Attendu que M. X..., engagé le 17 mai 1971 par la société Matra en qualité d'ingénieur, après avoir bénéficié de plusieurs promotions et avoir été chargé de la responsabilité d'un important projet de radiotéléphonie, a été licencié par courrier du 7 avril 1983 faisant suite à un entretien préalable du 21 mars 1983 ; que le conseil de prud'hommes a dit ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Matra au paiement de la somme de 210 000 francs et à celle de 2 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'ayant interjeté appel de cette décision, M. X... a modifié ses prétentions et a demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement sur le défaut de cause réelle et sérieuse, de lui donner acte de ce qu'il réclamait sa réintégration, à défaut de réintégration, de condamner la société Matra à lui payer 1 300 000 francs en réparation de la " perte des revenus nets ", 242 000 francs en réparation du préjudice résultant de la " diminution de la future pension de retraite ", 250 000 francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral né de son licenciement, 1 franc de dommages-intérêts pour immixtion dans sa vie privée, sollicitant en outre la publication de l'arrêt à intervenir pour réparer le dommage causé par les menaces et la publicité ayant accompagné les " mesures injustes et dommageables prises " contre lui et l'allocation d'une somme de 8 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Versailles (13 décembre 1985) a confirmé le jugement sur l'absence de cause réelle et sérieuse et réformant pour le surplus, a condamné la société Matra à payer à M. X... " toutes causes de préjudice réunies : 400 000 francs de dommages-intérêts et 7 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile " et a débouté le salarié " de toutes ses autres demandes, fins et conclusions " ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches réunies :
Attendu qu'il est reproché à cette décision d'avoir dit irrecevable la demande de M. X... en réparation du préjudice que lui a causé l'immixtion de la hiérarchie de la société Matra dans sa vie privée, au motif que cette immixtion, à supposer qu'elle soit démontrée, échappe à la compétence de la juridiction sociale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les conseils de prud'hommes règlent les différends qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail entre les employeurs et leurs représentants et les salariés et apprentis qu'ils emploient, ainsi que les différends nés entre salariés à l'occasion du travail ; que la cour d'appel qui ne précise pas en quoi l'immixtion dans sa vie privée alléguée par le salarié n'aurait pas été commise à l'occasion du contrat de travail ou du travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 511-1 du Code du travail ; et alors d'autre part, que la cour d'appel en affirmant purement et simplement son incompétence, n'a pas répondu aux conclusions de M. X..., soutenant qu'en recevant à plusieurs reprises et pour des raisons extra-professionnelles son épouse avec laquelle il se trouvait en instance de divorce, et en fournissant un témoignage lors de cette
procédure sur son comportement au travail, un ou plusieurs dirigeants de la société Matra avaient commis à l'occasion du travail une immixtion dans la vie privée, génératrice pour lui d'un préjudice moral ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 de Code de procédure civile ;
Mais attendu que le préjudice moral dont il était ainsi demandé réparation, résultait, selon les conclusions d'appel du salarié et selon le moyen lui-même en sa seconde branche, du comportement des dirigeants de la société Matra qui auraient reçu l'épouse de M. X... " sans aucun motif, ni de travail, ni de relations amicales " et ce, à l'occasion d'une procédure de divorce alors en cours entre les époux X... ; que c'est donc sans encourir les griefs du moyen que les juges du fond, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées ont pu décider que ce chef de demande, à le supposer fondé, échappait à la compétence de la juridiction prud'homale ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de publications dans la presse spécialisée de la décision condamnant la société Matra pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué énonce que s'agissant d'un conflit individuel, une telle publicité dans ce domaine où l'ordre public n'est pas en cause, n'est pas prévue par le Code du travail ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice né, selon M. X..., des menaces et de la publicité donnée par la société Matra aux mesures prises contre lui, préjudice distinct de celui résultant du licenciement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, pouvait, même en l'absence de dispositions légales, être assurée par la publication demandée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de publications de la décision, l'arrêt rendu le 13 décembre 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen