Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, réunis :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Pierre et Henri Z... ont été blessés dans un accident de la circulation, dont leur frère Bernard et M. X... ont été déclarés coresponsables par application réciproque de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; que l'arrêt attaqué (Nancy, 18 mars 1985) a confirmé sur ce point le jugement entrepris, mais déclaré irrecevable l'appel en garantie que, condamné pour le tout, M. X... avait formé à l'encontre de M. Bernard Z... pour obtenir le remboursement de la moitié des sommes versées ou à verser ;
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel, d'une part, de s'être bornée à des constatations insuffisantes pour caractériser l'entraide agricole et de s'être abstenue de s'expliquer sur les modalités du contrat intervenu entre les trois frères Z..., spécialement sur le caractère prétendument gratuit de l'aide apportée par Pierre et Henri à Bernard Z... ; d'autre part, d'avoir rejeté l'appel en garantie de M. X... contre M. Bernard Z..., au seul motif de l'absence de tout recours subrogatoire du premier à l'encontre du second, alors, selon le moyen, que les articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 permettaient aux victimes de réclamer à leur frère Bernard la réparation de la totalité de leur préjudice, donnant ainsi ouverture à un tel recours ;
Mais attendu que l'existence d'un contrat d'entraide agricole n'a jamais été contestée devant les juges du fond ;
Et attendu que l'article 20 de la loi spéciale du 8 août 1962, lequel n'a été abrogé, ni expressément, ni tacitement par la loi générale du 5 juillet 1985, exclut toute action de droit commun du prestataire victime d'un accident du travail à l'encontre du bénéficiaire de l'entraide agricole ; que la cour d'appel en a justement déduit que M. X... se trouvait privé de toute action subrogatoire à l'encontre de M. Bernard Z..., et que son appel en garantie était irrecevable ;
Que ces moyens ne peuvent donc être accueillis ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X..., tiers coauteur de l'accident, à réparer la totalité du préjudice subi par MM. Pierre et Henri Z... et non couvert par les prestations de la Caisse, bien que l'intéressé se soit trouvé, par le jeu de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, privé de tout recours subrogatoire à l'égard de l'autre tiers ;
Mais attendu que le prestataire victime d'un accident du travail survenu à l'occasion d'une opération d'entraide agricole, en cas de partage de la responsabilité de cet accident entre le bénéficiaire de l'entraide et un tiers, est en droit d'obtenir de ce tiers, dans les conditions du droit commun, la réparation de son entier dommage dans la mesure où celui-ci n'est pas indemnisé par les prestations de la Caisse ;
Que, pris en sa première branche, le second moyen doit être, lui aussi, écarté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
MOYENS ANNEXES
Moyens produits par Me Y..., avocat aux Conseils, pour la compagnie d'assurances Zurich et M. X... ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel en garantie dirigé par les exposants contre M. Bernard Z... ; aux motifs " que lorsque deux véhicules ont contribué à la production d'un dommage, celui des deux gardiens qui a intégralement désintéressé la victime a, par l'effet de la subrogation légale, un recours contre l'autre coauteur dans la mesure de la responsabilité de celui-ci ; qu'aux termes d'une jurisprudence constante..., le recours subrogatoire peut être fondé sur l'article 1384, al. 1, du Code civil ... ; que lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées, comme c'est le cas en l'espèce, le partage par moitié doit être prononcé entre les deux gardiens coauteurs de l'accident ; que la décision des premiers juges est donc fondée en droit ; mais que la loi du 8 août 1962 sur les travaux d'entraide exclut tout recours de la victime contre le bénéficiaire de l'entraide ; qu'en conséquence, le tiers qui exerce le recours subrogatoire de la victime ne peut se retourner contre le bénéficiaire de l'entraide dont la responsabilité ne peut être engagée conformément à la loi du 8 août 1962 ; que donc la solidarité entre coauteurs ne peut jouer en cas de partage de responsabilité d'un accident soumis à la législation des accidents du travail entre l'employeur et un tiers... ; qu'en l'espèce les trois frères Z... sont cultivateurs ; que le jour de l'accident Henri et Pierre Z... revenaient des foins avec leur frère Bernard ; que l'accident a donc bien eu lieu dans le cadre de travaux d'entraide au sens de la loi du 8 août 1962, ce qui exclut tout recours de M. X... et de sa compagnie d'assurances contre Bernard Z... ; que le jugement sera infirmé de ce chef " ; ALORS QUE dans le cas où deux véhicules ont contribué à la production du même dommage, celui des deux gardiens qui a désintéressé ou est condamné à désintéresser intégralement la victime a, par l'effet de la subrogation légale prévue par l'article 1251 du Code civil, un recours contre l'autre dans la mesure de la responsabilité de celui-ci ; que lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées, chacun des gardiens, dans ses rapports avec l'autre, est responsable pour moitié, dans le cadre de l'article 1384, al. 1, du Code civil, du dommage subi par la victime, de sorte que le recours subrogatoire doit s'exercer pour moitié ; que par ailleurs, aux termes de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, " l'entraide est réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation ; elle peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir d'une manière
régulière ; l'entraide est un contrat à titre gratuit même lorsque le bénéficiaire rembourse au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier " ; que lorsque ces conditions sont remplies, l'article 20, al. 5, énonce que " le prestataire reste responsable des accidents du travail survenus à lui-même ", ce qui lui interdit tout recours contre le bénéficiaire, de sorte que la subrogation légale ne peut fonctionner contre ce dernier au profit du gardien du véhicule qui a désintéressé la victime ou a été condamné à la désintéresser ; mais qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant seulement relevé " que les trois frères Z... sont cultivateurs, que le jour de l'accident Henri et Pierre Z... revenaient des foins avec leur frère Bernard ", sans s'expliquer sur les conditions du contrat qui les aurait liés, notamment sur le caractère gratuit, au sens du texte précité, d'une aide que M. Bernard Z... aurait reçue de ses deux frères, le chef susvisé de l'arrêt attaqué, déclarant irrecevable le recours subrogatoire des exposants contre M. Bernard Z..., encourt la cassation pour manque de base légale au regard des articles 20 de la loi du 8 août 1962, 1251 et 1384, al. 1, du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire). Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les exposants à indemniser totalement les demandeurs de leurs préjudices respectifs tout en déclarant irrecevable, sur le fondement de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, leur recours subrogatoire dirigé contre M. Bernard Z... ; ALORS QUE, d'une part, le principe selon lequel chacun des responsables d'un dommage doit être condamné à le réparer en entier suppose que la victime dispose indifféremment, contre l'un au l'autre des coauteurs, d'une action permettant à celui qui a payé le tout de répéter, par recours subrogatoire, la part de la dette commune à l'encontre de celui qui était tenu avec lui ; que tel n'est pas le cas lorsque, s'agissant d'un accident du travail survenu dans le cadre d'une entraide agricole au sens de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, le prestataire de l'entraide, victime de l'accident, est privé de tout recours à l'encontre du bénéficiaire ; qu'en effet, dans cette hypothèse, l'auteur de l'accident ne peut exercer un recours subrogatoire à l'encontre dudit bénéficiaire de l'entraide même si celui-ci est coauteur du dommage dans le cadre de l'article 1384, al. 1, du Code civil ; qu'il s'ensuit que la victime et son assureur n'ont d'action contre le tiers responsable qu'à concurrence de la part du préjudice dépassant celle qui aurait pu être mise à la charge du bénéficiaire de l'entraide s'il s'était agi d'un accident de droit commun ; qu'il est par ailleurs constant que dans le cas où deux véhicules ont contribué à la production du même dommage dans des circonstances indéterminées, celui des deux gardiens qui a désintéressé ou est condamné à désintéresser intégralement la victime a, par l'effet de la subrogation et s'il s'agit d'un accident de droit commun, un recours contre l'autre coauteur à concurrence de moitié de l'indemnité à verser à la victime ; qu'ainsi, en l'espèce, la cour (qui relève en premier lieu que les circonstances de l'accident dont ont été victimes MM. Pierre et Henri Z... sont restées indéterminées et que la charge de la réparation devait être partagée par moitié entre MM. X... et Bernard Z..., gardiens respectifs des véhicules impliqués dans le dommage, et en second lieu que l'accident étant intervenu pour les victimes dans le cadre d'uneentraide agricole dont M. Bernard Z... était bénéficiaire, ces victimes ne pouvaient exercer aucune action contre lui), devait nécessairement en conclure que M. Pierre Z... et la CRRMAE ne pouvaient agir à l'encontre de M. X... et de la compagnie Zurich (privés de tout recours subrogatoire à l'encontre de M. Bernard Z...) qu'à concurrence de la moitié de leur préjudice, les exposants n'étant tenus à leur égard que dans cette limite ; que cette solution du litige n'est pas interdite par les articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985 (applicables aux instances pendantes devant la Cour de Cassation en vertu de l'article 47) disposant que les " victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques " (article 1er), " sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident " (article 3) ; qu'en effet, ces textes doivent se combiner avec ceux qui excluent, notamment dans le cadre de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, tout recours de la victime contre l'un des coauteurs de l'accident et qui, par ricochet, suppriment tout recours subrogatoire de l'autre coauteur contre le premier ; que dans cette hypothèse, la victime ne peut demander à cet autre coauteur la réparation intégrale de son dommage ; qu'en l'espèce par conséquent, en condamnant M. X... et la compagnie Zurich (privés de tout recours subrogatoire à l'encontre de M. Bernard Z...) à réparer l'intégralité du préjudice subi par M. Pierre Z... et la CRRMAE, la cour de Nancy a violé les articles 1384, al. 1, du Code civil et 20 de la loi du 8 août 1962 ; ET ALORS QU'à supposer, d'autre part, que les articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985 permettent désormais à la victime d'un accident de la circulation de se faire indemniser par tout gardien d'un véhicule terrestre à moteur (avec ou sans remorque ou semi-remorque) impliqué dans l'accident, il faut alors décider que M. Pierre Z... et la CRRMAE n'étaient nullement privés de recours contre M. Bernard Z..., gardien d'un des deux véhicules à moteur impliqués dans l'accident, et que dès lors, en déclarant irrecevable le recours subrogatoire des exposants dirigé contre ledit Bernard Z..., la cour de Nancy a violé lesdits articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985, et, par fausse application, l'article 20 de la loi du 8 août 1962