CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre le jugement du tribunal maritime commercial de Marseille, du 4 novembre 1987, qui l'a déclaré coupable des délits prévus et punis par l'article 81 de la loi du 17 décembre 1926 portant Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, et l'a condamné à une amende de 8 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 25 du décret du 26 décembre 1956, pris par application de l'article 94 de la loi du 17 décembre 1926 portant Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, des articles 6 et 8 du règlement pour prévenir les abordages en mer, des articles 80 et 81 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande :
" en ce que le tribunal maritime commercial a été interrogé par les questions suivantes ;
" première question : le prévenu a-t-il, pour prévenir l'abordage entre le Gipsy et le Lady Aïda, ayant entraîné l'innavigabilité absolue du Gipsy, maintenu en permanence, comme le prévoit la règle 6 du règlement pour prévenir les abordages en mer, une vitesse de sécurité telle qu'il ait pu prendre les mesures appropriées pour éviter cet abordage et pour s'arrêter sur une distance adaptée aux circonstances et conditions existantes ? ;
" seconde question : le prévenu a-t-il pour prévenir l'abordage entre le Gipsy et le Lady Aïda, ayant entraîné l'innavigabilité absolue du Gipsy, entrepris sa manoeuvre franchement, largement à temps et conformément aux bons usages maritimes comme le prévoit la règle 8 du règlement pour prévenir les abordages en mer ? ;
" alors que ces deux questions sont également entachées du vice de complexité et contreviennent aux dispositions de l'article 25 susvisé du décret du 26 décembre 1956, puisqu'en effet elles réunissent l'interrogation sur l'infraction aux règles prescrites par les règlements maritimes et les deux circonstances aggravantes absolument distinctes de la matérialité de l'abordage et de l'innavigabilité absolue du navire ; qu'ainsi, en fondant leur condamnation sur les réponses faites à ces questions, les juges n'ont pas donné une base légale à leur décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 25 du décret du 26 décembre 1956, le président pose aux membres du Tribunal les questions relatives à la culpabilité du prévenu ; que chaque fait à lui imputé doit faire l'objet d'une question distincte ;
Attendu que les deux questions posées au Tribunal et reproduites au moyen sont entachées du vice de complexité et contreviennent aux dispositions de l'article 25 précité ;
Attendu, en effet, que l'article 81 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, après avoir énoncé, dans un premier alinéa, que si l'une des infractions prévues à l'article 80 ou tout autre fait de négligence imputable au capitaine, chef de quart ou pilote, a occasionné pour le navire ou pour tout autre navire... un abordage... le coupable est puni de 6 jours à 3 mois d'emprisonnement, ou d'une amende de 60 à 15 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, dispose, dans un second alinéa, que si l'infraction a eu pour conséquence... l'innavigabilité absolue... d'un navire, le coupable est puni de 3 mois à 2 ans d'emprisonnement et d'une amende de 180 à 15 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement ;
Qu'ainsi, l'innavigabilité absolue du navire étant une circonstance aggravante de l'abordage de ce navire, le tribunal maritime commercial ne pouvait être interrogé dans chacune des deux questions tant sur la matérialité de l'abordage que sur l'innavigabilité absolue ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE le jugement du tribunal maritime commercial de Marseille, du 4 novembre 1987, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal maritime commercial de Bordeaux.