Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les consorts X... étaient propriétaires indivis d'un immeuble à usage d'habitation et d'exploitation agricole ; que Mme Lucienne X... avait assuré les bâtiments auprès de la Compagnie d'assurances générales de France (AGF) ; qu'en 1979, les indivisaires ont vendu l'immeuble à l'un d'eux, M. Jean-Luc X... ; que Mme Lucienne X... n'a alors pas informé les AGF de ce transfert de propriété ; que M. Jean-Luc X... a contracté une autre assurance auprès de la compagnie La Concorde ; que Mme Lucienne X... n'ayant pas réglé la prime due aux AGF à l'échéance du 1er janvier 1980, cette compagnie l'a mise en demeure, par lettre recommandée du 15 février 1980, d'en effectuer le paiement et lui a fait savoir que, faute de le faire dans les trente jours, la garantie serait suspendue ; que, par lettre du 26 février 1980, Mme X... a avisé les AGF de l'acquisition de l'immeuble par son fils Jean-Luc ; que les AGF lui ont répondu le 10 mars 1980 qu'elles prenaient bonne note du changement de propriétaire et lui ont fait savoir que, conformément aux dispositions de l'article L. 121-10 du Code des assurances, elles allaient réclamer le paiement de la prime à M. Jean-Luc X... ; que le même jour, cet assureur a adressé à ce dernier une correspondance lui demandant le paiement de la prime ; que M. X... n'a pas procédé à ce règlement ; que, le 26 avril 1980, les bâtiments ont été détruits presque en totalité par un incendie ; qu'informées de ce sinistre par M. X... le 3 juin 1980, les AGF ont dénié leur garantie ; que la compagnie La Concorde a seule indemnisé M. X..., mais pour partie seulement du dommage par application de la règle proportionnelle ; que la cour d'appel, ayant relevé que le bénéfice du contrat d'assurance conclu avec les AGF avait été maintenu au profit de M. X... mais que celui-ci était déchu de la garantie pour déclaration tardive du sinistre, a débouté la compagnie La Concorde et M. X... de leur demande de condamnation des AGF à participer à l'indemnisation du sinistre au titre du cumul d'assurances pour la première et afin d'être indemnisé du découvert d'assurance pour le second ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que les AGF font grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le contrat passé entre Mme X... et cette compagnie avait été maintenu au profit de M. X..., acquéreur du bien assuré, alors que, selon le moyen, celui qui aliène reste tenu, vis-à-vis de l'assureur, du paiement des primes échues et que cette obligation est assortie des sanctions prévues par l'article L. 113-3 du Code des assurances et que, par suite, la garantie est suspendue trente jours après l'envoi par l'assureur, qui n'a pas reçu notification du transfert, d'une mise en demeure au vendeur ;
Mais attendu que le transfert de la chose assurée opère, en vertu de l'article L. 121-10 du Code précité, la transmission active et passive à l'acquéreur du contrat d'assurance, dès lors que ce contrat existe au jour de l'aliénation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ce transfert s'est opéré en 1979, de sorte que, comme elle l'a justement retenu, la mise en demeure ultérieurement adressée par l'assureur à Mme X..., qui demeurait tenue au paiement des primes jusqu'au moment où elle a informé les AGF de l'aliénation, est demeurée sans conséquence sur l'obligation de garantie, laquelle ne pouvait être suspendue que par une mise en demeure adressée personnellement à M. X... ;
Que le grief du pourvoi incident est donc sans fondement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :
Attendu que la compagnie La Concorde et M. X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés, pour déclaration tardive du sinistre, de leur action contre les AGF, ayant estimé que la clause de déchéance figurant dans la police était valable comme étant très apparente alors que, selon le moyen, une telle clause n'est valable que si elle est mentionnée au moyen d'une impression la détachant nettement du contexte et que, par suite, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 112-4 du Code des assurances ;
Mais attendu qu'en relevant que l'examen du contrat révélait que la clause litigieuse, même si elle était écrite dans des caractères analogues à ceux employés pour d'autres clauses, moins contraignantes pour l'assuré, situées directement à proximité de celle-ci et se trouvait ainsi en quelque sorte mise sur le même plan qu'elles, n'en demeurait pas moins très apparente pour le lecteur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, le texte précité imposant l'utilisation de " caractères très apparents ", sans pour autant exiger que ces caractères soient différents de ceux employés pour l'impression de clauses figurant à proximité ;
Que la première branche du moyen ne peut donc être accueillie ;
Rejette le moyen unique du pourvoi incident et la première branche du moyen unique du pourvoi principal ;
Mais sur la seconde branche de ce dernier moyen :
Vu l'article L. 113-2 du Code des assurances ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les polices d'assurance peuvent prévoir que le défaut de déclaration d'un sinistre par l'assuré dans les cinq jours sera sanctionné par la déchéance de la garantie, étant admis que l'assureur peut renoncer à s'en prévaloir ;
Attendu que, pour rejeter les conclusions de la compagnie La Concorde et de M. X... soutenant que les AGF avaient renoncé à se prévaloir de la déchéance attachée à la déclaration tardive à la suite de circonstances précises et d'actes positifs, la cour d'appel a estimé que, selon l'article 563 du nouveau Code de procédure civile, les parties pouvaient invoquer en appel des moyens nouveaux pour justifier les prétentions soumises au premier juge et qu'en conséquence le fait de ne pas invoquer un moyen lors de pourparlers ou en première instance n'équivalait pas à renoncer à s'en prévaloir à un stade ultérieur de la procédure ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a éludé l'examen au fond de l'éventuelle renonciation de l'assureur à invoquer la déchéance, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Jean-Luc X... et la compagnie La Concorde de leur demande, l'arrêt rendu le 8 novembre 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon