adressé, n'ont pas donné suite à ses propositions ; qu'à raison de ces faits, X... a été cité à comparaître devant la juridiction répressive sur le fondement de l'article 2 de la loi du 3 avril 1942 prohibant la conclusion de pactes sur le règlement des indemnités dues aux victimes d'accidents ;
Attendu que la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris qui avait déclaré le prévenu coupable du délit poursuivi, en énonçant que quelles qu'aient été les intentions de X... quant aux émoluments qu'il envisageait de demander à ses correspondants s'ils avaient répondu à ses propositions, celles-ci ne faisaient aucune allusion expresse à la rémunération attendue en échange des services offerts ;
Mais attendu qu'en se décidant ainsi, alors que les propositions en cause n'étaient nullement effectuées à titre gratuit, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
DECLARE l'action publique ETEINTE en ce qui concerne l'infraction en matière de sécurité sociale poursuivie ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Reims, du 8 octobre 1987, en ses seules dispositions pénales relatives au délit prévu par l'article 2 de la loi du 3 avril 1942, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.