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14/12/1988 | FRANCE | N°86-10311

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 1988, 86-10311


Sur le premier moyen :

Attendu qu'à la suite d'un contrôle effectué à l'établissement de Cholet de la Manufacture française des pneumatiques Michelin, l'URSSAF a notifié à cette société un redressement consécutif notamment à la réintégration dans l'assiette des cotisations de l'avantage en nature constitué par la fourniture gratuite aux membres du personnel de pneumatiques montés sur leurs voitures personnelles ; que, sur recours gracieux de la société, le conseil d'administration de l'union de recouvrement, par décision du 6 juin 1983, a annulé ce chef de redressem

ent, mais que cette décision a, elle-même, été annulée le 9 août 1983 par...

Sur le premier moyen :

Attendu qu'à la suite d'un contrôle effectué à l'établissement de Cholet de la Manufacture française des pneumatiques Michelin, l'URSSAF a notifié à cette société un redressement consécutif notamment à la réintégration dans l'assiette des cotisations de l'avantage en nature constitué par la fourniture gratuite aux membres du personnel de pneumatiques montés sur leurs voitures personnelles ; que, sur recours gracieux de la société, le conseil d'administration de l'union de recouvrement, par décision du 6 juin 1983, a annulé ce chef de redressement, mais que cette décision a, elle-même, été annulée le 9 août 1983 par le ministre des affaires sociales agissant dans le cadre des pouvoirs de tutelle qu'il tient de l'article L. 171 du Code de la sécurité sociale (ancien) ; qu'à la suite de cette mesure, le conseil d'administration a pris le 16 septembre 1983 une décision de maintien du redressement contre laquelle la société a formé un recours contentieux ;

Attendu que la manufacture Michelin fait en premier lieu grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Angers, 7 novembre 1985) d'avoir refusé de surseoir à statuer jusqu'à décision du tribunal administratif saisi le 4 avril 1984 d'une action tendant à contester la légalité de la décision ministérielle du 9 août 1983 alors que l'annulation de cette décision devant entraîner l'annulation du redressement, le sort de ce recours administratif avait une incidence éventuelle directe sur celui de l'action en annulation de ce même redressement dont était saisie la cour d'appel, en sorte qu'en ne vérifiant pas si l'existence de la procédure administrative ne constituait pas une difficulté sérieuse et ne correspondait pas à une question préjudicielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor An III, ainsi que de l'article 98 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que le recours, d'ailleurs non suspensif, introduit par l'employeur devant la juridiction administrative contre l'annulation, par l'autorité de tutelle, de la première décision prise en sa faveur par le conseil d'administration de l'URSSAF n'était pas de nature à imposer aux juridictions de Sécurité sociale l'obligation de surseoir à statuer sur la question de fond qu'elles avaient à trancher sur le recours de la société à la suite de la seconde décision prise en sens opposé par le même conseil d'administration ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la manufacture Michelin fait également grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le redressement litigieux alors, d'une part, qu'en fondant sa solution sur ce que l'avantage résultant de la fourniture des pneus était " consenti aux salariés de la société en contrepartie ou à l'occasion de leur travail " et même sur le fait que " ces pneus d'essai sont exclusivement prêtés à des salariés liés par un contrat de travail avec la société ", sans tenir compte de la circonstance sur laquelle la manufacture insistait dans ses conclusions d'appel, que ce n'était pas seulement les membres du personnel volontaires qui pouvaient se voir accorder des prêts de pneu d'essai, mais aussi chaque retraité qui le souhaitait, et que de plus, aucun membre du personnel ni aucun retraité n'était astreint à aucun prêt de pneus d'essai, leur choix étant opéré sans aucune relation nécessaire avec le travail dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 120 du Code de la sécurité sociale, alors, d'autre part, qu'en énonçant que la contrepartie imposée aux bénéficiaires était presque insignifiante, sans répondre aux conclusions faisant valoir " qu'à tout moment, le service technique de l'entreprise peut décider de changer les pneus pour des raisons techniques ou d'étude " et que les contrôles auxquels étaient soumis les véhicules des emprunteurs de pneus étaient variables selon le genre de pneus, ces contrôles étant plus fréquents lorsque les véhicules sont équipés de pneus de pré-série, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et alors, enfin, qu'elle a méconnu les dispositions de ce texte en fondant sa solution sur le motif dubitatif selon lequel " l'on peut se demander si elles (les fiches techniques) étaient exploitables par les services techniques de l'employeur " ;

Mais attendu que, loin de fonder sa décision sur un motif dubitatif, la cour d'appel, qui a relevé que la société Michelin équipait gratuitement de " pneus d'essai " les véhicules des salariés qui en faisaient la demande avec pour seules obligations de consigner dans un carnet les conditions d'utilisation, de les soumettre à des contrôles périodiques et de les restituer ou de les acquérir au prix résiduel en cas de vente du véhicule et qui a estimé que la contrepartie imposée aux bénéficiaires du prétendu prêt était presque insignifiante, en a déduit à juste titre, peu important que les retraités de l'entreprise en aient été également bénéficiaires, que cette fourniture consentie aux salariés de l'entreprise en contrepartie ou à l'occasion du travail constituait un avantage au sens de l'article L. 120 du Code de la sécurité sociale (ancien) ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Michelin fait enfin grief à la décision attaquée d'avoir considéré que l'estimation de l'avantage en nature résultant de la fourniture des pneumatiques avait été légalement faite par l'union de recouvrement en application de l'article 152 du décret du 8 juin 1946, alors, selon le moyen, qu'elle avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel auxquelles il n'a pas été répondu, qu'il est impossible de fournir des bases d'évaluations objectives et sérieuses de l'avantage qu'auraient représenté pour les emprunteurs de pneus les prêts litigieux, que les pneus ne sont pas prêtés régulièrement une fois par an ou une fois tous les deux ans mais de façon suivie et chaque fois que les pneus précédents sont usés ou détruits, qu'on ne voit pas comment pourrait être calculé ce que représenterait ce prêt au niveau du coût pour l'entreprise, que par ailleurs, dans la mesure où le service technique décide soudainement de l'opportunité de changer tels pneus à telles dates pour des raisons techniques, l'on ne voit pas pourquoi l'on imposerait aux salariés concernés une cotisation, qu'enfin, au niveau de l'économie prétendument réalisée par chacun des salariés, l'on rencontre la même difficulté d'évaluation puisque chaque salarié possède une voiture d'un modèle donné et qu'il peut rouler plus ou moins chaque année, l'un faisant trente mille kilomètres avec une grosse voiture sportive et équipée de pneus onéreux, alors que l'autre ne fait que cinq mille kilomètres avec un véhicule modeste, que ces difficultés expliquent qu'il n'ait pas pu être fourni à l'URSSAF des modalités de calculs objectifs, que le recours à l'article 152 du RAP du 8 juin 1946 suppose que la carence dans la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base aux cotisations de sécurité sociale dues et que l'employeur refuse de fournir sa comptabilité ou encore ne tient pas de comptabilité régulière, que ce n'était absolument pas le cas en l'espèce, que dès lors, la méthode a priori et sommaire d'évaluation proposée par les contrôleurs ne saurait être retenue et ne correspond à aucune réalité, ni en fait, ni en droit, que s'il devait s'agir d'un avantage en nature, ce qu'il n'était pas, il devrait faire l'objet d'une évaluation ayant un minimum de sérieux et de rigueur en prenant en considération : -les seuls membres du personnel s'étant portés volontaires, -la nature des pneus prêtés et leur catégorie, -la durée et la fréquence des prêts, -la valeur réelle de l'avantage prétendu, les kilométrages parcourus, que seule une mesure d'expertise comptable et technique portant sur la période de contrôle passé permettrait de statuer, que de surcroît, s'agissant de cotisations concernant l'employeur mais également les salariés, il n'est pas possible d'imposer ces cotisations à ceux qui n'utilisent pas ces pneus d'essai, ni d'une façon uniforme sans distinction de type, de kilométrage et de fréquence, qu'il convient de procéder de façon concrète et non théorique ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Michelin s'était abstenue de communiquer les contrats qu'elle prétendait détenir pour chaque prêt de pneumatiques, empêchant ainsi l'union de recouvrement de procéder à une appréciation de la valeur réelle des avantages et à une identification des bénéficiaires, ce qui l'autorisait à recourir à l'évaluation forfaitaire, les juges du fond ont estimé, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées, qu'elle n'apportait pas la preuve qui lui incombait de l'inexactitude de cette évaluation à laquelle l'URSSAF avait été contrainte de recourir ;

D'où il suit que le moyen n'est pas plus fondé que les précédents ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 86-10311
Date de la décision : 14/12/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité - de la régularité ou de la validité - Décision judiciaire étrangère à cette appréciation - Sécurité sociale - Caisse - Décisions - Annulation par l'autorité de tutelle - Recours contre la nouvelle décision prise par la Caisse après annulation.

1° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Sursis à statuer - Question préjudicielle - Acte administratif - Illégalité 1° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Procédure gracieuse préalable - Commission de recours gracieux - Décisions - Annulation - Nouvelle décision prise par la Caisse après annulation - Effet.

1° Le recours, d'ailleurs non suspensif, introduit par un employeur devant la juridiction administrative contre l'annulation, par l'autorité de tutelle, d'une première décision prise en sa faveur par le conseil d'administration de l'URSSAF n'est pas de nature à imposer aux juridictions de sécurité sociale l'obligation de surseoir à statuer sur la question de fond qu'elles avaient à trancher sur le recours de la société contre une seconde décision prise en sens opposé par le même conseil d'administration .

2° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Avantages en nature - Définition - Fourniture de pneumatiques d'essai.

2° PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Question préjudicielle - Acte administratif - Illégalité - Décision judiciaire étrangère à son appréciation.

2° Constitue un avantage en nature consenti en contrepartie ou à l'occasion du travail, la fourniture gratuite à ses salariés par une entreprise fabriquant des pneumatiques de " pneus d'essai " avec pour seules obligations de consigner dans un carnet les conditions d'utilisation, de les soumettre à des contrôles périodiques et de les restituer ou de les acquérir au prix résiduel en cas de vente du véhicule, ce dont il résultait que la contrepartie imposée aux bénéficiaires était presque insignifiante .

3° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Calcul - Comptabilité insuffisante - Article 152 du décret du 8 juin 1946 - Domaine d'application - Avantages en nature - Absence de précisions sur l'identité des bénéficiaires.

3° Dès lors que l'entreprise fournissant les pneumatiques à ses salariés s'est abstenue de communiquer les contrats qu'elle prétendait détenir pour chaque fourniture, empêchant ainsi l'URSSAF de procéder à une appréciation réelle des avantages et à une identification des bénéficiaires, l'union de recouvrement était fondée à recourir à l'évaluation forfaitaire et il incombait à l'employeur d'en prouver l'inexactitude .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 07 novembre 1985

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1983-05-04 Bulletin 1983, V, n° 232, p. 163 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 1988, pourvoi n°86-10311, Bull. civ. 1988 V N° 665 p. 426
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 V N° 665 p. 426

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Donnadieu, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Dorwling-Carter
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Feydeau
Avocat(s) : Avocats :M. Célice, Mme Luc-Thaler .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.10311
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