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29/11/1988 | FRANCE | N°86-95884

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 novembre 1988, 86-95884


REJET du pourvoi formé par :
- X... Maxime,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, 2e chambre, en date du 25 septembre 1986 qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné à des réparations civiles pour entrave à l'exercice du droit syndical.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 461-3 du Code du travail, 2. 2° de la loi du 4 août 1981, 6, 485, 512 et 567 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du 17 octobre 1983, qui avait déclaré X

... coupable du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
" alors 1°) que ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Maxime,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, 2e chambre, en date du 25 septembre 1986 qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné à des réparations civiles pour entrave à l'exercice du droit syndical.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 461-3 du Code du travail, 2. 2° de la loi du 4 août 1981, 6, 485, 512 et 567 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du 17 octobre 1983, qui avait déclaré X... coupable du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
" alors 1°) que l'arrêt rendu le 10 février 1984 par la cour d'appel de Poitiers sur appel de ce jugement, avait prononcé la relaxe de X... et, sur pourvoi des seules parties civiles, n'avait été cassé par arrêt du 4 juin 1984, qu'en ses seules dispositions civiles ; que, dès lors, en confirmant néanmoins le jugement du 17 octobre 1983 sur la déclaration de culpabilité, la cour d'appel d'Angers, qui statuait comme juridiction de renvoi, a violé les textes susvisés ;
" alors 2°) que et en toute hypothèse, le délit dont X... a été déclaré coupable, a été commis antérieurement au 22 mai 1981 à l'occasion d'un conflit collectif du travail ; que ce délit était, dès lors, amnistié ; que, par suite, en entrant néanmoins en voie de déclaration de culpabilité, la Cour a derechef violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-2, L. 461-3 et L. 521-1 du Code du travail, 2, 3, 427, 485 et 512 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, et l'a en conséquence condamné à dommages-intérêts envers Mlle Y... et l'union départementale CFDT de la Vendée, parties civiles ;
" aux motifs qu'il apparaît que le travail de piquage sur papier qu'il a finalement confié à Mlle Y..., réservé aux apprentis et aux débutants, ne correspondait pas à la qualification de cette dernière, mécanicienne en confection, alors qu'il l'avait affectée dès sa reprise directement à un poste dans la ligne de fabrication ; il ne peut davantage soutenir que l'arrêt de cette ligne ne lui permettait pas d'y affecter utilement l'intéressée, alors qu'il pouvait, sans créer de poste nouveau, la placer en début de chaîne ; le prévenu ne peut prétendre que Mlle Y..., en quittant l'entreprise, a admis le caractère objectivement insurmontable des obstacles s'opposant à sa réintégration, alors que, même sans user de son pouvoir disciplinaire, il pouvait faire connaître aux salariées que la réintégration de Mlle Y... constituant une obligation, n'était en aucun cas insusceptible de conduire à la fermeture de l'entreprise, et qu'il désapprouvait le mouvement de son personnel ; au surplus, le prévenu pouvait faire usage de son pouvoir disciplinaire pour faire cesser une grève illicite en raison de son objet ; en définitive, en donnant, d'une part, à Mlle Y..., mécanicienne en confection, un travail normalement réservé aux apprentis, et en la privant ainsi de la possibilité d'exercer des fonctions correspondant à sa qualification, en s'abstenant, d'autre part, de prendre toute initiative de nature à faire cesser le mouvement de grève des salariées s'opposant à la réintégration, lequel ne présentait pas un caractère insurmontable, le prévenu a commis le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
" alors 1°) que : il ne résultait pas des pièces du dossier et à aucun moment dans leurs conclusions d'appel, les parties civiles n'avaient fait valoir, que X... pouvait, sans créer de poste nouveau, placer Mlle Y... en début de chaîne de fabrication ; que, dès lors, en retenant au soutien de sa décision, que X... pouvait, sans créer de poste nouveau, placer Mlle Y... en début de chaîne, la Cour a violé le principe du contradictoire ;
" alors 2°) que : en déduisant le caractère insurmontable des obstacles s'opposant à la réintégration de Mlle Y..., de ce que X... pouvait faire connaître aux salariées que sa réintégration n'était en aucun cas susceptible de conduire à la fermeture de l'entreprise, et qu'il désapprouvait leur mouvement de grève, sans aucunement justifier ni de ce que cette grève avait pour cause exclusive la crainte desdites salariées de voir fermer l'entreprise, ni de ce que ces dernières auraient effectivement mis fin à leur mouvement sur intervention de leur employeur, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors 3°) que : la grève suspend l'exécution du contrat de travail et fait ainsi obstacle à l'exercice, par l'employeur, de son pouvoir disciplinaire ; que, dès lors, en retenant que X... pouvait faire usage de son pouvoir disciplinaire pour faire cesser une grève illicite dans son objet, la Cour a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Catherine Y..., ouvrière de la société de confection SOEXCOVE dirigée par X..., et déléguée syndicale, a, au cours de l'année 1980, fait l'objet d'une décision de réintégration dans l'entreprise consécutivement à son licenciement irrégulier ; que cette décision n'ayant pas reçu exécution, une plainte a été déposée par l'union départementale des syndicats CFDT de la Vendée et que X... a été renvoyé devant la juridiction répressive du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical par ordonnance du juge d'instruction en date du 30 mars 1983, pour n'avoir pas pris, au début de l'année 1981, les mesures propres à assurer la réintégration effective de la salariée ; que par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 10 février 1984, X... a été relaxé et que le syndicat précité ainsi que Catherine Y..., parties civiles, ont été déboutés de leurs demandes de réparations ; que cette décision a été censurée sur les seuls intérêts civils par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 4 juin 1985 ;
Attendu que statuant sur renvoi par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, pour accorder des réparations civiles à la salariée ainsi qu'au syndicat précité, parties civiles, relève tout d'abord que le 7 janvier 1981, lors du retour de Catherine Y... dans l'entreprise, X... a affecté son employée à un poste de Travail se trouvant au milieu d'une " ligne " de fabrication, et que tous les membres du personnel ont alors cessé de travailler, ce mouvement de grève intervenant sur l'initiative d'une contremaîtresse de l'entreprise et résultant pour une très large part de la crainte des ouvrières de perdre leur emploi ; que la cour d'appel ajoute qu'il en a été de même le lendemain 8 janvier 1981, X... restant délibérément passif et n'usant pas de son pouvoir disciplinaire comme le lui conseillait la direction départementale du travail, avisée de la situation ; que ladite Cour constate encore que X..., prétextant l'immobilisation de la chaîne de fabrication, a ensuite confié à Catherine Y... un travail de piquage sur papier, tâche normalement réservée aux apprentis, alors qu'il aurait pu placer la salariée au début de ladite chaîne de fabrication, et qu'en raison de toutes ces circonstances, l'intéressée a dû quitter l'entreprise ; que les juges du second degré déduisent de l'ensemble de ces éléments qu'en donnant à Catherine Y..., mécanicienne en confection ayant dix années d'expérience professionelle, une occupation ne correspondant pas à sa qualification, et en s'abstenant de prendre toute initiative afin de faire cesser un mouvement de grève illicite par son objet et ne présentant aucun caractère insurmontable et afin d'assurer la réintégration effective de cette salariée, X... a commis des faits d'entraves à l'exercice du droit syndical ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, fondés sur son appréciation souveraine des circonstances de la cause ainsi que des preuves contradictoirement débattues et qu'il n'appartient pas au demandeur de remettre en discussion, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués aux moyens ; que les juges avaient l'obligation, pour décider s'il y avait lieu d'accorder des réparations aux parties civiles, de vérifier si le comportement fautif imputé à l'employeur était constitutif de l'infraction d'entrave que définit l'article L. 412-2 du Code du travail ; qu'en outre, les agissements poursuivis n'entraient pas dans les prévisions de l'article 2 2° de la loi du 4 août 1981 portant amnistie, dès lors qu'ils n'étaient pas constitutifs d'un délit commis à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives, ces activités ne pouvant être celles d'un chef d'entreprise dans ses rapports avec ses salariés, et qu'il n'y avait en l'espèce aucun conflit du travail au sens du Livre V du Code du travail ;
Qu'en conséquence, les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-95884
Date de la décision : 29/11/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Elément matériel - Réintégration d'un délégué syndical irrégulièrement licencié - Chef d'entreprise - Obligations - Mesures propres à assurer la réintégration.

1° C'est à bon droit qu'une cour d'appel, saisie sur renvoi après cassation des seuls intérêts civils, déclare constitutif d'entrave, lors de la réintégration d'un délégué syndical irrégulièrement licencié, le comportement d'un employeur qui n'a pas usé, à ce propos, de son pouvoir disciplinaire afin de faire cesser une grève, dépourvue de caractère licite et insurmontable, exercée par ses autres salariés dans le but d'empêcher la réintégration, et qui a confié au délégué syndical en cause l'exécution d'une tâche ne correspondant nullement à sa qualification (1).

2° AMNISTIE - Textes spéciaux - Loi du 4 août 1981 - Amnistie de droit - Amnistie à raison de l'infraction - Délit commis à l'occasion d'un conflit du travail ou d'activités syndicales et revendicatives - Définition.

2° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délit d'entrave - Amnistie (loi du 4 août 1981) - Domaine d'application.

2° C'est à bon droit qu'une cour d'appel, saisie sur renvoi après cassation des seuls intérêts civils, déclare constitutif d'entrave, lors de la réintégration d'un délégué syndical irrégulièrement licencié, le comportement d'un employeur qui n'a pas usé, à ce propos, de son pouvoir disciplinaire afin de faire cesser une grève, dépourvue de caractère licite et insurmontable, exercée par ses autres salariés dans le but d'empêcher la réintégration, et qui a confié au délégué syndical en cause l'exécution d'une tâche ne correspondant nullement à sa qualification (1). De tels agissements commis antérieurement à la loi du 4 août 1981 portant amnistie, alors que la juridiction de jugement a été saisie postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 2.2° dudit texte, puisqu'ils ont été commis en dehors d'un conflit du travail au sens du livre V du Code du travail et qu'ils ne constituent pas un délit commis à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives, ces activités ne pouvant être celles d'un chef d'entreprise dans ses rapports avec ses salariés (2).


Références :

Code du travail L412-2
Code du travail L412-2, L461-3, L521-1
Loi 81-736 du 04 août 1981 art. 2 al.2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 25 septembre 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1981-10-13 , Bulletin criminel 1981, n° 270, p. 705 (action publique éteinte et rejet) ;

Chambre sociale, 1982-03-18 Bulletin 1982, V, n° 182, p. 134 (rejet). CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1981-10-13 , Bulletin criminel 1981, n° 270, p. 705 (action publique eteinte et rejet) ;

Chambre criminelle, 1983-10-25 , Bulletin criminel 1983, n° 262, p. 665 (action publique éteinte et cassation) ;

Chambre criminelle, 1986-02-04 , Bulletin criminel 1986, n° 46, p. 107 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 nov. 1988, pourvoi n°86-95884, Bull. crim. criminel 1988 N° 404 p. 1069
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 404 p. 1069

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocats :la SCP Tiffreau et Thouin-Palat

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.95884
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