CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Mike,
- Y... Jean,
- Z... Pierre,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 1986 qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, les a condamnés à 3 000 francs d'amende chacun et à des réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 411-3, L. 412-10 ancien, L. 412-11, L. 412-18 et L. 481-2 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'entrave à l'exercice du droit syndical par licenciement sans autorisation d'un ancien délégué syndical pendant les douze mois suivant la cessation de sa fonction ;
" aux motifs que les prévenus reconnaissent eux-mêmes l'existence d'une activité syndicale dans leur entreprise au moment de la désignation de Mme A... ; qu'il ne peuvent dès lors se prévaloir de l'inexistence du syndicat qui a procédé à sa désignation ; que s'il est exact qu'aucun " syndicat CGT UNISABI " n'a déposé de statuts à la mairie de Saint-Denis de l'Hôtel, comme l'exige l'article L. 411-3 du Code du travail, l'activité syndicale de Mme A... ne peut être niée ; que le mandat d'un délégué syndical ne dépérit pas par le non-usage ; que jusqu'au 30 août 1984, Mme A..., même si son activité s'est estompée depuis 1980, était toujours délégué syndical ; qu'elle a été licenciée le 16 novembre 1984, alors qu'elle se trouvait encore dans la période d'une année après la cessation de leur activité protégeant les anciens délégués syndicaux ; qu'en procédant à son licenciement sans autorisation, les prévenus ont commis le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
" alors que, d'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 412-10 ancien du Code du travail, applicables en l'espèce, qu'un délégué syndical ne peut être désigné que par un syndicat et qu'en vertu de celles des articles L. 411-1 du même Code, un syndicat n'acquiert d'existence légale que s'il a déposé ses statuts à la mairie de la localité où il est établi ; qu'en considérant que Mme A... avait été valablement désignée comme délégué syndical par un " syndicat CGT UNISABI " tout en constatant qu'il était exact qu'aucun syndicat CGT UNISABI n'avait déposé de statuts à la mairie du lieu où est établie l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de cette constatation les conséquences qui s'en évinçaient légalement, a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, les prévenus avaient fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées et visées par le président, que Mme A... avait cessé sa fonction de délégué syndical en 1980, en se fondant sur des attestations produites aux débats, et sur le fait que cette employée avait été désignée à nouveau comme délégué syndical par lettres des 30 août et 12 septembre 1984, ce qui confirmait bien qu'elle avait cessé de l'être ; que par les mêmes conclusions les prévenus rappelaient que l'abandon de son mandat par Mme A... avait été confirmé par un jugement du tribunal d'instance d'Orléans du 5 octobre 1984, une ordonnance du conseil de prud'hommes d'Orléans du 30 novembre 1984 et un arrêt de la cour d'appel du 21 février 1985 ; qu'en se bornant à énoncer que " même si son activité s'était estompée depuis 1980 " Mme A... était toujours délégué syndical CGT, la cour d'appel n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions des prévenus et n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part qu'un syndicat qui n'a pas effectué le dépôt de ses statuts conformément aux dispositions des articles L. 411-3 et R. 411-1 du Code du travail, ne jouit pas des droits reconnus aux syndicats ; que par suite, les obstacles opposés à son action ne sont pas de nature à constituer le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical défini par la loi ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué devant la cour d'appel, que saisie des poursuites exercées notamment contre X..., Y... et Z..., respectivement président, responsable des affaires sociales et directeur du personnel de la société UNISABI, pour avoir, en 1984, procédé sans autorisation administrative au licenciement de Norma A..., salariée de l'entreprise qui avait été désignée comme déléguée syndicale par le syndicat " CGT-UNISABI " le 28 novembre 1978, les prévenus ont sollicité leur relaxe en faisant valoir que le syndicat en cause n'avait pas déposé ses statuts en mairie comme l'exigeaient les dispositions des articles L. 411-3 et R. 411-1 du Code du travail et qu'en conséquence aucune autorisation n'était nécessaire pour le licenciement de la salariée, qui n'avait pu être valablement désignée comme déléguée syndicale ;
Attendu que pour écarter cette argumentation et dire la prévention d'entrave à l'exercice du droit syndical établie, la cour d'appel relève qu'il ressort du jugement entrepris que la société UNISABI n'a pas contesté la désignation intervenue, dont elle avait eu connaissance, dans le délai de 15 jours prévu par l'article L. 412-13 ancien du Code du travail, applicable à l'époque des faits ; qu'elle ajoute que s'il est exact, comme le soutiennent les prévenus, que les statuts du syndicat " CGT-UNISABI " n'ont pas été déposés en mairie, il est en revanche établi qu'entre 1978 et 1984, Norma A... a réellement eu une activité syndicale et qu'il en résulte que la salariée, tant que sa désignation n'était pas contestée, ne pouvait faire l'objet d'un licenciement sans autorisation de l'inspecteur du Travail ;
Attendu qu'en cet état, alors que l'exception présentée, fondée sur un fait non contesté, enlevait aux agissements poursuivis leur caractère punissable sans que puissent lui être opposés les effets de la forclusion prévue par l'ancien article L. 412-13 du Code du travail, les juges du second degré, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations tenant au défaut de dépôt des statuts du syndicat concerné, ont méconnu les principes susvisés ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Orléans en date du 28 avril 1986 en celles de ses dispositions ayant trait au délit d'entrave à l'exercice du droit syndical reproché à X..., Y... et Z..., les autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire,
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.