CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Joseph, en qualité d'administrateur légal des biens de sa fille mineure Tania,
- Y... Antoine, en qualité d'administrateur légal des biens de son fils mineur Pascal,
parties civiles,
- l'Innungskrankenkasse Baden-Baden,
- l'Allgemeine Ortskrankenkasse Von Karlsruhe,
parties intervenantes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 janvier 1988, qui, après avoir relaxé Raymonde Z..., prévenue notamment de blessures involontaires, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen proposé en faveur de X... et de l'Innungskrankenkasse Baden-Baden, et pris de la violation des articles 2, 470-1, 593 du Code de procédure pénale, 1, 2 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé la prévenue (Raymonde Z...), du chef du délit de blessures involontaires et de celui de contravention connexe au Code de la route, a débouté la victime de l'accident (Tania X..., demanderesse) des fins de son action en réparation des dommages résultant des atteintes à sa personne qu'elle avait subis ;
" aux motifs que " la relaxe de la prévenue implique le débouté des parties civiles sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale ; (...) que l'application des règles du droit civil ne permet pas davantage d'accueillir les conclusions des parties civiles, que les causes de l'accident sont à rechercher dans les fautes commises par les jeunes Tania X... et Pascal Y... qui ont respectivement :
- refusé la priorité au véhicule venant sur leur droite, perdu le contrôle du cyclomoteur qu'elle conduisait pour la première fois et omis de porter un casque,
- circulé comme passager alors qu'il était âgé de plus de 14 ans ; que ces fautes exonèrent l'automobiliste contre laquelle aucune imprudence n'est établie " ;
" alors, d'une part, que selon l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985, l'indemnisation des dommages subis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'est exclue que si sa faute est la cause exclusive de l'accident ; que pour débouter Tania X... de sa demande tendant à la réparation de son préjudice personnel, l'arrêt retient que les causes de l'accident sont à rechercher dans les fautes commises par Tania X... et Pascal Y... ; qu'en statuant ainsi sans caractériser la faute de Tania X... comme étant la cause exclusive de l'accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute du conducteur victime peut avoir pour effet d'exclure ou seulement de limiter l'indemnisation des dommages qu'il a subis ; qu'au regard de ces deux possibilités exprimées par la loi, le refus total d'indemnisation ne saurait être admis qu'à la condition qu'il soit constaté que la faute du conducteur victime a présenté les caractères de la force majeure pour tous les autres conducteurs des véhicules impliqués ; qu'en refusant toute indemnisation à Tania X... au seul motif qu'elle avait commis une faute, sans rechercher si cette faute avait présenté des caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité pour l'autre conducteur du véhicule terrestre à moteur, impliqué dans l'accident, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 que l'indemnisation du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut être exclue que si sa faute a été la cause unique de l'accident ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une collision s'est produite à une intersection de routes entre l'automobile de Mme Z... et un cyclomoteur conduit par la mineure Tania X..., ayant comme passager Pascal Y..., âgé de 15 ans ; que les deux occupants du cyclomoteur ont été blessés ;
Attendu qu'après avoir relaxé l'automobiliste, prévenue de blessures involontaires et de refus de priorité, la juridiction du second degré, saisie par X... ès qualités d'une demande d'indemnisation par application des règles du droit civil, ainsi que cela ressort des mentions de l'arrêt attaqué, déboute cette partie civile au motif que " les causes de l'accident sont à rechercher dans les fautes commises par les jeunes Tania X... et Pascal Y... ", ce dernier, notamment, ayant " circulé comme passager alors qu'il était âgé de plus de 14 ans " ;
Mais attendu qu'en excluant ainsi l'indemnisation de la conductrice du cyclomoteur, alors qu'ils constataient que sa faute n'était pas la cause unique de l'accident, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation proposé en faveur de Y... et de l'Allgemeine Ortskrankenkasse Von Karlsruhe, et pris de la violation des articles 2, 470-1, 593 du Code de procédure pénale, 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé la prévenue (Raymonde Z...) du chef de contravention de blessures involontaires et de celui de contravention connexe au Code de la route, a débouté la victime de l'accident (Pascal Y...) des fins de son action en réparation des dommages résultant des atteintes à sa personne qu'il avait subis ;
" aux motifs que " la relaxe de la prévenue implique le débouté des parties civiles sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale ; (...) que l'application des règles du droit civil ne permet pas davantage d'accueillir les conclusions des parties civiles, que les causes de l'accident sont à rechercher dans les fautes commises par les jeunes Tania X... et Pascal Y... qui ont respectivement :
- refusé la priorité au véhicule venant sur leur droite, perdu le contrôle du cyclomoteur qu'elle conduisait pour la première fois et omis de porter un casque,
- circulé comme passager alors qu'il était âgé de plus de 14 ans ; que ces fautes exonèrent l'automobiliste contre laquelle aucune imprudence n'est établie " ;
" alors qu'aux termes des articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985, les personnes non conductrices, âgées de moins de 16 ans et victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne, à moins qu'elles n'aient volontairement recherché lesdits dommages ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le jeune Pascal Y..., victime non conductrice, n'était âgé que de 15 ans au moment de l'accident, et qu'il n'a pas volontairement recherché les dommages subis ; qu'en lui refusant néanmoins toute indemnisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 les victimes, autres que les conducteurs d'un véhicule terrestre à moteur, d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un tel véhicule sont, lorsque leur âge est inférieur à 16 ans, indemnisées dans tous les cas des atteintes à leur personne, sauf si elles ont volontairement recherché le dommage ;
Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire formée par Y... au nom de son fils Pascal, la juridiction du second degré se borne à retenir que l'accident est dû aux fautes conjuguées de cette victime et de Tania X... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
D'où il suit que l'arrêt encourt également la censure de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 14 janvier 1988, mais seulement en ce qu'il s'est prononcé sur les demandes des parties civiles et intervenantes, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.