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10/10/1988 | FRANCE | N°87-81854

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 octobre 1988, 87-81854


REJET, ANNULATION PARTIELLE sans renvoi et ANNULATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Pierre,
- Y... Jean-François,
- Z... Joël,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 4 mars 1987, qui les a condamnés, le premier à des réparations civiles dans les poursuites dirigées contre lui du chef de faux en écriture privée et de commerce, le second à 12 mois d'emprisonnement avec sursis et 80 000 francs d'amende ainsi qu'à des amendes douanières et à des réparations civiles pour détention, transport et vente sans justificatif de mar

chandises reprises à l'article 215 du Code des douanes, achat, détention, v...

REJET, ANNULATION PARTIELLE sans renvoi et ANNULATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Pierre,
- Y... Jean-François,
- Z... Joël,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 4 mars 1987, qui les a condamnés, le premier à des réparations civiles dans les poursuites dirigées contre lui du chef de faux en écriture privée et de commerce, le second à 12 mois d'emprisonnement avec sursis et 80 000 francs d'amende ainsi qu'à des amendes douanières et à des réparations civiles pour détention, transport et vente sans justificatif de marchandises reprises à l'article 215 du Code des douanes, achat, détention, vente d'oestrogènes connaissant leur destination, produits propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme et la rendant nuisible à la santé de l'homme, administration de produits oestrogènes à des animaux dont la chair et les produits sont destinés à la consommation humaine, usage de faux, le troisième à 15 mois d'emprisonnement dont 13 avec sursis et 100 000 francs d'amende ainsi qu'à des amendes douanières, à la confiscation de pièces d'or et à des réparations civiles pour détention, transport et vente sans justificatif de marchandises reprises à l'article 215 du Code des douanes, achat, détention, vente d'oestrogènes connaissant leur destination, produits propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme et la rendant nuisible à la santé de l'homme, usage de faux.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi de X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;
II-Sur les pourvois de Y... et de Z... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Y... : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Z... : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Y... : (sans intérêt) ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé par Z... : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Z... et pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention, du 20 mars 1952, de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, de l'article 215 du Code des douanes ensemble l'arrêté du 20 mai 1986 modifiant l'arrêté du 11 décembre 1981, des articles 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Z... du chef de détention illicite de pièces d'or et a prononcé la confiscation desdites pièces outre une amende douanière de 32 442 francs représentant deux fois la valeur de ces pièces ;
" aux motifs que 21 pièces d'or ont été découvertes au domicile de Z... qui n'a pu justifier de leur origine à la date du 22 juin 1982 ; qu'à cette époque les monnaies d'or étaient spécialement visées par l'arrêté du 11 décembre 1981 pris pour l'application de l'article 215 du Code des douanes ; que certes, l'arrêté du 20 mai 1986 a indiqué que les monnaies d'or n'étaient plus soumises aux dispositions de l'article 215 du Code des douanes ; que cependant l'infraction douanière remontant à 1982, il ne peut être fait application en l'espèce de la règle tendant à l'application de la loi pénale plus douce, les textes réglementaires en matière économique ou fiscale ne rétroagissant pas à moins de dispositions formellement exprimées ; qu'il y a donc lieu de retenir au cas présent la non-rétroactivité des lois in mitius en raison du caractère fiscal de l'infraction ;
" alors que, d'une part, l'exception de rétroactivité de la loi pénale nouvelle plus douce est un principe général de valeur constitutionnelle dérivé de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; que le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l'empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l'appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ; qu'en décidant le contraire, prétexte pris du caractère douanier de l'infraction considérée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, le bénéfice de la loi pénale nouvelle plus douce est obligatoire par application de l'article 15 du pacte de l'ONU sur les droits civils et politiques signé à New York le 16 décembre 1966, ratifié par la France le 25 juin 1980 et publié suivant décret du 29 janvier 1981 ;
" alors, en tout état de cause, que l'article 215 du Code des douanes et l'arrêté du 11 décembre 1981 violent les dispositions de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde et l'article 1er du protocole n° 1 du 20 mars 1952 garantissant la protection des droits économiques dans la mesure où les transactions sur l'or étant expressément couvertes par l'anonymat depuis le décret du 1er mars 1948, l'arrêté du ministre du Budget en date du 11 décembre 1981 ne pouvait incriminer rétroactivement l'absence de justification d'origine des monnaies d'or, omission qui auparavant était expressément encouragée par le législateur lui-même " ;
Vu lesdits articles, ensemble la loi du 8 juillet 1987, notamment de son article 21, qui a modifié l'article 215 du Code des douanes et de la publication de l'arrêté du 24 septembre 1987 ;
Attendu qu'en l'absence de prévisions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales, douanières ou fiscales plus douces, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; que constitue ainsi une disposition plus douce applicable immédiatement l'abrogation d'un texte réglementaire, support nécessaire d'une incrimination, dès lors qu'elle retire aux faits poursuivis leur caractère punissable et qu'elle résulte d'une modification législative ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Joël Z... a été poursuivi et condamné pour avoir, le 21 juin 1982, détenu 21 pièces d'or sans pouvoir produire à première réquisition des agents des Douanes, soit des quittances attestant que ces marchandises avaient été régulièrement importées, soit des factures d'achat, bordereaux ou toutes autres justifications d'origine émanant de personnes ou sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier, délit prévu et puni alors par les articles 215, 416 et 419 du Code des douanes et l'arrêté du ministre délégué, chargé du Budget, en date du 11 décembre 1981 ;
Mais attendu que l'article 21 de la loi du 8 juillet 1987, en modifiant l'article 215 du Code des douanes, a énuméré les catégories de marchandises dont la détention est susceptible d'être soumise par arrêté du ministre du Budget à des justifications d'origine ; que l'arrêté du 24 septembre 1987, pris en vertu des dispositions nouvelles, ne fait pas mention des pièces d'or ; qu'il s'ensuit, par application des principes sus-énoncés, que la poursuite manque désormais de base légale et que l'arrêt susvisé doit être annulé en ces dispositions, et ce, sans renvoi ;
Que cependant Z... ayant été condamné pour des infractions de droit commun et un autre délit douanier, l'annulation ne concerne que l'infraction douanière susvisée, celle-ci étant distincte des autres délits et n'impliquant dès lors aucune indivisibilité avec eux dans les poursuites initialement jointes ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par Y... et pris de la violation des articles 414 du Code des douanes et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Y... à une amende douanière de 343 980 francs, solidairement avec les autres prévenus limitant sa solidarité à la somme de 330 192 francs ;
" aux motifs adoptés qu'il y a lieu, pour apprécier le taux des amendes, de retenir le profit réalisé :
- les bénéfices : 50 litres (12 000 francs), flacon vendu à Y... : 200 à 350 francs revendu par lui à A... et B... : 420-450 francs, le flacon permettant de " piquer " environ 35 veaux en moyenne ;
- les résultats : la piqûre étant effectuée environ un mois avant l'envoi à l'abattoir et permettant une prise de poids de l'animal d'environ 4 à 5 kilos, le kilo carcasse, au prix officiel, étant 30, 65 francs environ, Y... ayant indiqué à l'audience qu'il " le faisait " à 26, 80 francs ;
" alors que, d'une part, en vertu de l'article 414 du Code des douanes, l'amende douanière est fixée entre une fois et trois fois la valeur de l'objet de fraude ; que pour calculer le montant de l'amende douanière à laquelle ils ont condamné le demandeur, les juges du fond, au lieu de prendre comme base de calcul la valeur des marchandises en cause, à savoir les substances à base d'oestrogènes, se sont fondés sur le profit tiré de l'augmentation du poids des animaux après l'administration desdites substances, et ont par conséquent violé le texte susvisé ;
" alors que, d'autre part, en toute hypothèse, l'article 414 du Code des douanes, modifié par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 applicable en l'espèce, fixe l'amende douanière entre une fois et deux fois la valeur de l'objet de fraude ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé cette disposition " ;
Et sur le moyen additionnel proposé par Z... et pris de la violation des articles 15 du pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 215, 414, 419, 437 du Code des douanes, de l'arrêté du 11 décembre 1905, des articles 1 et 4 de la loi du 27 novembre 1976, 25 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, 3, 150 et 151 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine d'emprisonnement de 15 mois dont 13 mois assortis du sursis et à une amende de 100 000 francs outre une amende douanière de 343 890 francs correspondant à trois fois la valeur sur le marché du produit illicite du chef d'achat, détention ou vente d'oestrogènes ;
" alors que l'article 414 du Code des douanes dans sa nouvelle rédaction issue de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 applicable en l'espèce limite l'amende douanière entre une et deux fois la valeur de l'objet de la fraude ; que l'amende correspondant à trois fois la valeur du produit ne repose désormais sur aucune base ; que la cassation est encourue pour le tout en raison de l'indivisibilité de la peine et de la déclaration de culpabilité " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en l'absence de prévisions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales, fiscales ou douanières plus douces s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Z... et Y... ont été condamnés à une amende douanière de 343 980 francs représentant trois fois la valeur du produit sur le marché illicite ;
Mais attendu que l'article 25 de la loi du 8 juillet 1987 en modifiant l'article 414 du Code des douanes a limité le montant de l'amende douanière entre une fois et deux fois la valeur de l'objet de fraude ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt de condamnation manque désormais de base légale et doit être annulé sur ce point ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner la troisième branche du troisième moyen proposé par Z... :
I-Sur le pourvoi de Pierre X... :
REJETTE le pourvoi ;
II-Sur le pourvoi de Joël Z... :
ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 4 mars 1987, mais en ses seules dispositions condamnant Z... pour détention de 21 pièces d'or ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
III-Sur les pourvois de Y... et Z... :
ANNULE l'arrêt susvisé, en celles de ses dispositions relatives aux pénalités douanières prononcées à l'encontre des deux demandeurs, toutes autres dispositions étant maintenues, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi intervenue :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-81854
Date de la décision : 10/10/1988
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation douanière - Rétroactivité - Loi plus douce - Loi prévoyant un arrêté d'application - Effet - Pourvoi en cours.

1° DOUANES - Marchandises soumises à justification d'origine - Détention sans justification - Loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières - Application dans le temps - Loi plus douce - Loi prévoyant un arrêté d'application - Effet - Pourvoi en cours.

1° Voir le sommaire suivant.

2° DOUANES - Lois et règlements - Application dans le temps - Loi nouvelle - Loi plus douce - Rétroactivité - Loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières - Loi prévoyant un arrêté d'application - Effet - Pourvoi en cours.

2° En l'absence de prévisions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales, douanières ou fiscales plus douces, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés. Constitue une disposition plus douce applicable immédiatement l'abrogation d'un texte réglementaire, support nécessaire d'une incrimination, dès lors qu'elle retire aux faits poursuivis leur caractère punissable et qu'elle résulte d'une modification législative. Cesse, dès lors, d'être applicable aux poursuites en cours, non définitivement jugées, l'arrêté du 11 décembre 1981 en ce qu'il faisait figurer les pièces d'or dans la liste des marchandises soumises à justification d'origine dès lors que l'arrêté du 24 septembre 1987, pris pour l'application de l'article 215 du Code des douanes dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987, qui a énuméré les catégories de marchandises dont la détention est soumise à une telle justification d'origine, ne fait pas mention de pièces d'or (1).


Références :

Arrêté du 11 décembre 1981
Arrêté du 24 septembre 1987
Code des douanes 215
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 21

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 04 mars 1987

CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1988-01-25, Bulletin criminel 1988, N° 33 p. 87 (annulation sans renvoi) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 oct. 1988, pourvoi n°87-81854, Bull. crim. criminel 1988 N° 335 p. 899
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 335 p. 899

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Malibert
Avocat(s) : Avocats :la SCP Peignot et Garreau, M. Bouthors, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.81854
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